ENTRETIEN: BOUBACAR CAMARA, CANDIDAT DE LA COALITION FIPPU: «Macky Sall a complètement déçu les Sénégalais»
Dans sa jeunesse, militant nationaliste puis d’extrême gauche ayant fourbi ses armes dans le mouvement bolchévique clandestin, Boubacar Camara n’est pourtant pas très connu dans l’espace politique sénégalais. Soldat, Contrôleur des douanes, Directeur général des Douanes, Inspecteur général d’Etat, il a blanchi sous le harnais de la République qu’il a servi jusqu’à la veille de sa retraite avant de migrer vers le privé. Président du Mouvement «JENGU, NGIR JËRIÑ SENEGAAL» qu’il a fondé, il est aujourd’hui candidat à la présidentielle de février prochain sous la bannière de la coalition «FIPPU». L’ancien Secrétaire général du ministère de la Coopération internationale dirigé par Karim Wade veut être au sommet de l’Etat et mettre son expertise au service de son pays. Dans cet entretien exclusif avec «L’AS», il se défend d’être le Plan B de Wade, porte un regard critique sur le régime Sall et se positionne comme une alternative crédible.
L’AS: qu’est-ce qui fait courir Boubacar Camara ?
BOUBACAR CAMARA : Je ne cours pas, je marche à la conquête du pouvoir sous la bannière de la coalition FIPPU. Comme un soldat, avec constance et détermina- tion, armé de clés bien taillées acquises lors du parcours que vous évoquez, je souhaite ouvrir les portes du bonheur au peuple sénégalais qui m’a tout donné et qui souffre.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager en politique et à présenter votre candidature à la prochaine présidentielle ?
Mon engagement politique est la continuité de mon engagement patriotique de servir mon pays en toutes circonstances. Les actes que j’ai toujours posés au cours de ma longue carrière traduisent mon attachement à l’intérêt national. L’analyse que je fais de la situation du Sénégal est que l’Etat est transformé en instrument d’enrichissement personnel, familial, et de règlement de comptes politiques. Quant à ma candidature, elle résulte d’une dynamique collective dans le cadre d’une coalition de l’opposition. Le 15 mai 2018, j’ai fait une déclaration d’engagement politique après avoir produit un état des lieux de notre pays depuis l’Indépendance en 1960. Je ne me suis pas autoproclamé candidat. J’ai alors rejoint la coalition Fippu Alternative Citoyenne, j’ai répondu à un appel à candidatures, je me suis soumis à une procédure de sélection et j’ai été désigné. Bien évidemment, au vu de l’évolution négative de la gestion de notre pays à la construction duquel nous avons modestement et sincèrement contribuer, l’hypothèse d’une candidature de Boubacar Camara à la présidentielle ne pouvait pas être écartée. Par conséquent, nous nous sommes attelé, en compagnie d’autres patriotes sincères et désintéressés, dans tout le pays et dans la diaspora, à la conception d’une offre alternative politique, économique et sociale.
vous êtes particulièrement critique contre la gestion de Macky Sall. Pourquoi une telle virulence de votre part, alors que le chef de l’etat est considéré comme un disciple de Me Abdoulaye Wade sous qui vous avez servi ?
J’ai servi l’État du Sénégal en tant qu’agent public apolitique pendant 20 ans sous le Président Abdou Diouf (sol- dat, agent, contrôleur et inspecteur des douanes), 12 ans sous le Président Abdoulaye Wade en qualité d’Inspecteur général d’Etat, dont 04 comme Directeur général des Douanes et 03 comme Secré- taire général du ministère dirigé par Karim Wade, enfin 05 ans sous le Prési- dent Macky Sall (2 mois comme SG de ministère et 03 ans en disponibilité pour activité privée). Durant ces deux dernières périodes, j’ai été plusieurs fois en disponibilité pour activité privée (barreau de Paris, consultant et PCA). D’ailleurs, j’ai dû quitter mes différentes fonctions pour entrer en politique. Le Président Macky Sall et moi étions sous le magistère de Me Wade à des titres différents, lui comme homme politique disciple du Président Wade, moi en qualité de haut fonctionnaire. Vous voyez bien qu’il n’y a aucun lien entre mes positions politiques sur sa gestion et ma carrière professionnelle. La critique est dirigée contre la gestion du Président Macky Sall et non contre sa personne. Au surplus, elle émane d’un haut fonctionnaire qui a consacré toute sa vie active à servir l’État et non un parti ou un homme politique. Ce n’est donc pas une question de per- sonne. C’est l’expression du cri de cœur et de raison d’un Sénégalais qui voit son pays emprunter la mauvaise direction et qui s’insurge contre les mauvaises pratiques politiciennes. C’est vrai que je suis très critique sur l’état du pays qui nous a été livré, malgré les potentialités et les milliers de milliards collectés au nom du peuple depuis 58 ans. Tous les régimes politiques y ont une part de responsabilité. Quant au Président Macky Sall, il a complètement déçu les Sénégalais. Car, après avoir proclamé sa prise de conscience de la gravité de la situation et sa volonté de rupture, il a fini par s’installer confortablement dans les mêmes pratiques marquées par des choix économiques hasardeux et la mauvaise gouvernance. Je ne suis pas virulent, je suis simplement véridique dans la dénonciation de la gestion scabreuse de mon pays. La violence et le manque de compassion avec lesquelles les jeunes et les femmes installés dans la pauvreté et la précarité me sont insupportables.
