PRESIDENTIELLE TUNISIENNE : Nabil Karoui sera libéré
Exclusif. Le candidat à l’élection présidentielle en lice pour le deuxième tour Nabil Karoui sera libéré ce soir. Pendant son incarcération, le fondateur de Nessma TV a répondu aux questions que nous lui avons transmises par son avocat.
Paris Match.
Quel est votre sentiment concernant la personne et le programme de votre
concurrent Kaïs Saïed ?
Nabil Karoui. Je suis très dubitatif devant le projet et le
discours de ce monsieur. Je ne vois pas réellement quel est son programme.
J’ai plutôt l’impression qu’il représente une mosaïque d’intérêts divers
et souvent contradictoires dont le seul et unique objectif est d’arriver au
pouvoir.
Certains
évoquent la possibilité d’interventions dissimulées dans la sphère
numérique. Qu’en pensez-vous ?
Il est évident aujourd’hui qu’à l’instar de ce qui est arrivé à Mme Hillary
Clinton aux Etats-Unis, je subis depuis plus de deux ans et demi une campagne
digitale agressive qui vient d’une machine de destruction massive. Elle a
détruit mon image et installe pernicieusement la confrontation entre M.
Propre, l’homme idéal, M. Saïed, et un mafieux, blanchisseur d’argent et
évadé fiscal. Mais je voudrais quand même rappeler qu’à ce jour, aucune
condamnation judiciaire n’existe à mon encontre. Cela dit, j’ai été lynché,
jeté à la vindicte populaire par une machine numérique infernale qui profite
aujourd’hui à plusieurs parties de l’échiquier politique en Tunisie.
En cas de
victoire, quelles seraient vos premières mesures en tant que président de la
République tunisienne ?
D’abord, il faudrait remettre le phosphate en marche. C’est la première
urgence, qui permettra de redémarrer sur une bonne dynamique. Des solutions
concrètes existent. Ensuite, il est nécessaire de mettre en place le pacte
national contre la pauvreté, qui concerne aujourd’hui 3 millions de Tunisiens.
Enfin, le parachèvement de la mise en place de la Cour constitutionnelle, afin
de mettre fin à l’instrumentalisation de la justice, des lois et de la Constitution.
Le décès
de l’ancien président Ben Ali a suscité plus d’hommages que de critiques.
Pensez-vous que les Tunisiens regrettent cette époque ?
Les avis sont partagés. Beaucoup de Tunisiens regrettent en effet l’époque de
Ben Ali à cause de l’insécurité, de la défaillance de l’Etat, de la
situation catastrophique de l’économie et de l’absence de visibilité. Mais
beaucoup aussi sont fiers de la dignité acquise et ne regrettent pas du tout
la dictature de Ben Ali. Avec qui, il ne faut pas l’oublier, il y avait aussi
une absence totale de visibilité.
Diverses
institutions ou personnalités, comme le président par intérim, Mohamed
Ennaceur, ou le ministre de la Défense, ont appelé à votre libération.
Comment recevez-vous ces appels ?
J’aimerais leur témoigner ma reconnaissance pour la justesse de leur position,
car mon arrestation est non seulement injuste, mais elle rend caduc aussi le
processus électoral à cause de l’inégalité des chances qu’elle entraîne.
De ma cellule, je n’ai aucune possibilité de faire campagne. Mais ce n’est pas
tout. Au lieu de communiquer notre programme, nos projets, nos idées, notre
vision, cette incarcération suscite de nombreuses rumeurs, entretenues par mes
adversaires. Tout cela parasite le processus démocratique et donne une piètre
image de la démocratie tunisienne. Les Tunisiens méritent mieux et j’espère
qu’ils feront abstraction de toutes ces machinations, qui ont pour but de les
détourner de la réalité catastrophique de ce gouvernement.
La colonne
vertébrale de l’Etat tunisien est-elle intacte ? Avez-vous confiance en
l’armée pour préserver l’Etat ?
L’Etat ne s’effondrera pas, mais la Tunisie risque de continuer à glisser vers
la banqueroute. Et c’est tout le tissu économique et social qui deviendra
inopérant, générant une misère démulipliée et la paupérisation de tout
le pays. Ce n’est pas l’armée seulement qui préservera l’Etat, mais toutes
les bonnes volontés existantes. Notre problème est de sortir de la terrible
médiocrité dans laquelle nous maintiennent Ennahdha et ses alliés
pseudo-progressistes, comme Tahya Tounes.
Toutinfo.net (avec Paris Match)