ALY NGOUILLE NDIAYE, MINISTRE DE L’INTERIEUR ET DE LA SECURITE PUBLIQUE: «L’Etat du Sénégal n’est pas prêt à faire revenir la peine de mort»
En réponse à la série de viols suivis de meurtres dans le pays, d’aucuns proposent le rétablissement de la peine de mort. Hier, dans l’émission «Jury du dimanche (JDD)» sur iRadio, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Aly Ngouille Ndiaye, a ramé à contre-courant des adeptes de la peine capitale pour dire que le Sénégal gardera sa législation actuelle contre les auteurs de crime.
Le meurtre de Coumba Yade à Thiès et celui de Bineta Camara par strangulation suite à une tentative de viol, à Tambacounda, n’ont pas fini d’émouvoir les Sénégalais. D’ailleurs, face à cette recrudescence de la criminalité, nombreux sont les Sénégalais qui réclament le retour de la peine de mort dans le pays. Mais le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique n’est pas favorable à cette requête. «Nulle part dans le monde, il n’a été prouvé que l’application de la peine de mort pourrait réduire le taux de criminalité», souligne Aly Ngouille Ndiaye. Pour preuve, argue-t-il, aux Etats-Unis, il y a toujours la peine de mort ; mais cela n’a pas diminué le taux de la criminalité. «Si nous prenons le Sénégal, de l’indépendance jusqu’en 2004, la peine de
mort existait au Sénégal. Et pendant tout ce temps, il n’y a eu que deux cas d’exécution. Pourtant, il y avait des meurtres», soutient-il. Pour dire que l’application de la peine de mort n’est
pas la solution pour éradiquer la criminalité au Sénégal ; d’autant que l’expérience montre qu’elle n’est pas dissuasive. «Je ne pense pas que l’Etat du Sénégal soit prêt à faire revenir la peine de
mort. Quand on fait quelque chose et qu’on n’en voit pas l’efficacité, je me demande s’il faut la reconduire. En plus, la peine de mort ne répond pas à la marche actuelle du monde», clame-t-il. Il estime que la psychose née de ces meurtres a été
amplifiée par les réseaux sociaux et la toile. «On voit toutes sortes de montages pour amplifier l’évènement». Cependant, il
dit comprendre cette levée de boucliers. Mais selon Aly Ngouille Ndiaye, ces drames
n’interpellent pas uniquement la police. Explications : «Les Sénégalais doivent faire une auto critique. La Police, la Gendarmerie et la Justice interviennent souvent une fois que le forfait est déjà fait. De ce fait, il faut prendre des dispositions pour que le crime n’ait pas lieu. Ce que je
peux dire sur le plan de la sécurité, l’Etat du Sénégal a pris beaucoup de dispositions en outillant ses services en termes de personnels et d’équipements. Le président de la République a pratiquement tripé l’effectif de la Police et doublé les effectifs de la Gendarmerie et des Sapeurs-pompiers. Sans compter les équipements de dernières générations.»
«IL FAUT CORSER LE SYSTÉME
D’ATTRIBUTION DE LA GRÂCE»
Interpellé par ailleurs sur les grâces présidentielles distribuées à tout va, le premier flic du Sénégal avoue que certaines personnes ne la méritent pas et
devraient encore rester en prison. Toutefois, il essaie de dédouaner les services qui proposent la grâce en soutenant que certains détenus réussissent à tromper la vigilance de ces derniers en leur montrant un comportement loin de refléter leur vraie nature. «Je crois que les
gens puissent se tromper. Il est arrivé qu’on relâche quelqu’un qui récidive et retourne en prison une semaine après», se désole-t-il. Cela étant, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique pense qu’on doit revoir le système et le rendre plus corsé. «Ce serait bien que la Police et la Gendarmerie soient associées parce qu’elles connaissent plus le passé de
certaines personnes», affirme-t-il. Sur le cas du trafiquant de faux médicaments (Mamadou Woury Diallo) gracié, Aly Ngouille Ndiaye estime que cela a gêné et a failli entrainer la grève des pharmaciens. «Heureusement que la grève n’a duré que deux heures», s’est-il réjoui avant de chercher des justifications au président de la République qui signe les décrets de grâce. A l’en croire, le chef de l’Etat est le dernier maillon de la chaîne et il ne fait que valider les propositions déposées sur
sa table par les services dédiés. «Ce sont des gens qui sont avec les prisonniers qui les connaissent qui font les propositions. Pour être gracié, il y a des procédures des règles. Ce sont ces procédures-là, à mon avis, qui méritent d’être revues», in-
dique-t-il.
«CELA M’A CHOQUÉ DE VOIR
LA PRESSE SÉNÉGALAISE
PRÊTE Á ALLER CHERCHER
DES GILETS AMÉRICAINS…»
En outre sur les propos du ministre de l’Intérieur de la France, Christophe Castaner qui a fait état de la présence terroriste au Sénégal, Aly Ngouille Ndiaye dit qu’il n’y pas de quoi fouetter un chat. «Nous avons des gens en prison à cause du terrorisme. C’est une réalité. Il n’y a rien de choquant», déclare-t-il. Dans la foulée, il confie que quandl’Ambassadedes Etats Unis avait sorti un document pour demander à ses concitoyens d’éviter certains endroits à cause de menaces terroristes, le Sénégal avait la même information. Mais, précise-t-il, contrairement aux autorités diplomatiques
américaines qui avaientinterdit à leurs concitoyens de fréquenter certains lieux, l’Etat du Sénégal ne pouvaitpasdire aux Sénégalaisde ne pas aller dans ces lieux. «On a pris les dispositionspour que rien
ne se passe là-bas», a-t-il souligné. «Vos propos ne sont pas choquants, Monsieur le ministre de l’Intérieur», a relancé le journaliste Mamoudou Ibra Kane. Aly
Ngouille Ndiaye, sous la défensive, de rétorquer : «Cela ne me choque pas. Ce qui m’aurait plus choqué c’est que la presse soit prête lors de la dernière élection présidentielle à aller chercher des gilets
américains. Alors qu’un gilet ne coûte même pas 5000 F CFA. C’est ce qui me choque beaucoup plus.»
( Seydina Bilal DIALLO avec Toutinfo.net )