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Recrutement d’ouvriers agricoles en Espagne : Un salaire mensuel de 1,3 million pour des contrats de 3 à 6 mois

L’annonce d’un recrutement d’ouvriers agricoles pour l’Espagne a provoqué un engouement considérable chez les jeunes Sénégalais. Des centaines d’entre eux ont convergé vers les Bureaux d’accueil, d’orientation et de suivi (Baos) à Dakar, dans l’espoir de faire partie du lot de 370 perssonnes qui toucheront environ 1 million 300 mille de Fcfa pour des contrats allant de 3 à 6 mois.

Sur place, l’ambiance est marquée par une tension mêlée d’excitation. Par petits groupes, les candidats échangent des conseils, vérifient mutuellement leurs documents et s’entraident dans les démarches. Certains, arrivés la veille au soir, s’appuient contre les murs ou s’installent à même le sol, visiblement épuisés par l’attente.

Gallo Sow, un jeune commerçant d’une vingtaine d’années originaire de Noflaye, observe la scène d’un air pensif. Il raconte son parcours avec un mélange de détermination et de frustration : « J’ai vu l’information circuler sur plusieurs forums WhatsApp. Dès que j’ai pris connaissance du communiqué officiel, je n’ai pas perdu de temps. Je suis allé chercher mon extrait de casier judiciaire, puis j’ai fait établir mon certificat de visite et de contre-visite à l’hôpital. Hier soir, vers 20 heures, je me suis inscrit sur la liste et j’ai dormi chez un ami au campus social de l’UCAD. Mais ce matin, il y a eu des problèmes avec la liste initiale. La police a dû intervenir pour rétablir l’ordre. »

D’après M. Sow, il a fallu une nouvelle réorganisation des dépôts par les agents du BAOS pour que le calme revienne. Selon lui, il a été demandé aux candidats de se réunir par circonscription géographique. « Je me suis déjà inscrit sur la liste de Rufisque et je compte déposer mon dossier avant la clôture. Mais franchement, nous sommes jeunes et civilisés, nous aurions pu nous organiser sans leur aide. C’est dommage », dit-il, l’air déprimé.
À quelques mètres de lui, Adji Fatou Diop, une étudiante voilée, essuie son visage marqué par la fatigue. Son regard oscille entre lassitude et espoir. « Nous sommes des jeunes motivés qui ne demandons qu’à travailler. J’ai fait l’effort d’arriver très tôt pour ne pas rater cette opportunité. Je suis ici depuis 20 heures hier et je n’ai pas encore pu rentrer chez moi. J’attends de déposer mon dossier, mais il me manque encore des documents. Pour postuler, il faut une photocopie du passeport, un certificat de visite et de contre-visite, un extrait de casier judiciaire et un formulaire à remplir. Depuis jeudi dernier (23 janvier), j’essaie d’obtenir mon casier judiciaire, mais sans succès. Heureusement, je suis déjà inscrite sur la liste de Keur Massar. »

Ce programme de migration circulaire, annoncé le 23 janvier par Amadou Cherif Diouf, secrétaire d’État aux Sénégalais de l’extérieur, s’adresse aux candidats âgés de 25 à 55 ans. Il propose des contrats de trois mois renouvelables dans le secteur agricole espagnol. Selon lui, les 370 candidats seront sélectionnés toucheront des salaires d’environ 2 000 euros (1,3 million FCFA). Ils partiront dès le mois de mars.

Mais avant de pouvoir prétendre à cette opportunité, les postulants doivent réunir un dossier administratif comprenant une copie de leur passeport et un extrait de casier judiciaire, ce qui a entraîné une affluence massive dans les tribunaux.

Des obstacles administratifs et de l’angoisse

À l’écart, Hawa Ndiaye, originaire de Noflaye dans la commune de Sangalkam, reste figée dans l’attente d’un appel sur son téléphone. Son expression trahit son inquiétude. « C’est une amie qui m’a parlé du recrutement. Dès que j’ai su, je suis allée au tribunal de Dakar pour demander mon extrait de casier judiciaire. Mais une fois sur place, on nous a dit que les habitants de Rufisque ne pouvaient obtenir ce document qu’à Diamniadio. Mon petit frère s’y est rendu à ma place, mais il m’a informée que le document ne sera disponible que lundi prochain. Je garde espoir, mais cette attente est angoissante… Il ne me manque que ce papier, sinon tout mon dossier est complet. »
Malgré la fatigue et les obstacles administratifs, tous ces candidats partagent un même rêve : celui de décrocher une opportunité de travail en Espagne et, peut-être, de bâtir un avenir meilleur.
L’attente est longue, l’organisation chaotique, mais l’espoir reste leur moteur principal. Cheikh Ibrahima Sow, la quarantaine, coiffé d’une casquette grise, se tient droit et parle avec assurance. Son visage buriné par les années de voyage et de labeur en dit long sur son expérience. « Même si cette offre est destinée aux ouvriers agricoles, je ne vois pas cela comme un problème. Si Dieu nous accorde la chance d’être retenus, nous nous adapterons. Qui connaît les Sénégalais sait que nous sommes travailleurs. J’ai commencé à voyager en 1998 et j’ai découvert plusieurs pays. Je viens à peine de rentrer au Sénégal et on m’a parlé de cette opportunité. Alors, pourquoi ne pas tenter ma chance ? »
Un peu plus loin, Fama Sy, originaire de Guédiawaye, profite de l’attente pour faire des affaires. Malgré son teint clair et son air fatigué, elle garde un regard vif et un sourire satisfait. « Je suis arrivée ici à 3 heures du matin. J’ai vu l’annonce sur TikTok, et comme j’ai un frère en Espagne, je me suis dit que c’était une bonne occasion. Heureusement, j’ai pu déposer mon dossier assez tôt. Ensuite, j’ai eu l’idée d’acheter des formulaires et des enveloppes à l’université pour les revendre sur place. Franchement, je ne regrette pas, car j’ai déjà fait un bon retour sur investissement. Il me reste encore des stocks à écouler. En attendant, je vais rester ici durant les trois jours du dépôt. J’espère aussi que ma candidature sera retenue. »
Alors que le dépôt des dossiers se poursuit, certains se préparent déjà à un éventuel départ, tandis que d’autres s’interrogent encore sur leur sort. Seule l’issue du processus de sélection pourra leur donner la réponse tant attendue.

Avec Le Soleil