COVID, ELECTIONS LOCALES, AGRICULTURE…Dr Ibrahima Mendy de l’Apr se dévoile
‘’Ousmane Sonko et Cie qui indexent les tournées du Président Macky Sall comme cause de la 3ème vague du Covid, ont organisé au même moment, des manifestations populaires à Dakar, qui concentre aujourd’hui l’essentiel des cas de Covid’’. La remarque est du Dr Ibrahima Mendy. Dans cet entretien avec l’INFO, le Directeur de la Dapsa revient sur les enjeux des élections locales à Ziguinchor, la campagne agricole, le différend entre des syndicalistes et la tutelle, ainsi que l’affaire du rappeur Kilifeu.
L’Info : Le Sénégal fait face à une 3ème vague de coronavirus, avec beaucoup de critiques dans la gestion de la pandémie. Que dites-vous de tout cela ?
Ibrahima Mendy : Il faut dire que la maladie est effectivement là depuis longtemps. Il y a eu une augmentation des variants liés à cette maladie. J’invite tous les Sénégalais à respecter les consignes sanitaires comme la distanciation physique, mais également et surtout se faire vacciner pour qu’on sorte de cette pandémie. Je tiens à féliciter et à remercier le ministre de la Santé. Malgré ce que l’on attend par ici et par là, je pense qu’il a bien géré cette situation avec tous les acteurs de la santé. Maintenant, il y a eu un moment où des politiciens se sont engouffrés dans la brèche, en essayant de trouver des coupables à cette propagation. J’avais écrit en son temps, en disant qu’il faut faire des analyses sur des faits, sur des données. Quand je fais la cartographie de la situation des infectés de la Covid, depuis la 3ème vague, j’ai constaté que dans les zones où le président de la République a effectué ses tournées, il n’y avait pas d’explosion du variant Delta. Il n’y avait pas une grande explosion qui montre qu’il y a eu une corrélation entre cette explosion et la tournée du Président Macky Sall. Par contre, à Dakar, il y avait effectivement une forte explosion du variant Delta. Et à Dakar, il y a eu une grande manifestation organisée par le M2D. On a vu un des opposants accompagnés dans les rues, par beaucoup de jeunes.
A qui faites-vous allusion, au leader de Pastef ?
Je parle effectivement de Ousmane Sonko. C’est pourquoi, c’est un faux débat de dire que c’est à cause du président de la République que le variant Delta a explosé au Sénégal. Il faut prendre en compte aussi la période de la Tabaski. Le président de la République avait même fait un appel en demandant aux gens de rester à Dakar, de ne pas emmener cette maladie dans les villages et dans les coins les plus reculés du Sénégal. Malheureusement, les gens se sont entêtés et ont emmené la maladie dans leurs villages, dans leurs régions, dans leurs départements. Et c’est après la Tabaski qu’on a constaté qu’il y a eu une augmentation des infections. L’autre aspect que je déplore ; c’est cette tendance à politiser les situations dans notre pays. Je constate qu’à l’extérieur de notre pays, quand on voyage, on exige de nous des documents, alors que dans ces pays autour de nous, ils n’ont même pas les moyens de faire des tests. On ne connait pas non plus la situation des infections et des décès du jour. Le Sénégal a montré aux yeux du monde que la situation est plus catastrophique dans les autres pays.
Est-ce qu’il faut confiner Dakar, l’épicentre de la maladie ?
Ma position est qu’on ne confine pas Dakar, quand on sait la majeure partie des gens ici, sont ce qu’on appelle communément des «Gorgorlus». Il faut juste mettre l’accent sur la sensibilisation.
On s’achemine vers des élections locales. Comment les appréhendez-vous au niveau de Ziguinchor où vous êtes responsable de l’Apr et de la mouvance présidentielle ?
Ziguinchor est devenu par la force des choses une zone stratégique sur le plan politique. Ziguinchor a toujours été courtisée, certes, mais elle l’est plus maintenant. Nous de la mouvance présidentielle, nous devons dans un premier temps, nous organiser, nous unir, et choisir le meilleur profil pour conserver la mairie de Ziguinchor, qui, il faut le rappeler, est déjà dans notre escarcelle parce que géré par un membre de la mouvance présidentielle. C’est en ce sens que je fais un appel à tous mes camarades de parti, donc de l’Apr, pour leur dire que nous sommes issus d’un parti qui a des instances, un parti qui a des amis et collaborateurs dans Benno Bokk Yakaar. Je leur demande d’attendre la décision issue des instances de notre parti, en collaboration avec les autres instances plus larges de la coalition, pour choisir le candidat que nous devons accompagner pour la mairie de Ziguinchor. Il ne sert à rien de se presser, de faire des déclarations intempestives de candidatures. C’est bien d’être ambitieux, mais dès fois, la situation politique et l’importance de la zone par rapport au parti, à la mouvance ; doit nous imposer d’être sûrs des choix que nous devons faire.
