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DEFICIT D’INFRASTRUCTURES ET D’EQUIPEMENTS SANITAIRES A DJINANY ET A KADION : Le calvaire des populations des zones frontalières

Faute d’équipements sanitaires et de médicaments, le seul poste de santé qui existe dans les localités de Djinany et de Kadion, communes frontalières à la Gambie, menace de fermer ses portes. L’infirmier chef de poste qui n’a que ses yeux pour regarder les patients passer de vie à trépas, à défaut de rallier la Gambie, invite les autorités à agir surtout dans ce contexte de pandémie du coronavirus. Il appelle également les bonnes volontés et surtout la diaspora originaire de la zone, à venir en aide les populations laissées à elles-mêmes.

Au moment où la 3ème vague du coronavirus dicte sa loi avec son lot de morts dus au nouveau variant Delta plus contagieux que les autres et beaucoup plus mortel, les populations des zones frontalières à la Gambie dont Djinany et Kadion, souffrent le martyr, faute d’infrastructures sanitaires dignes de ce nom. Le seul poste de santé qui existe et qui couvre ces deux communes, manque de tout. Il n’a ni équipements sanitaires, ni médicaments pour soulager les malades surtout en cas d’urgence. Les populations, laissées à elles-mêmes, sont obligées de rallier le plus souvent la Gambie voisine pour bénéficier de premier soin quand la situation l’oblige. Et c’est très souvent le cas. Car le nombre de personnes qui se tournent vers les centres de santé gambiens, ne cesse d’évoluer au jour le jour.

‘’C’est difficile qu’un patient se présente avec des maux têtes ou maux de dents sans qu’on puisse lui donner au moins du paracétamol pour le soulager’’

Situé à 25 km de la RN4, au nord-est de Bounkiling, (région de Sédhiou), le Poste de santé de Djinany est en effet dans une situation chaotique. Polarisant la Commune de Djinany et celle de Kadion Mangana avec une population estimée à près de dix mille habitants, il n’assure même pas le service minimum. La cause, l’infrastructure sanitaire ne dispose d’aucun médicament. ‘’Je viens de payer à la pharmacie deux boites de cent paquets de médicaments pour pouvoir au moins gérer la journée de demain. Nous ne disposons d’aucun médicament actuellement. C’est une situation très difficile que nous vivons actuellement’’, a regretté Malang Cabo, l’infirmier chef de Poste de Santé de Djinany, District sanitaire de Bounkiling. Selon lui, c’est toujours désolant de ne pas pouvoir, devant un malade, lui administrer un médicament pour soulager sa douleur. ‘’C’est difficile qu’un patient se présente avec des maux têtes ou maux de dents sans qu’on puisse lui donner au moins du paracétamol pour le soulager’’, déplore M. Cabo. Cette situation, souligne-t-il, intervient dans un contexte national marqué par la résurgence du coronavirus avec son lot de morts, et le développement de certaines pathologies qui apparaissent avec l’hivernage, comme le paludisme par exemple. Le malheur selon l’infirmier chef de poste, est que certains patients qui présentent les signes du coronavirus ne peuvent même pas être diagnostiqués, faute de test PCR. ‘’On se limite tout simplement à consulter les patients et à leur prescrire des ordonnances. C’est à eux maintenant de se débrouiller pour avoir les médicaments pour se traiter. Pour ceux qui présentent les signes du coronavirus, on ne peut pas les retenir au sein de l’établissement car nous n’avons aucun dispositif. Nous les laissons partir chez eux auprès de leurs familles, ce qui constitue un danger permanent parce que le risque de contagion est là. Dans un environnement où les gestes barrière sont rangées aux oubliettes et où la majeure partie des populations ne croient toujours pas à cette maladie, cela pourrait engendrer des conséquences plus que regrettables’’, confie M. Cabo. 

Aucun dispositif de test PCR ou de prise en charge de malade du Covid

La mort dans l’âme, il confie qu’ils sont à ce jour, dans l’incapacité de faire aucun test du fait du manque de dispositif dédié. ‘’Parfois, on rencontre des malades qui ont des signes de la covid, malheureusement on ne fait pas de test PCR. On fait maintenant des traitements symptomatiques.  Je suis sûr que si on faisait des tests, on allait rencontrer beaucoup de cas positifs de covid, car beaucoup de patients présentent ici les signes de la covid19’’, déclare-t-il. Il relève d’ailleurs que dans ce contexte de pandémie, l’Etat devait accorder plus d’attention aux zones frontalières comme Djinany et Kadion où les vas et vient quotidiens entre le Sénégal et la Gambie rythment aux activités économiques des populations des deux pays.

Les centres de santé gambiens à la rescousse 

Cette situation très difficile met les populations dans le désarroi. Elles sont obligées de se rabattre sur les centres de santé gambiens qui se trouvent à quelques kilomètres. Au pays d’Adama Barrow, les patients sénégalais sont complétement pris en charge et à moindre coût. ‘’Depuis des mois, je ne me suis pas rendu dans ce poste santé. J’y étais à deux reprises avec mon enfant malade, mais je n’ai reçu aucun médicament. Depuis lors, je me rends dans les centres de santé de la Gambie, où je suis complètement pris en charge et à moindre coût’’, a soutenu Fatou Ba, une femme âgée d’une trentaine d’années et mère de quatre enfants. Djibé Sow, une femme qui revenait de ce poste, raconte son calvaire. ‘’J’étais au dispensaire, j’ai la fièvre depuis hier, mais on m’a seulement prescrite une ordonnance que je dois payer à Bounkiling ou à Médina Wandifa’’, a-t-elle regretté. Pour elle, le dispensaire n’existe que de nom. 

Le maire incapable de donner le fond de dotation de 2 millions depuis ans indexe à son tour le gouvernement

Face à leur calvaire, les populations de Djinany et de Kadion pointent un doigt accusateur sur les autorités étatiques qui semblent les oublier dans les politiques publiques. ‘’C’est comme si nous n’étions pas du Sénégal. C’est grave ce qui se passe dans nos contrées qui n’ont aucune infrastructure de base’’, fulminent-elles. Indexant ainsi la responsabilité du régime de Macky Sall et de l’Agence de la couverture maladie universelle. D’ailleurs, relève l’infirmier chef de poste, la CMU n’a jamais honoré ses dettes vis-à-vis du poste depuis près d’un an. En outre, le fonds de dotation que le poste de santé recevait de la mairie qui s’élevait à deux millions CFA chaque année, n’est pas disponible depuis 2020, et tout leur espoir reposait sur ce fonds. Interpellé sur la situation, l’édile de la commune parle de problèmes techniques au niveau du trésor public, mais promet de décanter la situation. Non sans à son tour, pointer un doigt accusateur sur le gouvernement qui néglige ces infrastructures sanitaires. 

Face à cette situation sanitaire précaire, l’ICP interpelle l’Etat, les bonnes volontés et surtout la diaspora issue de la zone. ‘’Je lance un appel solennel aux autorités, d’honorer leur dette mais surtout aux bonnes volontaires et la diaspora de venir en aide les populations. Dans d’autres zones, les bonnes volontés se sont substituées à l’Etat quand celui-ci a été absent. On ne peut rien attendre aujourd’hui des autorités étatiques que nous ne pouvons faire pour nous-mêmes. C’est pourquoi je lance un appel solennel à tous les fils de la localité où qu’ils soient pour qu’ils mettent la main à la poche, afin de sauver notre poste de santé’’, formule Malang Cabo.

Abdoulaye DIAO