A la UneActualitéAfriqueDéveloppementEnvironnementInternationalSociété

DE CAROLINE FAYE A NOS JOURS: La longue marche des femmes pour la conquête du pouvoir

Dans l’univers politique sénégalais peuplé souvent d’hommes, quelques femmes se sont battues et continuent de se battre pour accéder dans les instances de décision. Au commencement était Caroline Faye, première femme député et ministre, avant d’être suivie par Maïmouna Kane ndongo, décédée le 1er mars dernier.

Les femmes sont encore sous représentées dans les cercles du pouvoir. Pourtant au Sénégal, les femmes représentent plus de la moitié de la population et près de 70 % de l’électorat. Paradoxalement, elles ne constituent guère 5% d’élues dans les instances de définition et d’exécution des politiques. La lutte pour la conquête des droits et des libertés des femmes date de la période précoloniale. Dans un article parcouru par «L’As», la sociologue Fatou Sow Sarr indique que «les femmes ont de tout temps été au cœur de la politique dans l’espace social sénégalais et le fil de la résistance nationale a été tenu d’un bout à l’autre par des femmes. C’est la reine du Waalo qui a ouvert la confrontation avec le Français Faidherbe et qui a été la première force de résistance que le colonisateur eut à affronter en 1855, avec à sa tête une femme, la reine Ndaté Yalla Mbodj. C’est Aline Sitoë Diatta, prêtresse de Casamance, qui l’a clôturée au Sud, pour avoir été la dernière résistante nationale déportée en 1943 à Tombouctou, au Mali, par le pouvoir colonial».

UNE PIONNIÈRE NOMMÉE CAROLINE

FAYE Mais avec l’indépendance, le mouvement féminin sénégalais est porté par Caroline Faye Diop. Fille de Diène Faye et de Fatim Diop, Caroline Faye est née le 11 juillet 1923. Après de brillantes études primaires à Foundiougne, sa ville natale, elle continue ses études à l’école normale des jeunes filles de l’Afrique Occidentale Française d’où elle sort après l’obtention de son diplôme. Sa vie est alors partagée entre une carrière politique et une professionnelle en tant qu’institutrice. Servant d’abord à Matam, puis à Thiès et au Fouta, elle ira ensuite à Mbour où elle rencontre un surveillant du cours normal de Mbour. Ce dernier, nommé Demba Diop, l’épouse en 1951 et le couple va intégrer le Bloc Démocratique Sénégalais. Elle est la première femme députée de l’histoire du Sénégal, entre 1963 et 1978, puis première femme ministre (de l’Action sociale) nommée en 1980. Elle a participé à l’émergence des Groupements de promotion féminine avant sa mort le 27 juillet 1992. Caroline Faye Diop participe à la création du mouvement féminin associé à l’UPS, puis en juin 1954, à Thiès, elle en prend la tête devant le désistement de Fatou Siga Niang. Elle devient ensuite députée. Dès 1963, elle parle de la création d’un code de la famille et encourage les femmes à gagner leur vie. Elle sera la seule femme à participer au vote du Code de la famille. Elle a été la quatrième vice-présidente de l’Assemblée Nationale. Elle est élue en 1964 présidente des Femmes de l’Union Progressiste Sénégalaise. La même année, elle est secrétaire générale adjointe de la Panafricaine des Femmes. Elle devient également la première femme, ministre de l’Action sociale, en 1978 ; puis ministre délégué auprès du Premier ministre de 1981 à 1982, ensuite ministre d’Etat de 1982 à 1983. Sous son ministère, on relève la création des Groupements de promotion féminine. Une anecdote marque son riche parcours, le congrès du parti de 1958 à Thiès auquel aucune femme de Mbour n’est conviée. Elle s’y rend et proteste auprès du Président Senghor, car malgré le nombre de femmes présentes, aucune n’a pris la parole. Caroline Faye Diop estime qu’elle a défendu les femmes de son pays pendant les dix ans où elle était seule à l’Assemblée nationale. «Je me suis battue pour le Code de la famille, les allocations familiales versées à la femme», disait-elle. Elle estime également que son parcours politique a été difficile et les hommes de son parti ne lui ont pas fait de cadeau, car ils n’ont jamais apprécié «que les femmes se distinguent et qu’elles aient l’audace de regrouper leurs sœurs».

MAÏMOUNA KANE NDONGO

A la suite de Caroline Faye Diop, une autre femme va faire une entrée remarquée et remarquable dans les gouvernements de Léopold Sédar Senghor et de Abdou Diouf. Il s’agit de Maïmouna Kane Ndongo, décédée le 1er mars dernier. Elle était magistrate, ancienne auditrice à la Cour des comptes, ancien substitut du procureur de Dakar, ancien conseiller à la Cour d’Appel de Dakar. Elle entre le 15 mars 1978 dans le gouvernement socialiste d’Abdou Diouf, en même temps qu’une autre pionnière, Caroline Faye Diop. Maïmouna Kane est nommée secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargée de la Condition féminine, de la Condition humaine et de la Promotion humaine, un portefeuille dont l’intitulé connaît plusieurs changements par la suite. Elle est promue ministre du Développement social dans le gouvernement Niasse 1, formé le 5 avril 1983. Née Ndongo, elle a épousé l’homme d’affaires Yaya Kane avec qui elle a eu cinq enfants. À la mort de celui-ci, elle se remarie avec l’économiste feu Mamoudou Tourè, ministre des Finances de mai 1983 à avril 1988. En janvier 1986, le Président Abdou Diouf, alors au pouvoir, effectue un important remaniement ministériel. On assiste à l’arrivée de Mantoulaye Guène au Développement Social. Durant son passage à ce ministère, elle a beaucoup fait pour booster le processus d’autonomisation des femmes et la visibilité politique des femmes leaders.