Avec ce cafouillage noté, ne craignez-vous pas des listes parallèles, si l’on voit qu’il y a beaucoup de responsables et chacun veut être maire ?
Parfois, par expérience, les déclarations de candidatures, c’est une façon de se positionner. Certains se disent que si je déclare ma candidature, au moment venu, on va mettre toutes les candidatures sur la table…
Doudou Kâ, par exemple est déjà candidat…
Doudou Ka, je ne l’ai pas encore entendu déclarer sa candidature. Je vois certains de ses proches qui le disent, mais un proche qui dit que Doudou Ka va être candidat, c’est différent de Doudou Kâ qui dit de façon officielle qu’il va être candidat. Je ne l’ai jamais entendu dire qu’il est candidat, mais je sais qu’il y a certains de ses partisans, surtout à travers les réseaux sociaux, qui disent qu’il est candidat. Moi, j’attends les indications du parti. Ça peut-être lui, ça peut être un autre.
Etes-vous personnellement intéressé par le poste de maire de Ziguinchor ?
Pour le moment, je ne peux pas dire oui ou non, parce que ce serait en porte à faux avec ce que je viens de dire. Ça peut être moi, ça peut être Doudou Ka, ça peut être Benoit, Baldé ou un autre de la mouvance. Tout le monde peut être candidat. Vous savez, dans ces élections locales, il y a plusieurs variables. Le Président détient tous ces variables pour savoir qui est en mesure effectivement de faire gagner la mouvance présidentielle dans les localités. C’est sur ça qu’on travaille. Ça ne sert à rien de dire : je suis candidat. Or vous êtes sûr que si vous y allez, vous ne gagnerez pas. Le Président a la cartographie des candidats potentiels.
N’est-il pas selon vous, utopique de penser gagner à Ziguinchor, si l’on sait qu’à la présidentielle de 2019, Pastef a tout raflé ?
J’ai toujours dit que la politique est une dynamique. Ce qui est valable aujourd’hui ne le sera pas demain. Ce qui est important, c’est d’être sur le terrain et essayer de gagner. Mais si vous pensez que, parce que vous avez gagné les autres élections, vous allez rafler les autres à venir, vous vous trompez. Le travail doit être continu. Et ça dépendra de plusieurs facteurs pour faire changer les choses. Je ne regarde pas ce qui s’est passé. Je continue de regarder devant. Nous allons continuer à travailler et nous pensons que le 23 janvier 2022, la mairie de Ziguinchor et plusieurs mairies de la Casamance de façon plus large, seront conquises par Benno bokk yakaar.
L’opposition accuse déjà le pouvoir de volonté de frauder, dénonçant des entraves à l’inscriptions de primo-votants ? Qu’en dites-vous ?
Moi je suis habitué à ça. Quel que soit ce qu’on aura à faire, l’opposition aura son mot à dite. C’est normal ; c’est ça la démocratie. Ce qui nous intéresse, c’est qu’on est en train d‘inscrire nos militants et on attend le jour du vote, pour savoir qui est qui. Je n’écoute pas ce que l’opposition dit.
L’affaire Kilifeu du mouvement Y en a marre défraie la chronique depuis quelques semaines. Qu’en pensez-vous ?
