A la UneActualitéPeople

ABDOULAYE WADE,le patriarche libéral fête ses 92 ans

Né le 29 mai 1926 à kébémer, dans la région de louga, me abdoulayeWade a aujourd’hui92ans. songénie et sa longévité en politique lui ont valu le surnom de «Patriarche libéral». l’homme, qui a résisté à tous les chefs d’etat sénégalais, semble ne pas encore déposer les armes. mais pour quel combat ?

Ses nombreuses rides cachent difficilement la puissance de son esprit. Malgré son âge avancé, Abdoulaye Wade n’est pas atteint de sénilité. Au contraire, l’homme respire jeune. A ceux qui pensent à sa mort, il répond souvent, d’un ton taquin : « Qu’ils se rassurent, je serai penché sur leur tombe ». L’ancien président de la République du Sénégal continue de défier toutes les lois de la nature. A 91 ans, le 10 juillet 2017, après un séjour de deux ans dans sa résidence dorée de Versailles en France, Wade débarque à Dakar. Le Pape du Sopi, investi tête de liste majoritaire de la coalition gagnante Wattu Senegaal aux élections législatives de 2017, retourne au pays au lendemain de l’ouverture de la campagne électorale. Il chauffe les rues de la capitale et porte toute une opposition vers «la gloire»,tout au moins vers des résultats reluisants au bout du scrutin. Wade sort l’opposition réunie autour du PDS de sa torpeur et gagne 19 siège au Parlement. Auparavant, le « Vieux » qui apparaissait aboulique, a bravé la chaleur suffocante et les routes sinueuses du pays, à la rencontre du peuple. Il a ainsi réussi à reconquérir le cœur de certaines masses et à leur faire regretter d’avoir élu Macky Sall. Comme il l’adore, Wade s’offre des bains de foule partout où il passe, avec un code vestimentaire qui lui est propre : un grand boubou bleu bardé de jaune sur le cou, bonnet rouge bien vissé sur la tête et son habituelle écharpe blanche. Et pourtant, c’est ce même homme au crâne rasé, à la voix trainante, qui a perdu le pouvoir au deuxième tour de la présidentielle de 2012 face à Macky Sall (34,20 contre 65,80% des voix). Qu’est-ce qui a pu se passer ? Momar Diongue, évaluant la gestion d’Abdoulaye Wade, a essayé d’expliquer l’échec de l’ancien président de la République sénégalaise. A en croire l’analyste politique, Wade a voulu être très pragmatique dans la réalisation d’un certain nombre de choses, quitte à fouler aux pieds les formes et l’orthodoxie. « Il avait une obsession à vouloir aller très vite, sans doute était-ce lié à son âge. Il embrassait beaucoup de chantiers. Et l’orthodoxie financière, les questions de procédure, etc., il ne s’en souciait pas trop », explique-t-il. La deuxième chose, selon Momar Diongue, c’est qu’Abdoulaye Wade avait une approche plutôt « patrimonialiste » du pouvoir. « Il était une sorte de Napoléon. Et cet état de fait a contribué à désacraliser le pouvoir », a-t-il fait savoir, non sans attirer l’attention sur le profil de Me Wade qui, précise-t-il, n’a pas fait l’Enfom, ni les hautes écoles d’administration, comme Senghor et Abdou Diouf. « Abdoulaye Wade a épousé une profession libérale. C’était un avocat. Et donc le culte de l’Etat qui était très cher à Senghor et à Abdou Diouf, ce n’était pas le souci de Wade. Aussi était-il un peu informel dans son approche, un peu libéral dans la conception qu’il avait du pouvoir. Et cela a eu tendance à désacraliser un peu l’Etat», a expliqué Momar Diongue. Il faut dire aussi que le pape du Sopi n’a pas réussi à trouver une solution à la crise casamançaise, alors qu’il avait promis de régler le conflit dans la partie sud du pays en « cent jours ». A la place, on a assisté au foisonnement des «Monsieur Casamance », et à beaucoup d’argent gaspillé à alimenter de petits groupes d’opportunistes. Il n’a pas su également régler le déficit en énergie. Ce que la population ne lui a pas pardonné, et elle l’a souvent manifesté à travers les émeutes d’électricité. Mais ce qui a le plus perdu Abdoulaye Wade, c’est son fameux « Wax Waxeet » (Ndlr : le fait de se dédire) à la veille de la présidentielle de 2012 ; il voulait coûte que coûte faire un troisième mandat.

