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ETATS-UNIS: les démocrates lancent une enquête pour destituer Donald Trump

Nancy Pelosi, chef de file des démocrates, a annoncé mardi soir que la Chambre des représentants allait ouvrir une enquête contre le président des États-Unis, soupçonné d’avoir abusé de ses pouvoirs pour nuire à son potentiel rival dans la présidentielle de 2020, Joe Biden.

Tous les regards étaient braqués mardi au Congrès américain sur la dirigeante démocrate Nancy Pelosi, qui tenait entre ses mains la décision explosive d’ouvrir une procédure de destitution, le fameux «impeachment», contre Donald Trump.

C’est désormais chose faite. Après avoir rencontré ce mardi après-midi les présidents de plusieurs puissantes commissions, après avoir réuni son groupe parlementaire au complet pour prendre le pouls de sa majorité, elle en a fait l’annonce lors d’une conférence de presse à 17 heures à Washington (23 heures de Paris). La Chambre américaine des représentants, à majorité démocrate, va ouvrir une enquête pour «impeachment» à l’encontre de Donald Trump, première étape d’une procédure de destitution contre le président des Etats-Unis qu’elle accuse d’abus de pouvoir. Autant dire que Nancy Pelosi vient de lancer une bombe à retardement aux effets politiques incalculables.

La Chambre va examiner si Donald Trump a cherché à obtenir l’aide de l’Ukraine pour obtenir des informations susceptibles de nuire à Joe Biden, favori dans la course à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2020. «Le président doit rendre des comptes. Personne n’est au-dessus de la loi», a déclaré Nancy Pelosi.

 Une aventure politique risquée à laquelle s’étaient ralliés de plus en plus d’élus modérés outrés par l’affaire ukrainienne, dite du lanceur d’alerte. Une perspective dont l’intéressé s’est réjoui par avance: «Ce serait positif pour ma réélection», avait lancé Donald Trump avec à propos et un rien de provocation quelques minutes avant cette annonce fracassante. Il faut dire qu’à quelque 400 jours de l’élection présidentielle de novembre 2020, déclencher une telle procédure, impopulaire et à l’issue très incertaine, représente un pari risqué. Jamais un président n’a été destitué dans l’histoire américaine.

Affaire ukrainienne»

Au coeur de toute l’affaire, il y a une conversation téléphonique organisée cet été entre les dirigeants ukrainien et américain.

 Un mystérieux lanceur d’alerte, membre des services de renseignement américains, a fait peu après un signalement auprès de sa hiérarchie pour sonner l’alarme sur cet appel. Les démocrates, confortés par plusieurs fuites dans la presse, soupçonnent Donald Trump d’avoir tenté de pousser le président Zelensky à enquêter sur la famille Biden, en utilisant notamment une aide militaire comme moyen de pression.

Si Trump a admis publiquement avoir mentionné Joe Biden et son fils, Hunter, qui a travaillé pour un groupe gazier ukrainien à partir de 2014, lors de cette conversation, il dément fermement toute pression. Le président a annoncé mardi dans la nuit que la transcription «complète, totalement déclassifiée et non expurgée» de son entretien serait rendue publique ce mercredi, et qu’elle montrerait que cette conversation était «totalement appropriée». Jugeant «ridicule» les accusations qui pèsent sur lui, Donald Trump a une nouvelle fois accusé les démocrates d’agiter ce spectre par pur calcul politique. «Ils ne savent pas comment m’arrêter» avant l’élection présidentielle de 2020, a-t-il tempêté. Peu après l’annonce, il dénonçait une «chasse aux sorcières de caniveau». Joe Biden, qui se retrouve malgré lui au coeur de cette histoire, venait peu auparavant de faire savoir qu’il appellerait à lancer une procédure de destitution contre le président américain si ce dernier refusait de coopérer avec les enquêtes du Congrès, notamment dans l’affaire ukrainienne. «Nous avons un président qui se croit au dessus des lois», a dénoncé l’ancien vice-président de Barack Obama. «S’il continue à entraver le travail du Congrès et à faire fi des lois, Donald Trump ne laissera pas d’autre choix au Congrès que d’initier une procédure de destitution», a déclaré celui qui fait figure de favori à la primaire démocrate. «Ce serait une tragédie, mais une tragédie fabriquée de toute pièce» par Donald Trump, a poursuivi M. Biden qui, à 76 ans, semble le mieux placé pour affronter le président républicain lors de la présidentielle de 2020.

Une procédure impopulaire

C’est pourtant justement par calcul politique et électoral que Nancy Pelosi, la pugnace présidente de la Chambre des représentants, avait freiné pendant de longs mois les ardeurs de l’aile progressiste de son parti, qui appelait déjà à ouvrir cette procédure après plusieurs autres affaires, notamment sur les soupçons de collusion avec la Russie lors de l’élection présidentielle de 2016.

La Chambre, à majorité démocrate, sera chargée d’ouvrir cette procédure de mise en accusation.

Puis le Sénat, contrôlé par les républicains qui restent en majorité fidèles à Donald Trump, sera chargé du «procès». Fine stratège, Nancy Pelosi a souvent argué que déclencher cette procédure, très impopulaire dans les sondages, pourrait coûter aux démocrates les élections en novembre 2020, alors que Donald Trump serait lui certainement blanchi et acquitté par un Sénat républicain entièrement acquis à sa cause.

Au grand dam des progressistes, Pelosi, 79 ans, s’était donc longtemps dressée en pare-feu pour protéger les démocrates modérés de la Chambre, qui ont remporté leurs sièges dans des circonscriptions plus conservatrices et craignaient de ne pas survivre lors des prochaines élections. Mais l’affaire ukrainienne vient de faire céder plusieurs digues et rendait cette position de plus en plus difficilement tenable auprès de l’opinion publique.

D’une part, les élus les plus à gauche ne se gênaient plus pour interpeller directement leurs leaders, à l’image de la benjamine du Congrès Alexandria Ocasio-Cortez qui est allée, ce week-end, jusqu’à affirmer que «le plus grand scandale national n’est pas le comportement du président qui viole la loi – c’est le refus du parti démocrate de le destituer pour cela». De l’autre, plusieurs modérés ont ces derniers jours annoncé qu’ils étaient désormais ouverts à une procédure de destitution, à condition que les allégations soient prouvées.

Chez les candidats à la primaire démocrate, les plus progressistes, Elizabeth Warren en tête mais aussi Bernie Sanders ou Kamala Harris, tous sénateurs, appellaient depuis déjà plusieurs mois à lancer une telle procédure. Au total, plus de 150 élus sur les 235 démocrates siégeant à la chambre basse (435 parlementaires au total) y étaient désormais favorables.

Toutinfo.net (Le Figaro)