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DES LOCATAIRES SCEPTIQUES FACE À LA BAISSE ANNONCÉE DU LOYER

Samedi 6 novembre, le président de la République Macky Sall a annoncé une baisse du prix du loyer. Dans ce contexte d’inflation galopante et d’une constante hausse du prix du loyer particulièrement à Dakar, les locataires saluent la mesure mais restent méfiants quant au suivi. Pour cause, ils redoutent une difficile application de la mesure par certains propriétaires de maison car l’Etat ne pouvant pas tout contrôler et que la nouvelle baisse puisse entraîner une hausse du prix du loyer comme en 2014. C’est pourquoi les locataires exigent du gouvernement un suivi de la nouvelle baisse du prix du loyer mais également des sanctions contre les propriétaires des maisons qui refuseraient d’appliquer la mesure.

Awa Seck vit en location, elle occupe un local composé d’une chambre et d’un salon en rez-de-chaussée au quartier Scat Urbam avec son mari et ses deux enfants. « J’habite ici depuis 2019. On avait payé trois mois de caution. C’est juste une petite pièce composée d’une chambre, d’un salon, d’une cuisine et d’une toilette. Ce n’est même pas trop aéré mais on n’a pas de choix parce qu’avant même de trouver ce local, on avait beaucoup enduré. On paie 100 000 FCFA le mois. J’ai entendu le Président de la République annoncer la baisse du prix du loyer. Je salue cette mesure qui vient à son heure car le prix du loyer est devenu exorbitant à Dakar. A la fin du mois, tout le monde se gratte la tête », confie Awa Seck. En effet, les fins de mois sont devenues de plus en plus difficiles à Dakar, entre hausse des prix des produits de consommations et la cherté du prix du loyer.

La capitale sénégalaise qui abrite près de quatre millions d’habitants, avec la croissance de la demande liée à une urbanisation rapide, le prix des loyers ne répond à aucune logique sinon celle de la surenchère constante. Sans oublier les trois, quatre mois de caution ou même plus que le locataire doit débourser et les 2000 FCFA de frais de visite de logement qu’exigent certains agents immobiliers informels. Samedi dernier, 5 novembre, le Chef de l’Etat, Macky Sall, à l’issue d’une rencontre sur la consommation, a annoncé des mesures de baisse relative au logement, au riz, à l’huile, au sucre ou encore aux frais d’inscription dans les écoles. La baisse est de 5% pour les loyers de plus de 500 000 FCFA, de 10% pour ceux allant de 300 000 FCFA à 500 000 FCFA et de 20% pour ceux inférieurs ou égaux à 300 000 FCFA.

Pour certains locataires, c’est une aubaine. « Je suis content de la baisse parce que Dakar est devenue invivable à cause de la cherté du loyer. Elle est la bienvenue. Je pense que le gouvernement a bien fait de vouloir baisser le prix du loyer et autres denrées pour permettre aux gens de souffler un peu. Beaucoup de personnes ne peuvent pas se loger décemment. Les propriétaires de maison font ce qu’ils veulent. Ils fixent des prix exorbitants alors que tout le monde sait que la plupart des gens ne parviennent pas à joindre les deux bouts à la fin du mois », confie Ousmane Ba, père de famille. Il ajoute : « Moi, j’habite à Liberté 6. Je vis en location dans un appartement de deux chambres et un salon à 150 000 CFA. Nous sommes six personnes dans la pièce. Imaginez les problèmes de promiscuité qu’on rencontre mais je ne peux pas me permettre de louer un autre appartement de trois ou quatre chambres parce que je n’ai pas ces moyens. Heureusement même que ma femme qui fait du petit commerce me soutient un peu mais vraiment, c’est difficile ».

«CE N’EST QUE DU SAUPOUDRAGE ET RIEN D’AUTRE»

Si certains locataires saluent la mesure, d’autres jouent les Cassandre. Ils redoutent une augmentation du prix du loyer avec cette nouvelle mesure comme à l’époque. Pour rappel, l’Etat avait tenté de lever les barrières de l’accès au logement en adoptant la loi n°2014-03 du 22 janvier 2014 portant baisse des prix des loyers n’ayant pas été calculés suivant la surface corrigée. Mais l’impact positif de la loi n’a duré que le temps d’une rose car elle n’a pas dissuadé de nombreux propriétaires de maison à continuer en toute quiétude d’imposer leurs conditions. Macky Sall, lui-même, l’a rappelé. « Les loyers ont augmenté de plus de 200% depuis la dernière tentative de baisse alors que les coûts de la construction n’ont évolué que de l’ordre de 45% », a-t-il déclaré. L’occasion faisant le larron, beaucoup de bailleurs avaient chassé leurs locataires en prétextant refaire leurs maisons pour pouvoir augmenter le prix.

 Rencontré à Grand-Yoff, cet enseignant n’attend pas grand-chose de la nouvelle baisse du prix du loyer. « Ce n’est que du saupoudrage et rien d’autre. Le gouvernement nous a habitués à des effets d’annonce. Baisser les prix, c’est bien mais le plus important, c’est le suivi. Et moi, pour dire vrai, je suis pessimiste. Je crains que d’ici cinq à six mois, le laisser-aller des propriétaires ne reprenne. Parce qu’à chaque fois, l’Etat prend des mesures en grande pompe mais il n’y a jamais eu de suivi. Regardez la loi sur l’interdiction des sachets plastiques, on en est-on ? C’est aujourd’hui que Dakar est beaucoup plus polluée par la plastique au vu et au su de tout le monde », souligne Moussa Fall.

 Et de poursuivre : «Je sais que la location est très chère parce que je n’ai qu’une chambre-toilette au quartier Ouest Foire à 80 000 FCFA le mois. Mais je pense que l’Etat n’a pas touché le nœud du problème. Pour moi, il faudrait revoir les prix des matériaux de construction qu’on applique dans le pays car c’est ça qui impacte sur le prix du loyer ou bien construire des logements sociaux mais connaissant ce gouvernement même les logements sociaux n’auront que de nom car ce sera très cher. Du coup, les politiciens riches vont les prendre et encore nous louer ».

Quant à Awa Faye, une autre locataire, elle invite les bailleurs à plus de compréhension. « Je me réjouis de la baisse mais j’invite les propriétaires des maison à revenir à la raison et à respecter la nouvelle mesure. L’Etat aussi doit veiller au grain », dit-elle. A Dakar, le prix du loyer à Dakar ne cesse de monter en flèche. C’est pourquoi avec cette nouvelle mesure de baisse du prix, les locataires invitent l’Etat à veiller sur son application à la lettre et à sanctionner sévèrement les bailleurs qui rechigneraient.

Sudquotidien