Cuba : Miguel Diaz-Canel, successeur du président Castro?
Miguel Diaz-Canel doit être désigné le 19 avril pour succéder à Raul Castro. Pour la première fois en près de 60 ans, le dirigeant cubain ne portera ni le nom de Castro, ni l’uniforme. Sa liberté d’action devrait être cependant limitée par le PC.
Après six décennies au pouvoir, le régime des frères Castro prendra fin le 19 avril 2018. Une page historique se tourne sans que les Cubains semblent s’en émouvoir. Dans un système de parti unique, attaché à préserver la stabilité de Cuba, la succession a été minutieusement préparée. Le nom de l’actuel vice-président, Miguel Díaz-Canel, proche de Raúl Castro, qui a remplacé son frère Fidel, en 2006, circule depuis plusieurs mois sur l’île.
Celui qui fêtera ses 58 ans le 20 avril prochain – soit au lendemain du vote des parlementaires pour désigner le nouveau président – figurait déjà sur la photo de famille au cimetière de Santiago lors des obsèques de Fidel Castro en décembre 2016. « Le camarade Diaz-Canel n’est pas une recrue ou un bleu », soulignait également Raul Castro, 86 ans, alors qu’il le nommait au poste de numéro deux du régime, en 2013.
Reste que « son arrivée au pouvoir marque un changement », selon Janette Habel, chercheuse à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique latine (IHEAL). « Miguel Diaz-Canel incarne cette génération qui n’appartient plus à celle de la révolution de 1959. » Pour la première fois dans l’histoire post-révolutionnaire de l’île, le président de la République ne portera donc ni le nom de Castro, ni l’uniforme. « Son profil d’intellectuel et de technocrate tranche aussi avec celui des combattants autodidactes de la génération historique », poursuit-elle.
Cet universitaire diplômé en ingénierie électronique et ancien ministre de l’Enseignement supérieur (2009-2012), dépourvu de légitimité historique, affiche toutefois de solides références au sein du Parti communiste cubain, qu’il a intégré en 1997. Il en a grimpé tous les échelons, dirigeant la section provinciale de Villa Clara, puis de Holguin pendant plusieurs années, avant de devenir, en 2013, le vice-président du Conseil des ministres de Cuba. Les Cubains de l’époque gardent l’image d’un homme simple qui circulait à vélo pour rester au contact du peuple.
Partage du pouvoir
Mais le prétendant au fauteuil présidentiel, à qui l’on prête des ressemblances avec l’acteur américain Richard Gere pour sa taille élancée et ses cheveux argentés, ne marchera pas complètement dans les pas des Castro. Sa fonction se limitera à la présidence de la République, Raul Castro restant premier secrétaire du parti jusqu’en 2021. « Alors que les deux fonctions étaient cumulées par une seule personne depuis un demi-siècle, le pouvoir va être partagé pour la première fois et limité à deux mandats de cinq ans, commente Janette Habel. Une façon pour le parti de garder la main sur l’évolution de l’île en préservant sa stabilité. »
Miguel Diaz-Canel devrait se cantonner à une fonction purement représentative, rôle dont il s’acquitte depuis plusieurs années déjà. Vladimir Poutine et Kim Jong-un l’ont reçu respectivement au Kremlin et en Corée du Nord. Il s’est également rendu en France à l’automne 2015 pour la conférence de Paris sur le climat, à l’issue de laquelle Cuba a permis la finalisation d’un accord en coulisses.
Miguel Diaz-Canel ne serait alors qu’un héritier des Castro ? « Rien n’indique qu’il va sur le fond dévier de la ligne politique antérieure », juge Janette Habel. Les observateurs affirment qu’il ne bouleversera pas le système, mais devrait poursuivre les réformes économiques amorcées par Raul Castro, comme la fin de la dualité monétaire (le peso cubano et le peso convertible circulent sur l’île). Il devrait aussi s’attacher à réduire les inégalités salariales. « Miguel Diaz va gérer les affaires publiques sous le contrôle du parti, mais aussi des forcées armées qui jouent un rôle très important sur le plan économique », détaille-t-elle.
Défenseur du numérique
Certains observateurs le décrivent comme terne et insipide. Pourtant, l’homme, cultivé et sensible à la cause climatique, devrait toutefois marquer sa différence avec l’ère castriste en se prononçant en faveur d’une plus grande ouverture de l’île. « Aujourd’hui, avec le développement des réseaux sociaux (…) et d’Internet, interdire quelque chose est presque une chimère, cela n’a pas de sens », a déclaré Miguel Diaz-Canel, aperçu plusieurs fois avec une tablette sous le bras. Celui qui possède un compte Facebook, fait rare dans la classe politique cubaine, a défendu la liberté de la presse en soutenant en 2013 le blog La jovencuba, qui avait été censuré par La Havane un an plus tôt.
Mais cette ouverture est toute relative. En août 2017, Miguel Diaz-Canel a affiché un discours beaucoup plus rigide devant l’école des cadres du parti, où il a fortement mis en cause les dissidents cubains, critiqué les médias indépendants tout en égratignant au passage les États-Unis. Ses propos ont été filmés et diffusés sur Internet. « C’est la preuve qu’il avance prudemment compte tenu des différentes positions au sein du parti », note Janette Habel qui y voit un « jeu d’équilibre » de la part de Miguel Diaz-Canel, au moins jusqu’en 2021, soit tant que Raul Castro sera à la tête du parti.
France24