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CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM : Les fruits amers de la médiocrité…

Des élèves en furie qui démontent les fenêtres de leurs classes, saccagent les tables, vandalisent tout, déchirent les tenues qu’ils ont portées le long de l’année scolaire qui a pris fin pour les écoliers qui ne doivent pas subir les examens de fin d’année. Une manière bien particulière de dire au revoir à leur établissement, à leurs enseignants. La débauche d’énergie, le sérieux dans la bêtise dont ils font montre, sont illustratifs d’un mal profond.
L’école sénégalaise fout le camp. Le constat a été fait depuis belle lurette. L’année dernière, au même moment, les mêmes actes puérils ont été posés par des élèves dans un établissement de Yarakh, un autre quartier populaire de Dakar. Les autorités avaient certes pris des sanctions. Mais elles ont été factuelles. Elles ont choisi de fermer les yeux sur la profondeur du mal. Quand une plaie est béante, infestée, il faut une véritable cure pour la guérir. Une amputation de l’organe concerné peut même être envisageable si c’est le seul recours pour éviter l’infection des autres parties du corps. Le ver mortel est dans un système moribond.
Ces temps-ci, une circulaire adressée aux inspecteurs de l’éducation et qui viendrait de leur ministère de tutelle, explique les conditions de passage des élèves en classe supérieure. On y lit avec beaucoup de consternation qu’une moyenne de 8 est suffisante pour un collégien de la 6ème et de la 5ème de passer à un autre niveau. 8, c’est mal, c’est mauvais. La médiocrité triomphante en marche !
Échecs multiples
Au-delà des « abris provisoires » donc, des effectifs pléthoriques, du désordre, l’échec cuisant est dû à un contenu qui ne passionne pas les apprenants et ne reflète non plus nos réalités à bien des égards. L’échec est causé par un déficit dans la formation de nombre d’enseignants qui ne sont pas capables d’appréhender les vrais enjeux pour réussir une mission capitale. L’échec vient d’un manque de vocation de beaucoup d’entre eux qui sont juste là, parce qu’ils n’ont rien à faire ailleurs. Un cheveu dans une soupe peut empêcher sa consommation. L’échec provient d’une société en crise, aux spectacles quotidiens qui mettent en exergue des contre-valeurs, encourage les voleurs à col blanc, les grands bandits, les menteurs, les pilleurs. Une société qui a de beaux atours mais qui agit avec froideur pour enterrer les valeurs qui faisaient sa force et son identité.
Ces élèves de Yoff sont à sanctionner à la mesure de leurs bavures. A y regarder de prés, à les observer agir, ils ressemblent à des êtres irréfléchis qui ne sont pas du tout conscients que leurs actes qu’ils filment aisément, vont faire le tour du monde et seront unanimement fustigés. Ils sont les fruits de cet échec dans lequel ils nagent et font même semblant de progresser. De l’école primaire au collège. Ils seront bientôt lycéens puis étudiants dans les mêmes conditions, le même état d’esprit. Une apologie tentaculaire de la médiocrité, du manque de sérieux et de rigueur, de la paresse. Dans les secteurs les plus stratégiques de la vie publique, c’est la même rengaine. Les contre-exemples érigés en exemples, les bêtises négligées ou reléguées à de « simples détails » alors qu’elles sont néfastes au progrès et à une éducation de qualité qui dépasse le cadre de l’école.
« Chacun est le fruit d’une éducation… », affirme l’écrivaine russe Ludmila Oulitskaïa. Elle nous renvoie à nos propres turpitudes. Notre mal est vicieux. Nos problèmes complexes, alambiqués. Il faut du sérieux, de fortes résolutions, des réformes bien pensées et articulées autour de nos richesses immatérielles. Pour s’en sortir ici et maintenant. Car, à long terme, nous serons tous morts de médiocrité.

Mame Gor NGOM

L’INFO