Réussite et Échec en politique

Par ailleurs sur le plan purement politique, Abdoulaye Wade n’a pas su bien gérer son parti afin que celui-ci puisse résister aux vicissitudes de l’opposition. Si l’on s’en tient à l’analyste politique Momar Diongue, le pape du Sopi a toujours géré son parti de manière à ce qu’il n’y ait pas d’autres leaderships que le sien. «Tout autre leadership était dissipé ou étouffé. C’était lui l’astre autour duquel il ne voulait qu’aucune étoile, aussi petite soit-elle, puisse scintiller. Quand il a géré le pouvoir, tous ceux qui ont occupé un tant soit peu le poste de numéro 2 se sont vus couper la tête, de Ousmane Ngom à Macky Sall, en passant par Idrissa Seck », a expliqué Momar Diongue. L’analyste politique pense que c’est là où se trouve son échec, et que le PDS, malheureusement, ne pourra pas lui survivre. « Vous avez vu ce qui s’est passé après la perte du pouvoir. Le parti a éclaté en mille morceaux, avec de nombreux mouvements et autres partis politiques issus du PDS », souligne-t-il. L’autre erreur de Wade, selon Momar Diongue, c’est son obsession à vouloir faire du parti politique un héritage qu’il donnerait à son fils biologique. « Et très sincèrement, il y a très peu de cas qui ont réussi dans cette direction. Il est plus facile dans une logique de parti politique de confier son héritage à un fils spirituel, qui vous aura accompagné durant tout le long de votre parcours, qui a une légitimité historique dans votre parcours et qui est reconnu comme tel par les militants. Il est plus facile d’assurer et d’asseoir l’héritage de cette nature en le confiant à un fils spirituel plutôt qu’à un fils biologique qui n’était pas là dans les années de combat, durant les années de braise, qui est venu à la période des vaches grasses, et qui veut hériter aussi aisément du parti. La pilule aura du mal à passer», a-t-il soutenu. Toutefois, il reconnait que la plus grande réussite d’Abdoulaye Wade c’est d’avoir fait de l’opposition du Sénégal une réalité. Me Abdoulaye Wade est connu pour sa ruse en politique.Dès 1974, il a convaincu le président Léopold Sédar Senghor de le laisser créer un parti politique dit de « contribution», parti qui deviendra plus tard la principale force de l’opposition. Aux élections présidentielles de 1988 et 1993, il réclame la victoire. Cette attitude lui vaudra l’emprisonnement à la maison d’arrêt de Rebeuss. Mais l’avocat continue de croire à son étoile. A la présidentielle de 2000, à la tête d’une coalition de partis, il sort victorieux face au sortant AbdouDiouf au second tour, avec 51,84% des suffrages.

Abdoulaye Wade : le Bâtisseur

Un fois au pouvoir en 2012, il a transformé particulièrement Dakar en chantier. Le pape du « Sopi » (changement) a ainsi doté le pays d’infrastructures modernes. Il a modernisé la capitale sénégalaise par la construction et la réfection de routes et ponts (autoroute à péage DakarDiamniadio). Il a également conçu et démarré la construction de l’aéroport Blaise Diagne. Mais son chef-d’œuvre restera sans nul doute la construction du Monument de la Renaissance africaine sur l’une des collines des Mamelles, d’un coût d’une quinzaine de milliards de FCFA, et pouvant tenir debout pendant 1200 ans contre les houles atlantiques. Même si d’aucuns, comme Cheikh Yérim Seck, parlaient à l’époque de scandale dans le montage financier de cette architecture.

