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« L’ALPHABET D’UNE MAL PRÉSIDENCE : LES 26 PÉCHÉS DE MACKY SALL» DU PROFESSEUR AMADOU KAH

Les tares et tâtonnements du régime mis à nuAprès « La codification administrative au Sénégal », « Désir de République »

, « De la lutte des classes à la bataille des places, le tragique destin de la gauche sénégalaise », le professeur Amadou Kah revient au-devant de la scène littéraire avec un nouvel ouvrage intitulé « L’alphabet d’une mal présidence : les 26 péchés de Macky Sall » (édition L’Harmattan, 200 pages) paru vendredi 6 octobre 2022. Ce livre met en exergue les tares et tâtonnements du régime en place avec à la clé des exemples et anecdotes à foison. Selon le préfacier, le journaliste Madior Sylla, « ‘l’alphabet d’une mal présidence’ est une réflexion sérieuse, profonde et nourrie de toute l’expérience d’enseignant de droit administratif de l’auteur, sur les péchés de la gouvernance du président Macky Sall qui font, qu’en dépit des nombreuses réalisations à son actif, les Sénégalais sont globalement dubitatifs sur le bilan de son exercice du pouvoir durant cette dernière décennie ». Vox Populi vous propose les Bonnes feuilles du brûlot du professeur Kah, enseignant chercheur à l’UFR de Sciences juridiques et politique de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis où il est également chef du département de Droit public. »La réussite d’une politique publique ou d’un programme dépend de plusieurs facteurs ou conditions. Entre autres, être bien pensés, adaptés à leur cadre d’expérimentation et accompagnés, dans sa mise en œuvre pratique, d’une rigueur sans failles. Sur ces deux aspects, la bourse familiale, surtout, peine à répondre aux attentes, et l’échec ne tient pas, uniquement, dans un rapport de cause à effet.

En règle générale, toute prestation sociale en vue d’améliorer le bien-être des populations est non négligeable, si tant est qu’elle contribue véritablement à combattre la précarité au lieu de simplement l’organiser. (…) Malheureusement, l’évaluation faite de ce programme révèle un détournement d’objectif, du moins une inefficacité saisissante. Ce constat est conforté par une étude réalisée par IPAR et financée par la FAO et qui a concerné la période du 21 juillet au 17 août 2016. Cette étude révèle ceci d’intriguant que la bourse n’est utilisée que pour des besoins de survie. Autrement dit, il s’agit pour les familles enquêtées de s’approvisionner, grâce à cette bourse, en denrées de première nécessité et quasiment à cette fin uniquement. Sous ce rapport, la bourse constitue certes une protection irremplaçable pour les bénéficiaires. Seulement, elle tend, par là-même, à entretenir la précarité plutôt que de l’éliminer (…) ».Débat autour du 3e mandat »(…) L’excuse d’une erreur de mesure du préposé à la couture, qu’elle soit haute, basse ou moyenne, constitutionnelle ou autre, ne saurait prospérer. Il est, parce que simple technicien, normalement en service commandé. L’un dans l’autre, rien ne peut absoudre le Président de proposer un texte clair à l’abri d’interprétations à fort potentiel de controverses, de malentendus et finalement de violences. Et pourtant, ni le temps, ni les moyens n’ont fait défaut pour répondre à l’exigence de rattrapage envisagée par M. NZOUANKEU. Cette omission ou brèche avait-elle été voulue, structurée, pour servir la thèse de la validité d’une éventuelle candidature présidentielle ? On se rend compte, à la lumière de ce qui précède, que les polémiques résultent d’une interprétation variée des dispositions de la charte suprême relatives au mandat du président de la République. Or, il est sans conteste admis qu’une règle de droit ne s’offre à l’interprétation que lorsqu’elle est floue. (…)

