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LA CHRONIQUE DE MLD: Il faut rassurer l’entreprise sénégalaise…Par Mamadou Lamine DIATTA

« Ce qui est bon pour l’entreprise est bon pour le Sénégal »
Baydi AGNE Président du Conseil national du Patronat (CNP)

Les premières mesures du pouvoir Diomaye / Sonko ne sont pas rassurantes pour le monde de l’entreprise. C’est le moins que l’on puisse dire et le secteur privé national a de réels motifs d’inquiétude. Un doux euphémisme s’il en est !
Crise de la presse, faiblesse annoncée urbi et orbi du trafic au Port autonome de Dakar pourtant poumon de l’économie sans oublier cette dette intérieure impayée dans des secteurs d’activités aussi stratégiques que le BTP. L’exemple du groupe Eiffage illustre largement ce désastre.
Aux dernières nouvelles,Gerard Senac et le Top Management seront-obligés de supprimer pas moins de 1300 emplois.Un arrêt de chantiers pour cause de dettes impayées par l’Etat étant passé par là.
En guise de rappel, des pertes massives d’emplois ont été déjà
annoncées au Port de Dakar, à la Lonase et ailleurs.On pourrait d’ailleurs comprendre la suppression de recrutements à caractère politicien dans les entreprises nationales mais l’exemple d’Eiffage est un mauvais signal envoyé au monde névralgique de l’entreprise. Aux côtés de l’agriculture, ce BTP stratégique est l’un des plus gros pourvoyeurs d’emplois.Un célèbre adage déclame à l’envi : « Quand le bâtiment va, tout va».
Faudrait-il le rappeler, l’Etat du Sénégal n’a pas vocation à créer des entreprises encore moins des emplois.En revanche, les pouvoirs publics ont la mission d’instaurer un cadre réglementaire et un environnement des affaires propice à la libre entreprise.
C’est plutôt le secteur privé moteur de la croissance économique qui anime la sphère entrepreneuriale en créant des emplois, de la valeur ajoutée et des richesses.La redistribution équitable dans le temps et dans l’espace de cette manne financière contribue massivement à la réduction voire l’effacement des nombreuses inégalités sociales. Cette situation idéale contribue à plus de sécurité et de mieux-être dans notre vivre-ensemble. Tout est lié !
Les signaux envoyés par le gouvernement Sonko ne sont pas rassurantes pour le monde de l’entreprise. C’est un euphémisme de le ressasser à tout bout de champ.
Dans une de nos précédentes chroniques, nous annoncions avec un brin de prémonition l’installation de la République des régies financières. Nous avions visiblement vu juste tant l’épouvantail fiscal est brandi pour échauder les patrons d’entreprises de tout bord et freiner leur ardeur.
Or, il s’agit pour chaque nouveau pouvoir de travailler à rassurer par des actes impactants afin de gagner la confiance des acteurs de l’économie quels qu’ils soient.Une manière de participer activement à la libération de toutes les énergies.
Il n’est pas question ici d’inciter à la délinquance voire la négation fiscale.Loin de là. L’idée c’est d’avoir une approche intelligente et inclusive en élargissant davantage l’assiette et en instaurant surtout une fiscalité adaptée à des domaines sensibles comme les médias, le tourisme-hôtellerie,l’agro-industrie…
Le maître-mot c’est exactement de faire de ceux qui font tourner la machine économique des partenaires de choix, des acteurs vitaux de notre démocratie, des icônes à protéger et non des Sénégalais dont il faut démanteler hic et nunc le Business. Si telle est la stratégie des nouvelles autorités, ce serait une approche contre-productive qui va plonger le pays dans une incertitude de nature à le rendre moins attractif pour la captation des investissements directs étrangers(IDE).
Il faut savoir que les patrons et investisseurs Sénégalais sont les moteurs de la croissance économique. Il faut les soutenir fortement et les protéger pour en faire des champions économiques de la sous-région. C’est ce que fait le Nigeria avec le géant industriel Aliko Dangote et c’est aussi ce que fait le Roi du Maroc Mohamed qui se comporte toujours en VRP de son secteur privé.
Par ailleurs, il faut sortir de Dakar et valoriser l’énorme potentiel industriel du Sénégal.
Une lueur d’espoir pour les privés nationaux avec le projet ambitieux du ministre de l’industrie et du commerce Serigne Guèye Diop qui avait annoncé aux assises du CNP la création de 8 zones industrielles à travers le Sénégal.
Les enjeux et défis de l’exploitation pétrolière et gazière offrent également de nouvelles perspectives notamment avec l’intégration du contenu local.
C’est vrai que le nouveau pouvoir est actuellement dans une stratégie planifiée de démantèlement des innombrables sanctuaires de l’économie souterraine, ce qui explique d’ailleurs ces arrestations massives liées au trafic de drogue.
Il est évident que la lutte active contre la corruption impacte négativement l’activité du fait de l’existence d’un système éprouvé de vases communicants entre l’économie conventionnelle et l’informel.
L’un dans l’autre et au rythme où vont les choses, les couches laborieuses et la classe moyenne devront prendre leur mal en patience et boire le calice des réformes en cours pour quelques mois encore avant qu’elles ne puissent bénéficier enfin d’un hypothétique effet de ruissellement.
Dans les chaumières sénégalaises, ces mesures drastiques d’austérité et de redressement du nouveau pouvoir commencent effectivement à éroder le pouvoir d’achat de la classe moyenne.Ce qui est tout à fait prévisible au regard de l’impact jusque-là important de l’économie souterraine dans le train de vie des citadins.
Au mieux,les effets positifs de ce redressement ne se feront sentir que dans quelques mois.Entre temps( et nous sommes pleinement dans cette période délicate), la redistribution des richesses se fera sûrement à doses homéopathiques.Les Sénégalais avaient déjà vécu une situation similaire lorsqu’ils disaient sous forme de boutade « Rewmi daffa Macky » .Aujourd’hui, c’est carrément « Rewmi daffa Diomaye ».
Les Sénégalais sont fatigués pour reprendre la célèbre antienne du regretté Doyen Keba Mbaye.