CAN 2022: le Gambien Darboe raconte son histoire, de migrant à joueur entraîné par Mourinho
Son désir de devenir footballeur professionnel l’a poussé à quitter son village à 14 ans pour entamer un voyage risqué vers l’Europe en passant par la Libye et les eaux méditerranéennes. Aujourd’hui, Ebrima Darboe, désormais ex-mineur réfugié, a touché du doigt son rêve en signant à l’AS Roma entraînée par le Portugais José Mourinho et en disputant la CAN 2022 avec la Gambie. Samedi 29 janvier, le Scorpion de 20 ans sera face aux Indomptables du Cameroun pour une place en demi-finale.
RFI: Ebrima Darboe, quand vous étiez enfant dans votre village à Bakoteh, pensiez-vous un jour disputer la Coupe d’Afrique des nations ?
Ebrima Darboe: Quand j’étais enfant, je voulais jouer en Europe, être connu et jouer pour mon pays. Je savais que j’allais être professionnel, je ne pensais pas que cela allait arriver aussi tôt, c’est tout. Jouer la Coupe d’Afrique avec la Gambie, c’est un grand rêve qui s’est réalisé. J’y croyais, même si je savais que ça allait être difficile. Mais, j’ai toujours cru qu’un jour, la Gambie disputerait la CAN, pourquoi pas la Coupe du monde aussi un jour. Ce n’est pas le talent qui manque là-bas, ce sont les moyens, et maintenant de plus en plus, les jeunes Gambiens ont l’opportunité de se montrer. Les joueurs de l’équipe nationale sont aujourd’hui un exemple qui va encore plus inspirer les jeunes.
Qu’est-ce qui vous donnait cette force de croire qu’un jour, vous seriez professionnel dans un club européen ?
La foi. J’y croyais fort. J’avais confiance en mes qualités et je savais que je pouvais réussir. Pour cela, il fallait quitter la Gambie par tous les moyens. Je ne sais pas si j’aurais réussi si j’étais resté, mais je sentais qu’il fallait que je parte. Il m’a fallu beaucoup de courage pour faire ce voyage jusqu’en Italie et renouer avec le football pour arriver là où je suis aujourd’hui.
« Je mangeais deux bouts de pain par jour »
Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans ce voyage ?
Depuis le jour où j’ai quitté ma maison en Gambie, le voyage a été difficile. Je ne peux même pas raconter ce que j’ai vécu. Je suis passé à des moments où tu n’as qu’une envie : rentrer chez toi. Mais, je ne pouvais pas. J’avais choisi de partir, il était hors de question de revenir en arrière. C’est comme une voie à sens unique, quand tu t’y engages, tu ne reviens pas en arrière. Et c’est même plus risqué de prendre le chemin du retour.
À quel moment vous avez failli tout abandonner et rentrer en Gambie ?
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En Libye, dans un camp de détention. J’ai connu la torture, j’ai été maltraité. Je mangeais deux bouts de pain par jour. On était gardé là-bas parce que les gens, qu’on avait payés, n’avaient pas donné l’argent aux passeurs. Cela a duré plus d’une semaine, mais c’était très dur. Pour s’en sortir, on s’est cotisé, nos familles nous ont envoyé de l’argent et on a pu payer notre libération. C’est comme ça que j’ai embarqué sur un bateau pour rejoindre la Sicile avec d’autres migrants, des Sénégalais, des Maliens, des Soudanais, etc.
Quand vous avez débarqué en Italie, vous vous êtes dit que le plus dur était passé ou à venir ?
Quand j’ai posé le pied en Italie, j’ai remercié Dieu des milliers de fois. Je ne pouvais pas vivre quelque chose de pire que ce que j’avais déjà vécu pendant six mois durant ce voyage. Ce n’était pas possible. Mon but désormais, c’était de reprendre mes études, faire tout pour réussir au football ou trouver un travail. J’ai été bien accueilli en Italie, on m’a mis à l’école et un an après j’ai rencontré des gens qui œuvraient dans le football et qui ont remarqué mon talent.
Un talent qui vous a conduit aujourd’hui à l’AS Roma, avec comme entraîneur José Mourinho…
Oui, c’était incroyable. Quand j’ai su que c’est lui qui allait entraîner la Roma, c’était comme dans un rêve, j’en tremblais même. Je me suis dit : ‘’Non, ce n’est pas le Mourinho que je regardais à la télé en Gambie lors des clasicos Barça-Real ?’’. Je pouvais tout imaginer dans ma vie sauf d’être entraîné par José Mourinho.
Toutinfo.net avec Rfi