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Notre or pour notre souveraineté monétaire, culturelle et l’enrichissement de nos populations (M. T. Niane)*

Le Sénégal est un pays aurifère. Le Sénégal produit de l’or.

Les localités où l’or est produit sont parmi les plus pauvres du Sénégal. Elles ne bénéficient pratiquement pas des retombées de cette richesse merveilleuse tirée de leur sous-sol.

Un certain nombre de nos villages du Sénégal oriental, où sont découverts des filons d’or, sont occupés par des entreprises ultramodernes dont la seule préoccupation est de ne laisser aucune pépite d’or, de tout ramasser, de tout envoyer à l’étranger !

L’État du Sénégal peut-il certifier qu’il a la maîtrise totale de la quantité d’or extraite et exportée par les multinationales présentes sur notre sol national ?

Dans d’autres villages ce sont les orpailleurs venus de toute l’Afrique qui s’y sont installés avec une exploitation débridée, très polluante avec un cortège de graves nuisances sociales, sanitaires, etc. La prostitution et l’hépatite E y sont endémiques ainsi que les accidents liés à l’utilisation de galeries souterraines artisanales.

La question sur toutes les lèvres est : où est l’État?

Récemment nous avons assisté à la disparition de camions de cyanure. Qui a volé ces camions et à quelle fin?

Les populations sont frustrées.

Elles voient la ronde des avions et hélicoptères qui emportent loin, très loin, la richesse du sous sol où elles sont nées alors qu’il n’y a pas d’emplois pour la jeunesse, d’écoles pour les enfants, de centres de santé bien équipés et garnis de médicaments pour la population.

L’injustice est à son comble.

Ce volcan de frustrations justifiées entre régulièrement en éruption laissant derrière lui des morts et des destructions.

Malheureusement, c’est un éternel recommencement. Le pouvoir calme la situation en attendant la prochaine révolte.

Notre or nous appauvrit.

Nos bijoutiers n’ont plus d’or pour travailler. Ils sont obligés d’acheter les vieux bijoux avec les risques de recel.

La corruption comme partout s’est installée dans le secteur.

Les favorisés ou les prête-noms ont des licences. Ils vont allègrement à Dubaï, au Maroc et en Turquie acheter de l’or et surtout des bijoux.

Ils tuent notre artisanat local, nos bijoutiers et, de plus, ils tuent notre patrimoine culturel de parures pour lui substituer les parures arabes, marocaines et turques.

C’est tout un pan de notre patrimoine national que la corruption et l’absence de patriotisme de nos autorités détruisent en même temps qu’elles menacent de faire disparaître le métier de bijoutier qui fait partie des métiers emblématiques du Sénégalais à l’étranger.

Nous produisons de l’or et il est impossible de trouver de l’or au Sénégal.

Nos femmes qui aiment tellement se faire belles ne peuvent pas trouver le moindre gramme d’or sénégalais pour leurs parures.

Nous produisons de l’or et nous n’avons aucune souveraineté monétaire.

Il faudra impérativement reprendre en main cette ressource stratégique pour en faire la base de notre souveraineté monétaire, établir l’équité territoriale, pouvoir trouver l’or sénégalais au Sénégal, donner de la matière première à nos bijoutiers tout en les formant et en les équipant, stopper l’importation d’or et de parures en or, sauvegarder notre patrimoine national.

Notre or doit d’abord servir les Sénégalais et le Sénégal.

* Dakar, jeudi 21 septembre 2023
Prof Mary Teuw Niane