Hamidou DIOP, Secrétaire Général du Conseil National du Patronat du Sénégal (CNP): « Ce Pacte Social, nous en avons Tous besoin, Etat-Patronat-Travailleurs, dans le contexte socio-économique actuel… »
SIGNATURE DU PACTE SOCIAL TRIPARTITE
ETAT-PATRONAT-TRAVAILLEURS
LA POSITION DU PATRONAT
Il faut tout d’abord féliciter notre tutelle, le Ministre du Travail, Monsieur Abass FALL, pour la qualité des travaux de nos concertations sociales tripartites, mais surtout se réjouir de cette oreille attentive qu’il a prêtée aux Partenaires Sociaux Employeurs et Travailleurs pour la prise en compte de leurs préoccupations respectives et des mesures Gouvernementales attendues.
Nous sommes tous confrontés (Etat, Employeurs, Travailleurs) à une conjoncture socio-économique particulièrement difficile, et ce malgré la résilience dont font montre les uns et les autres.
D’ailleurs, c’est pourquoi dés la cérémonie officielle de lancement de la concertation sociale tripartite présidée par Monsieur le Premier Ministre Ousmane SONKO le 27 février 2025, le Président Baïdy AGNE a eu à déclarer qu’il est urgent que nous sortions très vite de cette « Zone de Turbulence » et que ce n’est qu’ensemble (Etat, Patronat, Travailleurs) à travers notre démocratie sociale active, le partenariat public/privé constructif et la stabilité sociale durable, que nous pourrons relever les défis socio-économiques qui nous interpellent tous.
Ainsi dès le début des travaux de notre concertation tripartite sur le Pacte Social, le Secteur Privé a partagé ses premières préoccupations pour l’atteinte des objectifs.
Ensuite lors des travaux, nous avons souligné toute l’importance que chaque partie-prenante (Etat, Patronat, Travailleurs) doit accorder à la cohésion sociale, puissant levier de croissance économique inclusive. Il était bon également de mettre en exergue cette réalité qui ne peut être ignorée, à savoir que c’est l’économie qui fait et qui nourrit le social. C’est d’ailleurs ainsi qu’il a été reformulé l’intitulé du Pacte Social en y intégrant la dimension économique.
Puis, nous avons insisté sur cette nécessité de promouvoir, dans le cadre de notre tripartisme, les valeurs de progrès social que sont le travail, la productivité, l’éthique et le mérite. Nous soutenons que la justice sociale impose de nouveaux changements dans l’appréciation et l’évaluation de la productivité du travail en milieu professionnel.
Nous avons également dit « Oui » à cette approche objective des droits fondamentaux au travail, mais aussi que celle-ci se devait d’intégrer les droits de l’investisseur privé qui prend le risque d’investir, de créer des emplois et de contribuer à la création de richesses dans notre pays.
Et enfin, nous avons porté à l’attention des uns et des autres cette urgence d’avoir un bon climat de confiance entre l’Etat, les Employeurs et les Travailleurs.
Le dialogue social tripartite, c’est écouter l’autre, noter ses préoccupations, étudier ensemble la meilleure façon d’y apporter des réponses tout en envisageant l’avenir avec confiance, sérénité et bonne foi.
Nous n’avons pas le droit d’échouer dans la gestion de notre tripartisme et du dialogue social, alors le Sénégal est cité en exemple au Bureau International du Travail (BIT) étant l’un des rares pays au monde à avoir trois (3) membres titulaires au conseil d’administration : le Ministère du Travail, le CNP et la CNTS.
Concernant les points de revendications des Centrales Syndicales qui nous ont été exposés, il faut dire qu’ils interpellent davantage l’Etat et ses démembrements que les entreprises privées.
Les Centrales Syndicales nous ont fait part de très peu de points. Il s’agit principalement du non-respect de la liberté syndicale, de la non-tenue à date d’élections de délégués du personnel, ainsi que de la protection des délégués du personnel. Et je dois dire que d’ores et déjà les quelques entreprises concernées sont en train de faire les ajustements qui s’imposent dans le respect des dispositions de la législation du travail.
Ce Pacte Social est une bonne chose pour nous tous, Etat, Employeurs, Travailleurs :
- Des difficultés budgétaires de l’Etat sont là ! Regardons comment les partenaires sociaux peuvent accompagner l’Etat face à cette situation…
- L’anxiété et la précarité affectent les travailleurs ! Examinons les leviers à même de préserver leurs acquis…
- Des baisses ou arrêts d’activités d’entreprises sont enregistrées ! Trouvons les mécanismes de soutien et d’accompagnement pour leur pérennité…
Le Conseil National du Patronat du Sénégal (CNP) a toujours œuvré pour le « Zéro Grève » dans le secteur privé. Et nous y sommes arrivés par le dialogue social, le dialogue public/privé et le partage de responsabilités tripartites. Notre mission de régulateur socio-économique, nous l’exerçons au quotidien, et le plus souvent dans le plus grand silence.
Concernant les préoccupations du Secteur privé et les décisions attendues à travers ledit Pacte Social, elles ont trait principalement au paiement de la dette intérieure, à l’amélioration du climat des affaires, à la gestion des contentieux judiciaires sociaux, au Comité d’Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz, au Projet de Loi sur la Souveraineté Economique et aux subventions.
Le Ministère du Travail a consigné dans le document du Pacte l’ensemble des préoccupations du Secteur Privé et des décisions attendues. Cela traduit une très forte volonté du Ministre Abass FALL d’accompagner les partenaires sociaux.