Cursus académique

Me Abdoulaye Wade appartient à la première génération d’intellectuels africains sortis diplômés de l’Ecole Fédérale de Formation des Instituteurs de l’Afrique Occidentale Française. Né le 29 mai 1926 à Kébémer, dans la région de Louga, Me Abdoulaye Wade, obtient son diplôme d’instituteur en 1947, avant de venir étudier à Dakar, au lycée Vanvollenhoven. C’est le lycée Condorcet de Paris qui l’accueillera par la suite. Il renforcera ses acquis pédagogiques à la Faculté de Droit de l’Université de Besançon et à l’Université de Grenoble. Passionné d’études et de connaissances, il décroche des diplômes en Droit, en Economie et en Mathématiques Appliquées. Dans son livre Un destin pour l’Afrique, il revient brièvement sur son parcours académique. Ainsi, il apparait qu’après sa soutenance d’une thèse de doctorat de droit et sciences économiques en 1958, il est allé à Londres fréquenter le cercle des panafricanistes des colonies anglaises d’Afrique. Rentré au Sénégal, il rejoint le Bloc des masses sénégalaises (BMS), parti d’opposition créé par le savant Cheikh Anta Diop. Après la dissolution du mouvement, il s’est consacré à ses études universitaires qui vont l’amener à Boston en 1967, puis à Paris-Sorbonne en 1967-1968. Il a été reçu à l’agrégation de Sciences économiques, et fut nommé professeur puis élu doyen de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de l’Université de Dakar.

Le dernier combat pour le négus

Parmi toutes ses œuvres, le parti démocratique sénégalais (PDS) constitue certainement le patrimoine le plus précieux d’Abdoulaye Wade. Mais force est de constater qu’il est en eaux troubles. Wade a perdu au cours de l’histoire de nombreux hommes ; les plus récents sont des fidèles parmi les plus fidèles : Modou Diagne Fada, Papa Samba Mboup et Farba Senghor. Les deux derniers ont été exclus pour actes d’indisciplines, après avoir attaqués avec virulence le Secrétaire général adjoint du PDS, Oumar Sarr. Le doyen Abdoulaye Faye, qui se désolait à l’époque de l’accélération du dossier, avait indiqué que des faits du genre ne constituent pas une nouveauté au PDS, non sans se remémorer de l’ancien trésorier du parti libéral, Baïla Amadou Moctar Wane, qui a été amené à démissionner. Et plus tard, les cas Mamadou Fall Puritain, Saliou Gaye, Yoro Kandé… Et le prochain combat du Négus sera à coup sûr d’arriver à booster et à unifier le PDS, mal en point avec des forces éparpillées. Et selon l’analyste politique Momar Diongue, Wade a un gros challenge : organiser sa succession au niveau du Secrétariat national du PDS. « C’est une étape très délicate qu’Abdoulaye Wade va gérer. Aujourd’hui, il y a l’indécision qui a gagné le parti avec cette candidature plus qu’improbable de Karim Wade. Actuellement, le doute s’est emparé des militants. Il y a également des velléités de leadership et de récupération, qu’on peut prêter à certains qui sont en embuscade, comme Me Madické Niang et Oumar Sarr. Mais actuellement, il y a l’obsession de Me Wade à vouloir tracer une voie à Karim. Je pense que cette période est une période très délicate pour le Pape du Sopi. Et il risque très sincèrement de tout perdre et de détruire son PDS, s’il ne réussit pas ce virage. Or ce virage-là me parait très délicat avec son obsession de vouloir faire de Karim Wade son héritier politique. Karim Wade peut certes être son héritier biologique, mais entre être un héritier biologique et être un héritier politique, il y a tout un fossé ; et c’est comme si Abdoulaye Wade ne l’a pas encore compris», a conclu Momar Diongue.

Toutinfo/Seydina Bilal Diallo