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Nigeria: Buhari réhabilite le vainqueur présumé de la présidentielle de 1993

Le 12 juin, c’est le jour de la démocratie au Nigeria. Un jour qui est désormais férié comme le président Muhammadu Buhari l’a annoncé la semaine dernière à la surprise générale. Une mesure forte pour marquer le 12 juin 1993, une date qui symbolise la brutalité avec laquelle les dictatures militaires ont écrasé les espoirs de retour à la démocratie.

Après l’indépendance de 1963, le Nigeria a connu une succession de dictatures militaires pendant près de 30 ans. Vers la fin des années 1980, les pressions s’accentuent pour que des élections soient organisées. Ibrahim Babangida, alors au pouvoir, tergiverse, les reporte. Il décide finalement qu’elles se tiendront en 1993, le 12 juin.

Le scrutin a lieu. Les observateurs locaux et internationaux saluent le vote plus juste et le plus libre de l’histoire postcoloniale du Nigeria. L’homme d’affaires, MoshoodAbiolaest en passe de le remporter face au général Babangida, mais le scrutin est annulé.

Calcul politique ?

Levée de boucliers au sein de la population. Le chef de la junte militaire est alors obligé de quitter le pouvoir.  Il nomme à la hâte un gouvernement intérimaire, mais il est renversé trois mois plus tard par Sani Abacha. Abiola, lui, est arrêté, condamné pour trahison, et meurt en prison en 1998.

En célébrant ce 12 juin Jour de la démocratie, Muhammadu Buhari réhabilite donc Moshood Abiola. Ce jour existait déjà, mais il était, jusque cette année, célébré le 29 mai. Le président l’a simplement déplacé au 12 juin érigeant ainsi Moshood Abiola en symbole de la démocratie. Il a même été nommé grand commandeur de la République fédérale à titre posthume, une distinction d’ordinaire réservée aux anciens chefs d’Etat.

L’ensemble de la classe politique et des Nigérians ont applaudi, mais au-delà du symbole, la mesure est une aussi une manœuvre politique. A moins d’un an de l’élection présidentielle, Muhammadu Buhari, qui brigueun second mandat, se pose en grand démocrate, lui, l’ancien général au pouvoir dans les années 1980.

Il fait aussi un pied de nez à deux anciens généraux, influents et très critiques son égard. A savoir d’une part Ibrahim Babangida et d’autre part Olusegun Obasanjo, au pouvoir pendant huit ans et qui n’a pas réhabilité Abiola. Enfin, la mesure, et c’est sans doute le plus important, est un moyen de séduire la communauté yoruba, dont était issu Moshood Abiola. Le sud-ouest du Nigeria, bassin des voix Yoruba, est loin d’être acquis au vieux président du Nord. Y être populaire est donc déterminant pour le scrutin de février 2019.