LA CHRONIQUE DE MLD: Le Sénégal à l’heure du désert oppositionnel…
Pastef décapité, voici venu le temps maussade d’une opposition sénégalaise brusquement plongée dans la nuit noire.
Elle avait pourtant repris du poil de la bête au lendemain du scrutin législatif après avoir frôlé d’un cheveu la victoire.
Ousmane Sonko en prison, c’est un symbole vivace de notre démocratie qui plie sous les coups de boutoir d’une justice sénégalaise aux décisions pour le moins controversées. Quand la politique entre dans le prétoire…
Il est aussi évident que Sonko a plié mais n’a pas encore rompu tant qu’il lui restera encore un souffle de vie.
Pour qui a un peu suivi la trajectoire de ce jeune Leader bouillant, fougueux et téméraire, il est clair qu’il n’a pas encore dit son dernier mot même cloîtré au fond d’une cellule quelque part dans Sebikotane,lieu mythique s’il en est pour avoir abrité la célèbre école normale William Ponty qui a formé l’élite de l’Afrique francophone pré- Indépendance.
Sonko reste un acteur important du jeu politique. Même s’il ne parvient pas à arracher sa participation au prochain scrutin présidentiel, il sera pratiquement faiseur de roi au regard de son aura et de l’important bassin électoral que plusieurs observateurs avertis lui prêtent.
Pastef dissout, c’est l’épilogue d’un bras de fer harassant qui le mettait constamment aux prises avec l’administration territoriale. Ses principaux animateurs sont traqués et poussés jusque dans leurs derniers retranchements. Il est aussi vrai que sa façon de procéder est jugée percutante, offensive voire provocatrice à souhait.
Or, depuis le temps de Wade contre le Président Diouf, on n’avait jamais vu une opposition aux méthodes aussi radicales. On peut aussi comprendre qu’elle agisse de la sorte pour maintenir l’équilibre de la terreur d’autant que la politique n’a jamais été une arène pour enfants de chœur. Et puis à chacun son style car il faut de tout pour faire un monde.
L’opposition pure et dure incarnée par la formation politique d’Ousmane Sonko est donc en grande difficulté.
Elle est obligée de faire preuve de résilience afin de se réinventer. Elle n’a d’ailleurs pas le choix si tant est qu’elle tient à jouer encore un rôle quelconque sur l’échiquier national. Le Boss de Pastef a d’ailleurs intérêt à faire sienne cette profonde inspiration de l’ancien Premier ministre français Pierre Mauroy: » La crise n’est pas comme une maladie dont on ne peut sortir : elle est comme une sorte de nouvelle naissance »
L’isolement de Pastef sonne aussi l’émiettement et la césure définitive entre Sonko et ses désormais ex alliés de l’autre opposition (Khalifa Sall, PDS de Karim Wade …)
Par ailleurs, le burlesque réside dans le fait que la coalition présidentielle qui n’a pas encore fini de jubiler à l’idée de voir Sonko écarté de la course à la mère des batailles n’est pourtant pas encore au bout de ses peines. Comme quoi à chacun ses problèmes.
L’odeur du pétrole est trop forte…
L’unité, la solidarité, le resserrement des rangs et le respect scrupuleux du choix présidentiel relèvent pratiquement de l’utopie pour qui connaît le mode de fonctionnement des partis ou coalitions au pouvoir. Et surtout si l’on tient compte des ambitions démesurées et des sempiternelles batailles d’egos qui ont de tout temps existé entre les divers ténors en lice en l’occurrence Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, Mahammed Boun Abdallah Dionne ,Amadou Mame Diop et Aly Ngouille Ndiaye à un degré moindre.
Le Cas spécifique d’Amadou Amadou Mame Diop mérite d’ailleurs qu’on s’y penche un peu. Il semble qu’il est sur le point de doubler tous ses concurrents pour rafler la mise. Son mano à mano avec l’ultra-favori Amadou Ba risque fort de tourner en sa faveur tout simplement parce que l’actuel Président de l’Assemblée nationale et dauphin constitutionnel présente un profil plus lisse, moins clivant et donc plus consensuel. Sans compter l’atout vital d’être un Apériste de lait. Juste que son statut peu glorieux d’homme-lige de Mansour Faye le dessert quelque part…
Ce n’est pas exagéré d’affirmer que le Sénégal est assis sur un véritable volcan.
Notre nouvelle vocation pétrolière et gazière suscite la danse des ombres, des flibustiers et autres boucaniers de la politique politicienne. L’odeur de l’or noir est trop forte !
Pourtant les acteurs devraient davantage se calmer. On vote dans ce pays – pivot d’Afrique francophone depuis 1848 (droit de vote acquis par les Saint- Louisiens et les Goréens) mais nous n’avons jamais tiré les leçons de nos déconvenues politiciennes. Le regretté Mamadou Dia avait déjà réussi la « prouesse » de dissoudre un parti politique (PAI) et cela ne l’avait pas empêché d’être inquiété par Senghor au point de lui infliger les rigueurs du bagne de Kédougou au plus fort de la fameuse crise de 1962.Certes, comparaison n’est pas raison mais il est curieux de constater que l’histoire a constamment bégayé dans notre landerneau politique; les mêmes causes produisant logiquement les mêmes effets.
Mieux, les peuples, souvent en avance sur les hommes politiques, sont loin d’être amnésiques.
Notre démocratie est constamment chahutée et un pays ne peut se développer sans opposition surtout en ce 21ème siècle prometteur. La mise de l’opposition sous coupe réglée n’est point une bonne nouvelle pour les démocrates.
La nature a horreur du vide ; le pouvoir devrait davantage surveiller ses arrières d’autant que tout porte à croire que c’est plutôt le calme avant la tempête.
Il ne s’agit pas de jouer les Cassandres mais plutôt de procéder à une analyse concrète d’une situation concrète pour paraphraser Lénine.
Clairement !
Khalifa Sall et Karim Wade obligés de recourir à la magnanimité du Prince pour bénéficier d’un passeport pour le scrutin présidentiel lui seront redevables ad vitam æternam pour voir subséquemment leur marge de manœuvre fortement réduite.
Autrement dit, le désert oppositionnel est acté et tout le monde est mis au pas.
En attendant le lever du soleil !