Brexit: sept ans après le référendum, l’économie britannique dans la tourmente
Le 23 juin 2016, les Britanniques choisissaient de quitter l’Union européenne après des mois de débats passionnés. Trois ans après la sortie effective du Royaume-Uni, dans le contexte tourmenté de l’après-pandémie et de la guerre en Ukraine, l’économie du pays résiste moins bien aux crises.
« Le jour se lève sur un Royaume-Uni indépendant ! » Au petit matin du 24 juin, Nigel Farage exulte. Le leader du Brexit party est en train de vivre l’apothéose de sa carrière politique. À la surprise générale, contre toutes les prédictions sondagières et malgré les mises en garde des économistes et l’intervention de Barack Obama en faveur du remain, les Britanniques ont voté à près de 52% pour quitter l’Union européenne.
Nigel Farage parle d’une victoire pour « les petites gens, les gens honnêtes, les gens ordinaires ». Les partisans du Brexit promettaient une économie britannique florissante une fois débarrassée du joug de Bruxelles et des règlements européens, une NHS (les services de santé britanniques) revitalisée. Sept ans plus tard, ces promesses sont loin d’être tenues.
Avant de comparer l’état de l’économie britannique en 2016 et en 2023, il faut se souvenir que le Royaume-Uni n’est réellement sorti de l’Union européenne qu’en février 2020, au terme de longues négociations sur les conditions du divorce entre Londres et Bruxelles. Soit au tout début de la pandémie de Covid-19. Cela n’empêche pas pour autant les comparaisons, ces facteurs externes – on peut y ajouter la guerre en Ukraine – touchant également le reste du monde et l’Union européenne.
La livre sterling n’a jamais retrouvé sa force de 2016
Premier indicateur : la livre sterling. En 2016, dans la foulée du referendum, la livre avait chuté à des niveaux qu’elle n’avait plus atteints depuis 1985. La panique des premiers jours a fini par s’estomper, la livre est remontée, mais sans jamais retrouver sa force d’avant juin 2016. Que ce soit vis-à-vis de l’euro ou du dollar, la monnaie britannique s’échange toujours aujourd’hui à des taux inférieurs à ceux d’il y a sept ans.
Au début, cette situation a profité à la balance commerciale du Royaume-Uni. Elle était en chute continue depuis la fin des années 90 et on l’a vue progressivement remonter jusqu’en 2021, avant de s’effondrer à nouveau brutalement en 2022, du fait notamment des prix de l’énergie. D’autant que le Royaume-Uni s’est coupé du marché unique européen, c’était le principe même du Brexit. Un nouvel accord commercial a été négocié, mais désormais les entreprises britanniques qui souhaitent exporter en France, en Allemagne, en Pologne ou dans n’importe quel pays des Vingt-Sept doivent s’acquitter de droits de douane.
« 0,08 % » de contribution à l’économie britannique
L’un des arguments phare des partisans du Brexit, c’était que le Royaume-Uni allait pouvoir négocier ses propres accords avec tous les pays du monde. C’est vrai, mais les puissances économiques de la planète ne se sont pas précipitées pour négocier un accord de libre-échange avec un pays qui n’est plus depuis longtemps le poids lourd qu’il s’imagine parfois encore. Le premier « deal » du genre a été négocié avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Il est aussi le premier à être entré en vigueur, le 31 mai dernier. Sauf que, de l’aveu du gouvernement britannique lui-même, non seulement c’est une mauvaise nouvelle pour les agriculteurs britanniques, une mauvaise nouvelle pour les efforts du gouvernement pour lutter contre le réchauffement climatique, mais en plus sa contribution à l’économie s’annonce marginale. Ce « deal » présenté comme « historique » va augmenter le PIB britannique de 0,08 % d’ici à 2035. Pas de quoi se vanter.
Surtout qu’en parallèle, l’inflation augmente de façon beaucoup plus spectaculaire : entre 8 et 9 % depuis des mois, un point et demi de plus que pour l’Union européenne, deux points et demi au-dessus de la zone euro. Confronté aux mêmes crises que le reste du continent, l’économie britannique résiste moins bien seule que le bloc des 27. Le 22 juin 2023, la Banque centrale d’Angleterre a augmenté ses taux d’intérêts pour la treizième fois d’affilée, pour l’instant sans réussir à freiner l’augmentation des prix.
Jamais depuis qu’on le mesure, le revenu disponible des Britanniques n’avait autant reculé
Les taux sont déjà au plus haut depuis la crise de 2008, mais on s’attend à ce qu’elle les augmente encore d’ici à la fin de l’année, au risque de faire basculer le pays dans la récession. Les économies parient sur 6 % de taux d’intérêt d’ici Noël, une catastrophe pour tous ceux qui avaient emprunté à taux variables et qui pourraient se retrouver étranglés par les traites.
Pour « les petites gens, les gens ordinaires », comme disait Nigel Farage, la situation est tout sauf enviable. Le revenu disponible des Britanniques ne cesse de reculer. Depuis qu’on le mesure, jamais le mouvement de contraction n’avait duré aussi longtemps. Quant à la NHS, ses services souffrent comme jamais de manque de personnel quand tant de médecins et d’infirmières venaient de l’Union Européenne. « Nous envoyons 50 millions de livres à l’UE chaque jour, finançons plutôt la NHS », clamaient les bus de campagne des pro-Brexit. Le budget des services de santé a certes bondi en 2020 et 2021, mais il faut plutôt y voir les conséquences de la pandémie que de la sortie de l’Union européenne.
Le gouvernement a promis plus de trois milliards de livres sterling de budget supplémentaires en 2024 et 2025. On reste loin des 18 milliards promis il y a sept ans. Récemment, un sondage a été fait auprès des électeurs britanniques qui avaient voté pour la sortie de l’Union européenne en 2016. Ils sont encore 60 % à penser qu’ils ont fait le bon choix. Mais, à ce stade, moins d’un sur cinq considère que le Brexit est un succès.