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EMPLOI DES JEUNES : Les quatre vérités de Mimi à Macky

A travers une réflexion lapidaire et plein d’enseignements, publiée hier, sur sa page Facebook, l’ex-présidente du Conseil économique social et environnemental demande au Président Macky Sall, de retrouver d’abord les emplois perdus avant d’en créer d’autres pour les jeunes. Selon Aminata Touré, pour sortir d’un trou, il faut d’abord arrêter de creuser. 

Bien qu’écartée de la gestion du pays depuis son limogeage de la présidence du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Aminata Touré ne s’est pas empêchée de jeter son grain de sel dans la conduite de l’Etat, notamment en ce qui concerne sa politique de promotion de l’emploi et d’insertion des jeunes dans la vie active. Au lendemain du Conseil présidentiel sur la question, tenu avec faste au Centre international de conférence Abdou Diouf (Cicad), l’ex-collaboratrice du président de la République, aujourd’hui en rupture de ban avec lui, s’est fendue d’une réflexion qui met le holà sur la démarche entreprise par le Président et son régime.  Qui ont annoncé avant-hier, un nouveau programme dénommé ‘’Xëyu ndaw ñi’’. Dans la note intitulée ‘’Réflexion citoyenne sur l’emploi des jeunes et des moins jeunes : ‘’retrouver les emplois perdus pour les jeunes, d’abord’’, la victime du ‘’deal Macky-Idy’’ apostrophe directement le président de la République à qui il fait savoir que, pour sortir d’un trou, il faut d’abord arrêter de creuser.   

«Dans la stratégique de création d’emploi, il faut déjà retrouver les emplois perdus…»

La question de l’emploi des jeunes, selon elle, doit être précédée par celle de la préservation des emplois existants. Ainsi, il faut conserver les emplois existants et retrouver les emplois perdus dans les secteurs très touchés par la COVID 19 comme le tourisme, l’hôtellerie, la restauration qui sont des secteurs clé de notre économie. Il faudra selon elle, une stratégie adaptée pour que ces secteurs retrouvent leur situation pré-Covid19 et reprennent leur personnel en chômage technique prolongé. ‘’Il est estimé que le secteur de la restauration a perdu pour 56 milliards de F CFA, le secteur hôtelier a perdu 40 milliards, le transport aérien 34,3 milliards et le transport terrestre 24,3 milliards. Les premiers à souffrir de ces baisses de recettes, ce sont bien entendu les salariés, car pas de recette pas de moyen de payer de salaire. Donc dans la stratégique de création d’emploi, il faut déjà retrouver les emplois perdus pour les jeunes et les moins jeunes’’, écrit Aminata Touré.

Mesures d’urgence de création d’emplois en utilisant la commande publique 

Dans la perspective de création d’emplois en quantité massive, l’ancien Premier ministre rappelle que 70% de la population sénégalaise a moins de 35 ans et que cette importante frange de la population n’est pas disposée à attendre les résultats d’une transformation structurelle nécessaire de notre économie. Ainsi, ‘’il faut aussi oser dire que c’est une économie performante qui produit des emplois décents et cela demande du temps’’. Pour agir dans l’immédiat, elle préconise des mesures d’urgence de création d’emplois en utilisant la commande publique de plus de 1200 milliards, avec par exemple des mesures comme l’interdiction d’importation de meubles pour relancer le secteur de la menuiserie, la généralisation du port des uniformes scolaires pour soutenir le secteur de la confection et surtout la création d’un programme national de travaux d’utilité publique ambitieux visant pas moins de 500.000 jeunes dans les domaines de l’environnement, la maintenance des édifices publiques comme les écoles et hôpitaux, l’assainissement etc. Ce programme national de travaux d’utilité publique comportera, selon elle, un volet formation important en rapport avec le secteur de la formation qui a lui aussi a beaucoup souffert de la pandémie. A cet effet, ‘’un partenariat avec les ASC pourrait être envisagé avec des mécanismes de suivi efficace pour atteindre l’impact souhaité. 

Développer l’industrie légère et booster le consommer sénégalais

A moyen et long terme, Aminata Touré pense que la restructuration de notre économie extravertie est le meilleur gage de création d’emplois. Cette restructuration, indique-t-elle, se fera autour du développement de notre tissus industriel. ‘’Nous importons tous les objets que nous utilisons dans la vie courante, brosses à dent, tissus, aiguilles, cuillères, chaussures et autres objets dont la fabrication ne nécessite pas de grande technologie. Il nous faut absolument développer l’industrie légère et arrêter d’être des consommateurs des produits fabriqués chez les autres !’’. Pour Mimi Touré, le consommer sénégalais doit être plus qu’un slogan mais une réalité, puisqu’il faut produire sénégalais. Même si la chaîne de valeur de notre arachide nationale reste à être développée, elle relève que plus de 200 produits sont répertoriés comme produits dérivés de l’arachide comme par exemple l’aliment de bétail, les cordes, les produits cosmétiques et même l’électricité. Pour produire ces centaines de milliers d’emplois pour cette jeunesse numériquement hégémonique, il faudra donc sortir résolument prendre le taureau de notre industrialisation par les cornes.  ‘’Ces programmes doivent avoir une réalité dans le quotidien des jeunes qui vivent dans les quartiers et les villages. Il est temps de décentraliser l’économie et la production au niveau des espaces de vie des populations et des jeunes en particulier en soutenant le concept d’économie de quartier’’, déclare-t-elle. 

Assane MBAYE