Cette affaire montre qu’il faut faire très attention dans ce pays. Quand vous donnez des leçons, il faudrait bien apprendre vos leçons ; c’est important. Est-ce que Kilifeu, par rapport à ce qu’il dit au niveau des plateaux pour se faire passer comme quelqu’un qui a des valeurs et faire passer les autres comme des gens qui n’en n’ont pas, devrait faire ça ? Pour moi, il a fauté et il doit être sanctionné. Je suis vraiment désolé, mais aussi surpris de voir des activistes qui écument les plateaux pour le défendre. Si c’étaient des journalistes ou des avocats qui avaient fait ces actes, les activistes allaient organiser des points de presse pour dire que ces derniers sont corrompus. Pourquoi ils veulent coûte que coûte trouver des alibis pour défendre le gars. Kilifeu doit être sanctionné. Il faut qu’il soit convoqué par celui qui doit le convoquer. En outre, comme il était sorti après la diffusion de la première vidéo pour s’expliquer, il doit faire la même chose après la diffusion de la deuxième vidéo, par respect aux Sénégalais. Kilifeu avec tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait croire aux Sénégalais depuis Abdoulaye Wade, a menti aux Sénégalais. Désormais, on doit faire attention aux donneurs de leçons et à ceux qui écument les plateaux de télévisions pour se faire voir, pour montrer qu’ils sont les hommes les plus corrects de ce pays.
Vous êtes directeur de la Direction de l’analyse, de la prévision et des statistiques agricoles (Dapsa), donc au cœur du ministère de l’Agriculture. Quelles sont les prévisions des récoltes pour les spéculations majeures ?
On est en pleine campagne agricole. Je pense que la physionomie de la campagne reflète exactement ce qu’on a eu comme information de l’Agence nationale de l’aviation et de la météorologie (ANACIM). Je ne suis pas en mesure de donner présentement les prévisions pour l’hivernage 2021-2022. Celles de cette année ne seront disponibles qu’en novembre. Actuellement, on est dans la phase de levée des cultures et de collecte des données. Par contre, je peux vous donner des informations sur la mise en place des semences et des engrais. Pour la mise en place des semences, je peux dire qu’elle est terminée. Les semences subventionnées ne concernent que l’arachide. Pour la mise en place des semences d’arachide, on a dépassé les 99%, soit autour de 75 000 tonnes. La mise en place est terminée, en ce qui concerne l’arachide. Pour ce qui est du riz Paddy, elle est aussi autour de 99%, pour le niébé, la mise en place est autour de 78%. Maintenant, la difficulté qu’on a, c’est au niveau de l’engrais. Je pense que ce qui s’est passé pour la distribution de l’engrais ne dépend ni du ministre, ni du gouvernement du Sénégal. La situation est liée à la conjoncture internationale du fait de la covid. Les entreprises ne travaillaient pas comme il faut et les prix ont flambé. Donc, il est bien vrai que le président de la République a mis une subvention de six milliards pour l’engrais, mais par rapport au quota initial qu’on avait prévu, on ne peut plus acquérir cette quantité voulue, d’autant que les prix de l’engrais ont flambé sur le marché international. Actuellement, l’engrais manque sur le marché international. On ne peut que se rabattre sur les Industries chimiques du Sénégal (ICS). Or, le niveau de production des ICS est faible. Mais le gouvernement a fait des efforts pour couvrir 58% des besoins des paysans. Nous sommes en discussion avec les ICS.
Mais gouverner, c’est prévoir …
Oui, mais cela suppose qu’il faut avoir une main mise sur toute la production d’engrais. Ce qui se passe avec l’engrais, c’est ce qui s’est passé avec les vaccins. Les grands pays producteurs ont tout acheté. Ce sont des enseignements qu’il faut tirer de la covid.
Est-ce que ce déficit d’engrais ne va pas impacter la production ?
Il y a plusieurs intrants qui entrent en compte dans la production agricole. L’engrais en fait partie. Il y a les semences, la pluie. Il faut dire que l’engrais subventionné ne pas être distribué à tous les paysans du Sénégal et pour toutes les spéculations. C’est une partie des producteurs qui ont accès à l’engrais subventionné. Quand on fera l’évaluation des productions, on verra l’impact de l’engrais sur la production.
Cette année, la répartition pluviométrique fait peser des menaces sur certaines spéculations…
En tant que Dapsa, nous travaillons avec l’Anacim, l’Acrimed et de nombreux organismes sur les prévisions pluviométriques. Ce qu’on est en train de vivre, l’Anacim l’avait prévu, notamment les pluies tardives, la pause pluviométrique. On l’a toujours dit, avec les effets des changements climatiques, rien n’indique que l’hivernage va toujours débuter en juin. Donc, il y a un déplacement des pluies. On sensibilise les paysans sur les changements climatiques.
On a comme l’impression que le Sénégal n’a pas de stratégies d’adaptation aux changements climatiques ?