Êtes-vous le plan B du pds en cas d’invalidation de la candidature de Karim Wade ?
Sur l’existence ou non d’un plan B, je vous renvoie à la réponse du PDS. Ce que je puis vous confirmer, c’est que je suis le Plan A du Sénégal en tant que candidat de la coalition FIPPU à l’élection présidentielle de 2019.
A quand remontent vos derniers contacts avec la famille Wade ?
A quand votre dernière question relative aux Wade?
Plus sérieusement, nous n’avons aucun échange politique direct ou indirect. Peut-être qu’un jour nos chemins se croiseront, dans de nouvelles circonstances.
On constate plusieurs convergences entre Atepa, Mamadou lamine diallo, Ousmane Sonko, Mame Adama Guéye, Abdoul Mbaye et vous. peut-on s’attendre à une candidature unique de votre part?
C’est vrai. C’est également le cas avec de nombreux autres leaders de l’opposition et de la société civile, comme Thierno Alassane Sall et Ibrahima Dème. Nous devons tous travailler à la mise en place d’un large Front uni tenant compte des entités existantes, prenant en charge des préoccupations particulières comme la transparence du processus électoral, avec le minimum de candidats, mais sûrement pas un candidat unique. C’est la position de la coalition FIPPU.
Novice en politique, et méconnu des Sénégalais, avez-vous espoir de récolter le nombre de signatures requis pour votre parrainage ?
Le calcul politique du régime de Macky Sall en instituant de façon unilatérale le parrainage, est le suivant : «Je suis en train d’écarter deux candidats issus de solides formations politiques traditionnelles, il ne faut pas que de nouveaux op- posants occupent la place. Comme ces derniers n’ont pas encore le temps de construire une machine capable de leur procurer une implantation apte à faciliter la collecte d’un nombre élevé de parrains, je leur dresse une haie d’épines pour les écarter de l’élection.» Grosse erreur d’appréciation et sous-estimation suicidaire! En ce qui nous concerne, le parrainage est une enrichissante épreuve et nous a permis de consolider notre implantation nationale. Nous donnons rendez-vous au dépouillement.
Jeune, vous avez milité dans la clandestinité à l’extrême gauche hodjiste (mouvement communiste pro-albanais)? que vous reste-t-il de cette époque?
Vous aviez dit «novice»? J’ai une expérience politique comme membre du Rassemblement national démocratique (RND) du Professeur Cheikh Anta Diop, alors que j’étais élève au Lycée Blaise Diagne en 1976, puis dans le mouvement de gauche notamment autour du journal Ferñent, c’est-à-dire l’Étincelle en wolof. Pour en arriver à cette option d’un journal comme échafaudage autour duquel le parti devait être créé, il a fallu beaucoup d’échanges et plusieurs tendances ont été enregistrées dont une petite minorité qui s’inspirait de l’expérience albanaise, de façon éphémère d’ailleurs. L’inspiration bolchévique tirée du combat de Lénine avait très vite pris le dessus. L’expérience du mouvement culturel Caada ji avec «Bokk Daan» de Grand Yoff nous a également beaucoup forgé. C’est très enrichissant, une école de l’engagement pour des convictions fortes sans calcul ni intérêt personnel. Ce fut un merveilleux apprentissage du don de soi. Évidemment, beaucoup d’énergie perdue dans des débats houleux sur des questions vraiment secondaires ! Mais, tout compte fait, il convient de retenir les rencontres inoubliables avec des militants extraordinaires comme Assane Fall et mon ami Cheikh Sadibou Niakhaté (Paix à son âme !) du RND, Assane Samb et Birane Gaye de Ferñent, hélas partis trop tôt (Paix à leurs âmes !). Je n’oublie pas Ndiaga Niane et Awa Sène de Bokk Daan. Ce qui en reste, entre autres, c’est la culture du patriotisme, le courage, le sens de l’organisation, la maîtrise des langues nationales et la compassion pour le peuple. Bien évidemment, quelques tics comme «fondamentalement» (rires).
( Là suite est réservée jusqu’à Dimanche )
( Toutinfo.net avec Mamadou Thierno TALLA et Hawa BOUSSO )