Le Secteur Privé a aussi réaffirmé au Ministre du Travail l’engagement citoyen et l’engagement responsable des Chefs d’entreprise pour l’atteinte des objectifs de l’Agenda National de Transformation Sénégal 2050.
La dette intérieure, nous avons un cumul de dettes échues de l’Etat et de ses démembrements allant de la période d’avant 2024 à nos jours. Les montants dus sont insoutenables avec comme conséquences pour les entreprises d’une part, un accroissement des dettes bancaires, fournisseurs, sociales et fiscales, et d’autre part des arrêts de travail temporaires ou des licenciements.
Si nous comprenons les difficultés budgétaires de l’Etat, il est aussi important que nous puissions avoir plus de visibilité sur les échéanciers d’apurement progressif de cette dette intérieure pour permettre aux entreprises de procéder aux ajustements internes possibles.
Sur le climat des affaires, nous avons dit qu’il était important de relancer la concertation publique/privée. Les départements ministériels doivent davantage se rapprocher du secteur privé, prendre connaissance de la santé des entreprises et apprécier les réformes pour l’amélioration du climat des affaires et de l’environnement des entreprises.
Ensuite, il sera aussi nécessaire d’instaurer une concertation indispensable de haut niveau permettant au Chef de l’Etat et au Premier Ministre de prendre des directives sur des questions de transversales impliquant plusieurs Départements Ministériels.
De même, pour soutenir les entreprises en difficulté, nous avons souhaité la mise en place au niveau de la Primature d’une « Cellule Technique » qui aura pour mission d’examiner ainsi que d’accélérer les demandes de report d’échéances fiscales et de paiement des créances dues par le trésor public sur la base de plans de restructuration viables et préservant des emplois.
Une autre priorité socio-économique que nous voulons, pour améliorer la compétitivité de notre pays à travers le Pacte Social, est la généralisation d’une politique nationale de « Productivité du Travail » avec des indicateurs de performance adaptés au service public et à l’entreprise privée. Les données feront l’objet d’une publication annuelle, avec une analyse comparative des niveaux de productivité du travail des pays concurrents. Faut-il rappeler qu’au Sénégal 1 jour férié c’est 3 jours de repos…
Si nous en venons maintenant à la problématique de la gestion des contentieux judiciaires sociaux, notre objectif est de diminuer les contentieux judiciaires longs et coûteux aussi bien pour les Employeurs que les Travailleurs.
A cet effet, nous avons demandé de rendre effectif et obligatoire la transmission des avis techniques des inspections du travail avant les délibérations judiciaires. S’il y a aussi un rapport de médiation et de conciliation en cas de saisine du Haut Conseil du Dialogue Social, il faut le joindre dans le dossier judiciaire.
Ensuite, il faut organiser des concertations tripartites avec le Ministère de la Justice pour d’une part, réactualiser les décrets et arrêtés inter-ministériels, notamment ceux portant sur les différentes sections au regard de l’évolution des secteurs d’activités et des nouveaux métiers, et d’autre part, améliorer d’une façon générale le fonctionnement et le désengorgement des Tribunaux du Travail.
Sur le décret n°2024-1542 portant COS-PETROGAZ, à l’exception du Patronat, les deux (2) Centrales Syndicales les plus représentatives siègent au Comité COS-PETROGAZ, ainsi que d’autres composantes de la Nation… Le pourquoi, nous ne le savons toujours pas. Alors, nous disons qu’il devrait au moins en être de même pour les Organisations d’Employeurs les plus représentatives et signataires des conventions collectives.
J’ai bon espoir que notre demande sera prise en compte pour ce que nous représentons en tant qu’acteurs socio-économiques majeurs dans la création de richesses et d’emplois durables, mais aussi au vu des impacts de la production pétrolière et gazière dans les entreprises.
Concernant le Projet de Loi sur la Souveraineté Economique, cette priorité nous la partageons avec l’Etat. Par contre si nous voulons que ladite Loi puisse avoir un impact positif et substantiel dans notre secteur productif, il nous semble très important d’associer dès à présent le Secteur Privé National dans son élaboration.
Nous marquons notre disponibilité à cette concertation publique/privée où nous aurons l’avantage d’expliquer aussi bien pour chaque pôle de compétitivité ou filière, chaque secteur ou sous-secteur d’activités, chaque produit fini ou semi-fini, les capacités productives nationales et les goulots d’étranglement à la production, ainsi que les mesures législatives et réglementaires nous permettant d’atteindre les objectifs de souveraineté économique.
Nous souhaitons également la rédaction simultanée des projets de décrets d’application et d’arrêtés ministériels y afférents pour rendre ladite Loi opérationnelle dès sa promulgation. En effet, il a été constaté dans le passé des délais très longs ou des difficultés après la promulgation de certaines Lois.
Et enfin concernant les subventions, comme vous le savez le CNP n’a jamais été favorable à une généralisation pour tous. Non seulement cela s’est toujours traduite par une augmentation de la dette intérieure dans les secteurs subventionnés tels que l’industrie meunière et l’énergie, mais aussi par le détournement d’objectifs au détriment de la production locale comme celle de la filière arachidière.
C’est pourquoi nous préférons une approche ciblant les couches les plus vulnérables et vivant dans la précarité. Celle-ci affectera moins le budget de l’Etat et ne mettra pas les entreprises en difficulté.
Le Secteur Privé renouvelle sa confiance au Gouvernement et aux Centrales Syndicales des Travailleurs. Nous sommes des Partenaires qui déployons toutes leurs énergies pour le « Bien » du Sénégal.