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LA CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM : Les ruses de Montpellier

Que de dissertations sur le sommet de Montpellier du 7 au 9 octobre dernier dans le sud de la France. Beaucoup de conjectures, de positions divergentes parfois passionnées. Toutefois, une convergence largement partagée : une rencontre de plus qui ne fera pas bouger les lignes entre une France qui tient toujours à son « pré carré » et une Afrique, celle francophone notamment, dont les dirigeants s’arc-boutent sur une démarche éculée au moment où leurs peuples respectifs broient du noir et se rebiffent. Ce serait trop simpliste de récuser ou de qualifier de pantins, les 3000 invités dont 700 jeunes Africains présents à l’Arena de Montpellier, mais il est pertinent de souligner l’inutilité de leur voyage dans la marche actuelle des choses africaines. Leurs représentants qui ont eu l’opportunité de prendre la parole, n’ont pas été ridicules. Conscients des enjeux de l’heure, ils ont posé les bonnes questions et exposé les problématiques en cours devant un président français qui sait si bien jouer le jeu. Devant ces « Africains décomplexés », Macron qui faisait semblant  d’être pris de colère, cache difficilement que l’exercice a été, à n’en point douter, une « improvisation bien préparée ». Il s’attendait bien à cette « discussion », « dispute » « sans filtre », « sans concession ». Il a bien tenu le coup et s’est montré à la hauteur des enjeux même si, par moments, on sentait une colère ou une « fausse colère » vite dissimulée, bien contenue. De la scénarisation, de la farce. Le dirigeant hexagonal qui s’est, à plusieurs reprises, lamenté du rejet massif de la rue africaine contre la France, a longtemps, longuement cogité sur une approche nouvelle pour la «réconciliation», conscient qu’il ne peut plus compter sur des chefs d’Etat du continent contestés, à la popularité décadente. De Dakar à Ndjamena, de Niamey à Alger, d’Abidjan à Nouakchott, Bamako, Conakry, Ouagadougou, la colère anti-française gronde. Au Sénégal, les événements de février-mars 2021, ont mis en lumière ce sentiment déversé dans les rues contre les « intérêts » français.  Macron est donc dans son rôle, non pas pour satisfaire les préoccupations de cette Afrique en furie, mais pour la calmer et continuer à exploiter avec beaucoup plus de subtilités ses ressources. C’est une évidence donc de soutenir que toute cette débauche d’énergie, les millions dépensés, les financements promis, les engagements pris, c’est dans un objectif unique : préserver des intérêts. Le paradigme ne change, en réalité, qu’à la surface. Le fond reste entier. Ceux qui étaient à Montpellier, à l’image de leur « encadreur » Achille Mbembe, sont libres d’être naïfs au point de penser que  leurs coups de gueule « en live »  chez Macron, peuvent avoir des répercussions positives sur nos médiocres vécus ici en Afrique. Ils doivent souffrir d’entendre les rappels historiques qui démontrent le manque d’originalité de ce sommet et l’anachronisme d’une rencontre infantilisante. 

Le malheur de l’Afrique 

Ils se rendront compte que le constat est déjà fait depuis le siècle dernier. Il est largement partagé. « Le malheur de l’Afrique, c’est d’avoir rencontré la France », écrit Aimé Césaire. La France ne fait que retarder l’Afrique. Il n’y a plus de discussions qui vaillent. La rupture, pour des relations sérieuses basées sur un respect strict est la perspective attendue. C’est irréversible !  L’Afrique seule peut aider l’Afrique en se débarrassant des gangrènes fatales, en nettoyant les scories. Notre salut dépend de notre détermination à sortir de nos difficultés. Haro sur nos négligences, nos insouciances, nos imperfections, nos paresses et nos faiblesses… « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde ». Oui Césaire nous parle aussi, dans son « Discours sur le colonialisme ». Cessons les farces !

L’info