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ALY KHOUDIA DIAW : ‘’C’est une histoire entre une créature, Ndiagne Diop et son créateur, Oumar Guèye’’

Spécialiste en politique de décentralisation et de développement territorial, administrateur provisoire, plusieurs fois délégué spécial, le sociologue Aly Khoudia Diaw estime que techniquement, le nouveau découpage de Rufisque est valable. Cependant il relève que c’est une histoire entre une créature (Ndiagne Diop) et son créateur (Oumar Guéye).

Qu’est-ce que vous pensez du nouveau découpage dans le département de Rufisque, certains y voyant des motivations politiques ?

Pour moi il est assez évident que c’est la répétition de l’histoire, mais cette fois ci en sens inverse. En 2011, le président Abdoulaye Wade décide de procéder à un découpage administratif dans le département de Rufisque, à la veille d’élection présidentielle. Tout le monde y voit une manœuvre politique, comme aussi c’est le cas aujourd’hui. En 2011, Wade faisait face à Idrissa Seck dans la zone, avec comme principaux opposants, Oumar Gueye et N’diagne Diop. Hier comme aujourd’hui, personne ne se donne la peine d’étudier techniquement et administrativement la question. Tout le monde est dans le sensationnel. Or il faut corriger les limites et incohérences territoriales nées du découpage de 2011, mais surtout exprimer clairement dans l’acte 3 de la décentralisation, notamment dans la phase 2 avec comme finalité, la mise en œuvre des pôles économiques de croissance. C’est pourquoi, techniquement ce découpage est normal. Le principe, comme je le rappelle à mes étudiants, est de rapprocher l’administration des administrés. Dans cette optique, la communauté rurale de Ndioum Nguinte fait une superficie de 430 km2, vous avez la communauté rurale de Mabo qui fait 375 km2, la communauté rurale de Sangalkam avec 195 km2 polarisant 33 villages et cités. Ces vastes limites géographiques ne permettent pas une administration de proximité. Les populations de Gorom 1, 2, et 3, celles de Tivaouane peulh et Niaga, Kounoune, Keur Ndiaye Lo et Keur Daouda Sarr, en plus des cités Mbaba Guissé et autres, devaient toutes affronter des distances énormes pour se rendre à Sangalkam et obtenir leurs états civils.

Mais pourquoi ce décourage n’a pas été fait depuis lors ?

Techniquement, il fallait découper en 2011. Mais le contexte était très chargé politiquement. Oumar Guéye régnait sur un empire de plus de 195 km2, et sur un budget de presque de 1 milliard de franc CFA principalement tiré de ressources domaniales et était l’homme le plus sollicité au Sénégal et le plus respecté. Maintenant politiquement, le découpage de 2011 qui avait créé 2 communes et 2 communautés rurales, avait lésé énormément la nouvelle commune de Sangalkam qui ne gérait finalement que 3 villages (Noflaye, Sangalkam, Ndiakhirate). Mais là aussi, la position de l’autorité administrative (le représentant de l’état feu Ibou Diop) a été plus une posture d’amitié avec l’ancien ministre Ousmane Ngom qu’une position technique, basée sur des limites territoriales. Techniquement, les populations de Sangalkam ont été lésées et le président de la République avait promis de corriger tous ces aspects avec l’acte 3.

Est-ce qu’on ne risque pas de vivre les mêmes tensions qu’en 2011, sinon comment faire pour éviter la révolte des populations ?

Je ne pense pas car en 2011 c’était plus le PDS conte le parti Rewmi de ‘’Mbourok Sow’’. Aujourd’hui, c’est une histoire entre une créature et son créateur. Ndiagne Diop est une créature d’Oumar Guéye. Dans l’ex communauté rurale de Sangalkam, Oumar Guéye n’écoutait qu’une seule personne, Ndiagne Diop, son tout puissant président de la commission domaniale. Oumar a un faible pour Ndiagne Diop, je l’ai constaté dans tous ses écrits car en 2011, tout ce qu’Oumar Guéye gérait était entre mes mains. Les deux avaient des relations fusionnelles. Mais avec le découpage de 2011, la créature (Ndiagne Diop) est devenue beaucoup plus imposante que son créateur (Oumar Gueye). Ndiagne est député- maire et siège au conseil départemental, si je ne m’abuse et avait la haute main sur plus de 21 villages (objet de toutes les convoitises), tandis que Oumar Guéye est patron du département de Rufisque sur le plan politique, mais maire d’une commune de 3 villages et ministre en charge du secteur. Politiquement Ndiagne est plus attractif, et le Président Macky Sall, au lieu d’arbitrer, essaie d’en tirer profit en laissant les choses en l’état. Il faut éviter ces formes de révoltes de population qui la plupart du temps, sont manipulées par les politiciens en analysant scientifiquement, techniquement et objectivement la question des limites territoriales, en mettant de côté les aspects politiques.

L’info