AMINATA MBENGUE NDIAYE ET LES AUTRES…

Maîtresse d’économie familiale rurale de formation, Aminata Mbengue Ndiaye est entrée dans l’administration en 1974. Promue ministre de le Femme, de l’Enfant et de la Famille en 1995, elle conduira la délégation sénégalaise à la Conférence mondiale des femmes qui a eu lieu en septembre de la même année dans la capitale chinoise, Beijing. Elle occupe ce poste jusqu’à la survenue de l’alternance qui a porté Me Abdoulaye Wade au pouvoir, en mars 2000. Avec la première alternance en 2000, Abdoulaye Wade débarque avec un nouveau personnel politique constitué de femmes marquantes comme Awa Guèye Kébé. La native de Diender est nommée à la tête du ministère de la Famille et de la Femme en 2003. Awa Guèye Kébé, proche de l’ex Premier ministre Idrissa Seck a les faveurs de son mentor au détriment d’Aida Mbodji qui venait de quitter le Parti Socialiste au profit du PDS. Quelques mois ont suffi à Awa Guèye Kébé pour faire parler d’elle dans le bon sens puisque la quinzaine de la Femme qui célèbre l’entreprenariat de la femme sénégalaise reçoit un véritable coup de fouet. Avec le départ de Idrissa Seck de la Primature en avril 2004, Awa Guèye Kébé quitte le gouvernement.

MAME MADIOR BOYE & AMINATA TOURÉ 

Madior Boye est la première femme Premier ministre au Sénégal. Mame Madior Boye n’est membre d’aucun parti. Après la victoire de Me Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle de 2000, elle est nommée ministre de la Justice en avril 2000. Puis Première ministre le 3 mars 2001, à la démission de Moustapha Niasse. Elle est remerciée le 4 novembre 2002, en raison de sa prise de position à l’occasion du naufrage du Joola en en septembre 2002. Aminata Touré est la deuxième femme nommée Premier ministre au Sénégal, après la deuxième alternance de 2012. Ministre de la Justice de 2012 à 2013, puis Premier ministre de 2013 à 2014, elle a lancé la traque des biens mal acquis qui a abouti à l’emprisonnement de Karim Wade. Mais sa défaite à Dakar lors des élections locales de 2014 lui est fatale. Elle est nommée envoyée spéciale du Président Macky Sall. Aminata Touré, comme en 2012, a conduit la campagne victorieuse du candidat Macky Sall, réélu officiellement pour cinq ans avec 58,26% des suffrages. Fille d’un médecin et d’une sage-femme, Aminata Touré passe sa scolarité à Tambacounda (où son père est affecté) puis fait la sixième au lycée Gaston-Berger de Kaolack. Lauréate du concours général en économie et bachelière en sérieB2 au lycée Van Vollenhoven de Dakar, elle s’envole en France où elle décroche une maîtrise d’économie, un DESS de gestion des entreprises et un PhD en management international à l’International School of Management (ISM), Paris. Elle commence sa carrière professionnelle en 1988, au sein de la compagnie des transports publics de Dakar, la Sotrac, dont elle dirige le département marketing et communication. Militante depuis l’âge de 14 ans, Aminata Touré est active dans les milieux universitaires français de gauche. Lors de la campagne électorale de 1993, elle est la première sénégalaise directrice de campagne pour le compte de Landing Savané dont elle rejoint le parti l’année suivante. Sur le plan professionnel, Aminata Touré a été directrice des programmes de l’Association sénégalaise pour le bien-être familial. À partir de 1995, elle travaille pour le FNUAP, d’abord comme conseillère technique principale au ministère de la Famille et de l’Action sociale du Burkina Faso puis en qualité de conseillère régionale du FNUAP pour les pays africains francophones et coordinatrice du programme « genre et VIH » en Afrique de l’Ouest pour le bureau régional du Fonds des Nations unies pour la Femme. En 2003, elle est nommée à New York directrice du département droit humain du FNUAPè

NDÉYE SALY DIOP DIENG

Ndèye Saly Diop Dieng est l’actuel ministre de la Femme, de la Famille et du Genre. Celle qui a fait toute sa carrière à la Senelec, jusqu’en 2011, est en politique en suivant les pas de son mari, Pape Dieng, directeur de la Sunéor. Depuis sa nomination en 2017, elle mène avec bonheur sa mission à la tête de ce département dédié à la promotion de la femme sénégalaise. Parallèlement à cela, elle mène une carrière politique. Responsable politique de l’Alliance pour la République (APR) à Grand-Dakar.

( M.SARR avec Toutinfo.net )