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DISTRIBUTION DIVIDENDES ENDEAVOUR : Plus de 300 milliards F CFA aux actionnaires, entre 2021et 2022

Le groupe Endeavour Mining, dont l’un des gisements les plus importants, pour ne pas dire le plus important se trouve à Kédougou (Sénégal), a distribué depuis le premier trimestre de 2021, des dividendes de l’ordre de 513 millions de dollars. Pendant ce temps, les communautés riveraines continuent de crouler sous le poids de la misère.

S’il y a un secteur qui ne doit pas trop se plaindre de la crise actuelle qui sévit dans le monde et ébranle tous les gouvernements, c’est bien le secteur de l’or. L’exemple le plus éloquent est le bilan publié hier par la compagnie Endeavour Mining. ‘’Aujourd’hui, a annoncé la plus grande compagnie aurifère en Afrique de l’Ouest depuis l’acquisition de Teranga Gold (Sénégal), nous avons annoncé nos résultats du troisième trimestre 2022 : solides performances avec 343 koz produites à AISC 960 $/oz ;  513 millions de dollars reversés aux actionnaires depuis le premier trimestre 2021…’’.

Il faut relever que Sabodala-Massawa compte pour un quart de la production d’Endeavour Mining. Les chiffres font, en effet, état de 86 000 onces sur une production totale du groupe de 343 000 onces au premier trimestre ; 256 000 onces sur un total de 1 055 onces pour les 9 premiers mois de l’année 2022.

 Interpellé sur ces performances de l’entreprise avec les milliards de dividendes distribués aux actionnaires, le coordonnateur du Forum civil Birahime Seck peste : ‘’Je pense qu’il est indécent, inadmissible que de tels montants soient partagés entre des actionnaires, au moment où les populations des zones minières s’enfoncent dans la précarité, sans eau, ni électricité. Cela montre à suffisance que les communautés, à l’instar de celles de Saraya, sont laissées en rade, qu’elles sont le cadet des soucis de ces multinationales qui aiment se glorifier des miettes injectées dans les communes. C’est inacceptable.’’

A en croire le coordonnateur du Forum civil, il faut faire très attention par rapport au fossé abyssal entre ces manifestations ostentatoires des compagnies et la précarité dans laquelle vivent les populations impactées par ces exploitations. ‘’Cette manifestation éclatante de l’injustice sociale, indique M. Seck, pourrait perturber la paix sociale. Les populations des zones minières méritent respect et considération. Pourquoi des actionnaires devraient-ils continuer à  engranger des revenus aussi importants et laisser les populations avec des miettes ? Cette boulimie actionnariale est une remise en cause du principe constitutionnel selon lequel « les ressources naturelles appartiennent au peuple ».

Pendant que les actionnaires d’Endeavour peuvent faire la fête, se payer une vie de pacha avec les revenus d’or tirés en grande partie de leur sous-sol, les populations de Kédougou, elles, continuent de crouler sous le poids de la misère. Bizarrement, bien qu’abritant l’or du Sénégal, la région est l’une des plus pauvres et dépourvues en infrastructures du pays. Il n’est pas rare de voir les populations manifester, parfois avec violence, leur colère dans la rue.

D’ailleurs, réagissant suite aux manifestations des populations de Mako, il y a quelques semaines, la section Forum civil de Kédougou attirait l’attention sur un problème presque généralisé. Dans un communiqué, les camarades de Birahime Seck alertaient : ‘’Au-delà de cette affaire de recrutement (à la base de la révolte des jeunes de Mako), la section locale du Forum civil constate un malaise général qui sévit au sein des populations exsangues qui n’en peuvent plus… La frustration est partout perceptible, du fait de la misère et de la pauvreté qui contrastent avec les revenus énormes tirés des ressources de l’or qui sont exploitées dans leur environnement. Cette exacerbation, qui était jusqu’ici quasi latente, commence à se manifester un peu partout dans les zones d’exploitation. »

Ces alertes ne semblaient pas être tombées dans l’oreille d’un sourd. La plus haute autorité de l’Etat, le président de la République, en avait d’ailleurs parlé en Conseil des ministres, pour attirer l’attention sur l’urgence d’œuvrer pour un développement territorial inclusif des zones minières. Il semblait donner des instructions fermes à son Premier ministre et aux ministres de travailler avec les compagnies pour sortir ces communautés de la précarité. Birahime Seck rappelle : ‘’Le président de la République avait instruit le Premier ministre Amadou Ba, lors du Conseil des ministres de réunir les ‘ministres et les sociétés minières impliquées en vue d’un déploiement urgent d’actions conséquentes de promotion de l’emploi local et d’amélioration du cadre de vie des populations en termes de réalisation d’infrastructures économiques et sociales de base’. Cette instruction n’est pas suivie d’effet jusque-là, alors que les actionnaires, eux, continuent à se partager des milliards en dividendes’’, fustige M. Seck.

Selon les résultats publiés hier par Endeavour, la production totale du groupe (pour l’ensemble de ses mines localisées essentiellement en Afrique de l’Ouest) est de 343 koz au troisième trimestre. Elle est de 1 045 depuis le début de l’année. ‘’Le groupe est bien positionné pour atteindre le haut de la fourchette de production prévue pour l’exercice 2022, à savoir 1 315-1 400 onces comprises dans la fourchette prévue de 880-930 $/oz’’, lit-on dans le site de la multinationale.

Selon les chiffres, le groupe a fait un bénéfice net de 58 millions de dollars (ou 0,23 $/oz) pour le trimestre 3 de 2022 et 190 millions de dollars (ou 0,77 $/oz) depuis le début de l’année. ‘’La position financière (est) solide avec une trésorerie de 833 millions de dollars à la fin du trimestre ; elle est bien positionnée pour rembourser l’obligation convertible de 330 millions de dollars due en février 2023, en espèces pour limiter la dilution des actionnaires, en plus des 500 millions de dollars de sources de financement disponibles’’.