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Émile Dione, prêtre exorciste du Sénégal à la Bretagne

Tout le monde le reconnaît quand il se promène dans les rues de Morlaix, dans le Finistère-Nord. Et il en est très fier. Le Sénégalais Émile Dione officie depuis dix-huit mois comme prêtre exorciste à la paroisse Saint-Yves, un travail qui est avant tout une vocation.

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Assis derrière un bureau sur lequel s’amoncellent des piles de livres, une petite bougie près de lui, les grands yeux noirs d’Émile Dione transpercent ses larges lunettes. Il parle d’une voix posée et lente, articule très doucement et répète tel un professeur pour que l’auditeur s’imprègne totalement de ses paroles.

« Père Émile Dione du Sénégal. Je suis dans ma 63e année. Prêtre depuis trente ans. Dernier d’une fratrie de six personnes. » Originaire de Thiès, dans le centre-est du Sénégal, il réalise ses humanités dans tous les grands séminaires du pays, officie dans le diocèse de Thiès puis à Diourbel. Et il débarque à Morlaix fin août 2021, c’est alors son premier voyage en France. « Nous avons eu la chance d’avoir un prêtre étudiant à Rome, il y a une quinzaine d’années, qui a souhaité recréer les liens entre le Sénégal et le Finistère après s’être lié d’amitié avec un prêtre breton. Et il a eu l’idée d’envoyer des prêtres du Sénégal pour soutenir l’Église bretonne. »

« L’Histoire nous lie »

Pourtant, à entendre le récit de cet homme qui transpire la sagacité, cet exil ne semble pas en avoir été un, puisqu’un lien fort et ancien existe entre le pays natal d’Émile Dione et la Bretagne. « Je suis arrivé ici, je ne connaissais absolument pas la région. Mais l’accueil a été formidable ! Bonnes crêpes et bon cidre », répète-t-il en rigolant à pleine gorge. « Ce que personne ne sait, dit-il en reprenant tout son sérieux et en se redressant sur son fauteuil, c’est que le lien entre l’Église du Sénégal et le Finistère est très fort. » Et le prêtre de raconter : « Nous avons reçu l’Évangile des missionnaires spiritains bretons, pour la plupart du Finistère. Aujourd’hui encore, dans une partie de la communauté catholique, on parle encore des prêtres de Quimper. » Ainsi, jusqu’à présent, que ce soit dans la région du Cayor, du Sine en passant par la Casamance, la catéchèse dans les langues nationales est inspirée des chants catholiques d’origine bretonne.

Autre transmission improbable : le culte de Sainte-Anne. Omniprésent en Bretagne, il l’est devenu aussi au Sénégal par cette évangélisation (Thiès et Dakar, entre autres, possèdent respectivement une cathédrale et une paroisse dédiée à la sainte). « À Dakar, c’est à Bel Air, au bord de la mer, ça devait être des gens de Brest ! », s’amuse-t-il à imaginer.

« Il a fallu que je vienne dans le Finistère pour me rendre compte que nos pardons de la Sainte-Anne au Sénégal sont calqués sur ceux d’ici », s’étonne lui-même Émile Dione en portant son doigt à sa joue en signe de réflexion. Et les ressemblances ne sont pas uniquement religieuses, insiste le prêtre en resserrant son écharpe en laine autour de son cou. « J’adore cette région, il y a tant à découvrir… Et le climat du Finistère, la pluie, cette nature, me rappellent la Casamance, les animaux sauvages en moins, la polaire en plus. »

Visiblement, il se sent ici comme chez lui et ne compte pas rentrer à Thiès durant le temps de sa coopération de quatre ans, renouvelable autant qu’il le souhaite (et il entend bien poursuivre), internet lui suffit amplement pour garder le contact avec sa famille. « On fait des visios et on rigole ! » Et Émile Dione d’insister sur « le travail » qu’il faut faire en Bretagne.