Le ministère de l’Agriculture et de l’Equipement rural travaille beaucoup sur les stratégies de changements climatiques avec l’Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA) pour des semences adaptées. Il y a des variétés qui sont mises au point pour face à ce genre de situation. Les informations que l’Anacim donne font parties des stratégies d’adaptation.
Le syndicat des techniciens agricoles est en grève. Est-ce cela n’aura pas un impact sur le bon déroulement de la campagne agricole ?
Je vous informe qu’une rencontre s’est tenue, ce matin (NDLR : jeudi) entre le syndicat et le ministre. Une solution heureuse a été trouvée. Je laisse au ministère la primeur de l’annoncer au public. Le travail va reprendre. C’est un ministère vital pour l’économie du Sénégal.
A quand l’atteinte de l’autosuffisance dans certaines spéculations majeures comme le riz ?
L’autosuffisance est tout un processus. Il ne faut pas la mesurer en termes de quantité de production. Je n’ai pas honte de dire qu’en 2017, on n’a pas atteint 1, 6 millions pour arriver à l’autosuffisance en riz. Mais, il faut regarder autour, ce que cette planification nous a permis d’avoir. Elle nous a permis d’avoir, dans la vallée du fleuve Sénégal, des rizeries de dernière génération. Cette planification nous a permis d’installer dans les marchés, la commercialisation du riz de la vallée. Le riz du Sénégal est consommé par les Sénégalais comme jamais. Maintenant, il y a une planification axée sur le tonnage. Aujourd’hui, sur la base des quantités de 2017, on atteint l’autosuffisance au regard de l’augmentation de la population, alors que les terres cultivables ne sont pas extensibles. Cette planification a permis de créer de nombreux emplois autour de la filière riz. Il y a aussi beaucoup d’usines de transformation de riz.
Comment faire de l’agriculture un puissant levier de création d’emplois ?
Le potentiel du secteur agricole n’est pas exploité. Dans l’agriculture, on n’a pas de problème de terres. J’ai vu des jeunes qui sont partis de rien et qui ont réussi dans l’agriculture. L’État est en train de faire des efforts pour faire revenir les jeunes dans l’agriculture. C’est ce qui a donné naissance au Prodac, aux firmes de l’Anida etc. C’est ce que le Papsen est en train de faire à Sédhiou. Mais il faut davantage sensibiliser la jeunesse. Les jeunes sont plus dans la facilité, en préférant conduire une Jakarta que d’aller cultiver. Avec le renforcement de la mécanisation, beaucoup de jeunes pourrons trouver de l’emploi dans l’agriculture.
Quel regard portez-vous sur la filière agricole ?
L’horticulture a toujours été une satisfaction. L’État a fait beaucoup d’efforts pour le sous-secteur parce qu’il a une place importante dans le Plan Sénégal émergent (PSE). Aujourd’hui, l’horticulture apporte une valeur ajoutée dans l’économie sénégalaise. Pour l’ognon et la pomme de terre, on est presque autosuffisant, mais le problème qui se pose actuellement, c’est le stockage. Ma convection est qu’il faut que le secteur privé s’engage pour réaliser des unités de stockages de dernière génération où on peut stocker toute l’année de l’ognon et de la pomme de terre. A mon avis, le gouvernement seul, ne peut pas développer l’agriculture. Le rôle du gouvernement est de faire des efforts avec la réalisation des Agropoles qui sont des centres de stockage et de commercialisation.
Enseignez-vous toujours à l’Université Assane Seck de Ziguinchor ?
Je reste toujours un universitaire. Actuellement, je donne des cours à l’Université Amadou Makhtar Mbow. Dès que je quitterais mes fonctions actuelles, le lendemain, je retournerai à l’université
Parlez un peu de la DAPSA ?
La DAPSA, c’est la Direction de l’analyse, de la prévision et des statistiques agricoles. C’est une direction centrale du ministère de l’Agriculture qui a une mission de formulation des politiques agricoles et la planification comme le PRACAS. La DAPSA a aussi participé aux préparatifs des deux groupes consultatifs de Paris. Elle est aussi chargée de la formulation des projets et programmes du ministère de l’Agriculture. L’autre mission importante de la DAPSA est la collecte et la diffusion des statistiques agricoles. La DAPSA est aussi chargée de la promotion du Sénégal au niveau des foires internationaux comme la FIDAK ou le Salon de l’agriculture de Paris. Nous sommes des producteurs de statistiques au même titre que l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD). Nous participons également à l’élaboration des comptes nationaux.
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