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LA CHRONIQUE DE MLD: Le jeu du couple Fifa-Maroc et la naïveté de Senghor. Par Mamadou Lamine DIATTA

« J’étais en compétition avec d’autres vice-présidents et membres du Comex qui sont passés. Il y aurait une certaine incohérence et même une illégitimité que je prétende à les diriger. Je considère que le poste ne me revient plus »
Augustin Senghor

Il faut d’emblée préciser à notre cher concitoyen Augustin Senghor que l’écosystème du football n’a jamais été un monde de Bisounours : il faut arrêter de se plaindre, savoir s’adapter pour continuer de s’y mouvoir allègrement. C’est basique et lui-même le sait très bien pour avoir été signataire de ce fameux Protocole de Rabat ayant permis à son rival d’alors le puissant Sud-africain Patrice Motsepe de toucher le Graal en accédant à la présidence de la CAF. Il avait lui-même profité de ce consensus avec un poste stratégique de Premier Vice-Président de l’organisation faîtière du foot continental.
Cela dit, avec seulement ce total famélique de 13 voix, le Président de la fédération sénégalaise de football a été battu à l’élection d’entrée au conseil de la Fifa.
Une défaite amère pour le public sportif Sénégalais et surtout un terrible désaveu pour l’intéressé.
C’est sans doute ce qui explique sa démission fracassante de ce poste de 1er Vice-Président de la CAF.
Il faut savoir que c’est le fameux couple Fifa/ Maroc qui a finalement fait passer sa liste à lui en décidant par ricochet du sort d’Augustin Senghor.
Mais qu’est ce qui a manqué au Président de la fédération sénégalaise de football au point de n’avoir pas été intégré dans le Saint des Saints de la gouvernance mondiale du football ?
Pourquoi parmi tous les Vices-Présidents de la CAF, il est le seul à n’avoir pas reçu assez de suffrages de ses collègues ?
L’intéressé avait-il battu campagne sérieusement ? Avait-il le soutien actif des autorités sportives du Sénégal ?
Avait-il élaboré une fine méthode, sorte de stratégie éprouvée de lobbying voire de compromis pour arriver à ses fins ?
Autant d’interrogations majeures dont les réponses pourraient apporter un éclairage et expliquer ce camouflet au goût de cendre subi par le monde sportif sénégalais.
Cette défaite représente un véritable coup de massue pour ceux qui incarnent notre diplomatie sportive et notre influence à l’international.
C’est tellement évident et la pilule est également difficile à avaler au regard du succès de quelqu’un comme le candidat Mauritanien, venu sur la scène internationale bien après Senghor.
Mais Il faut que nous reprenions nos esprits pour revenir à la raison et rester fair- play. Ahmed Yahya le sémillant Président de la fédération mauritanienne de football, qu’on dit proche d’Infantino le Boss de la Fifa, est à ce jour le prototype du dirigeant sportif africain qui monte. Il est très dynamique et assez dégourdi dans ses stratégies de haute voltige. Il sait s’adapter pour se faire adopter par ce monde qui fonctionne avec ses propres codes à l’image de tous les clubs fermés. De ce point de vue, sa brillante élection est très intéressante en termes d’analyse de la géopolitique sportive mondiale. Surtout que la Mauritanie, voisine du Sénégal et ancien pays membre de la CEDEAO se situe à la lisière de l’Afrique de l’ouest et du nord. Il est certain qu’en termes de réseautage et de travail de fourmi dans les coulisses, Yahya et même le candidat Nigérien le Colonel Hamidou Djibrilla ont dû faire mieux que Senghor.Disons qu’ils ont été sûrement plus futés dans l’approche. Ça aide toujours.
Et puis, dans ce genre de compétition, il faut se lever de bonne heure, identifier les grands électeurs et se déplacer personnellement pour les rencontrer.
À y voir de près, on constate qu’hormis le cas particulier du candidat Nigérien, il s’agit exactement du triomphe de cette Afrique arabophone qui va siéger gaillardement à Zurich sous la houlette du Grand Maroc de Fouzi Lekja cornaqué par la puissante FIFA. Tout est lié !
Par ailleurs, Augustin Senghor qui dénonce l’hypocrisie des hauts responsables du comité exécutif de la CAF, dégage le profil d’un homme lisse, carré et peu combatif.Or, dans ces milieux, il faut à la limite se comporter avec agilité en caïd pour rendre coup pour coup, échafauder de fines stratégies afin de battre l’adversaire voire organiser ou participer à de petits meurtres.
Un état d’esprit s’il en est.C’est de la sorte que cela se passe partout dans le monde avec notamment du Lobbying, du Networking ( réseautage) en sus d’un zeste de Soft-power. À prendre ou à laisser ! Senghor dit à qui veut l’entendre qu’il est fier de son tempérament et ce n’est pas à cet âge qu’il va changer. Banco Monsieur le Président !
Après avoir écouté notre concitoyen à l’issue de ce scrutin tenu au Caire, on est sidéré par sa naïveté lorsqu’il déplore en filigrane le fait que c’est la fameuse liste Fifa/ Maroc ayant circulé nuitamment dans la capitale égyptienne qui a finalement remporté la mise pour avoir été la traduction exacte de ce qui s’est passé dans les urnes.Mais nous sommes au regret de lui rappeler que ce sont ces mêmes pratiques basées sur des compromis et parfois des compromissions qui l’avaient porté à la Vice-Présidence de la CAF.
L’enjeu d’une présence au conseil de la Fifa est loin d’être négligeable : Pour chaque dirigeant élu, il y’a une manne financière de 200 000 dollars en bandoulière soit un peu plus de 120 millions cfa annuellement. Maigre consolation pour le candidat Sénégalais de grands pays de football comme l’Algérie, le Nigeria et la Côte d’Ivoire ont vu leurs candidats recalés lors de ce scrutin du Caire.
Senghor battu à l’élection au conseil de la Fifa, retour aux urgences domestiques. Quel est l’avenir sportif immédiat de ce grand dirigeant sous le magistère duquel le Sénégal a pu monter sur le toit du continent en brisant le plafond de verre pour gagner la Coupe d’Afrique des nations ?
Sera t-il candidat pour un énième mandat à la Fédé de foot?
Déjà que Cheikh Seck du Jaraaf et Elimane Lam sont sur les starting-blocks sans oublier Mady Touré le Boss de Génération Foot.
Ça va chauffer dans les prochaines semaines mais il serait franchement indécent pour Augustin Senghor de solliciter un 5eme mandat tel un vieux Chef d’Etat africain qui refuse de quitter les ors et les délices du pouvoir. Le cas échéant, l’image de l’enfant avec son jouet ne sera plus loin…