Si la charte fondamentale est soumise à une dictature de l’immédiat et que son destin est lié aux vicissitudes et remous de politique de petite semaine ou à l’exercice d’un mandat, fut-il continental, il y a matière à s’interroger sur la capacité d’imagination ou simplement d’anticipation de ceux qui nous dirigent. Si nos textes sont incapables de transcender nos trajectoires personnelles, il y a de quoi désespérer ! (…) ».La famille du Président au cœur du régime « (…) La consanguinité avec le Président élu ne donne aucun droit à la famille ou à la fratrie. (…) Ce qui interpelle et inquiète, c’est moins la famille ou la fraternité comme catégorie d’engagement politique que le pouvoir politique abusant de cette position. La famille devient ainsi non seulement un socle de promotion sociale qui propulse des individus sans compétence avérée, sortis de l’anonymat pour être recyclés comme commis indispensables de l’État devenu leur refuge et leur eldorado, mais surtout un ressort d’enrichissement personnel. L’on récupère les ratés de la famille proche et lointaine pour les recycler dans des postes que ni leur parcours ni leur expérience ne justifient. La République devient ainsi une sorte de famille recomposée, non pas sur la base de la citoyenneté, ce lien juridique ayant à sa base une solidarité effective d’existence, mais sur la base du copinage, du racolage, du cousinage et du recyclage. (…) La ‘frérocratie’ est la dynamique créatrice d’une nouvelle oligarchie ou classe qui se retrouve, par le miracle de la fortune, surclassée par rapport à sa vraie valeur.

(…). L’APR est devenue un RPA (repas). Ce sein qui nourrit le Président ne peut pas être le même sein qui nourrit son frère. En tout cas, pas en démocratie. La fraternité n’est pas le meilleur garant de la compétence politique. Elle n’est que la manifestation opportuniste et inélégante d’une ségrégation consanguine. La famille, ce jardin secret, se retrouve au cœur de la République. La politique devient ce pain béni qui se mange en famille. (…). En s’appuyant sur les leviers familiaux pour gouverner, Macky SALL a oublié que c’est par les images que se forgent les symboles. (…) ».Gouvernance « (…) Il avait inondé le paysage politique de slogans qui, articulés, reliés entre eux, pouvaient constituer à eux seuls tout un programme politique au fur et à mesure que l’élection approchait. Et parmi ceux-ci celui de gouvernance sobre et vertueuse était le plus connu. Non pas par l’intelligence de la conception ou la beauté du slogan, mais plus parce qu’il était une réponse à un réel besoin du pays. Le Sénégal était demandeur d’une autre façon de gouverner, d’une autre façon d’administrer. Des gouvernements pléthoriques, une multiplication de structures révélant une mal administration, la profusion d’autorités administratives indépendantes.

Le candidat SALL savait mieux que quiconque, car acteur majeur du pouvoir ‘libéral’, que le pays souffrait d’une maladministration avec la prolifération de structures à l’utilité presque nulle. Il s’était engagé, une fois élu, à réduire le train de vie de l’État et rationaliser les dépenses publiques. Son ambition était donc de dégraisser le mammouth. Dix ans après, dans l’espace gouvernemental et administratif, ce qui se donne le mieux à observation, c’est son incapacité à honorer ses promesses. Les exemples suivants le prouvent à suffisance ».Traque ou l’illusoire reddition des comptes « (…) Lors d’une conférence de presse tenue le 08 Novembre 2012, le Procureur NDAO publie une liste de 25 dignitaires accusés de mauvaise gestion des biens publics. (…) Dans les jours qui suivirent, alors que Macky SALL prenait goût au pouvoir, ou rattrapé par les réalités de son exercice, la traque semble marquer le pas. De cette liste de supposés enrichis illicitement, il ne reste que des oublis, des omissions, des classements sans suite, de rares comparutions de témoins et de très de rares condamnations. Rien de bien anormal, pourrait-on nous rétorquer, car mises en accusation ne signifient point culpabilité et le non-lieu reste une possibilité de procédure.

Ou faut-il estimer que les transactions et autres méthodes ‘douces’ ont permis de recouvrer les sommes détournées ? Si tel est le cas, le citoyen n’a-t-il pas le droit à l’information ? L’État étant tenu par la règle du parallélisme des formes et des procédures, son silence devient alors problématique. On peine à croire que les retentissantes mesures de retrait de passeport (Abdoulaye BALDÉ), d’interdictions de sortie du territoire (Oumar SARR), d’arrestations spectaculaires (Ousmane NGOM) étaient de grosses mises en scènes. Au fil des jours, cette liste s’est rétrécie comme une peau de chagrin. C’est à croire, fait observer un concitoyen, que le cas du fils de l’ancien Président constituait l’alpha et l’oméga de la lutte contre l’enrichissement illicite. (…) N’avons-nous pas finalement été assez naïfs pour croire en cette traque qui souffrait de tares congénitales liées d’une part au patrimoine déclaré de son initiateur à même de soulever des interrogations sur sa légitimité à lutter contre l’enrichissement illicite, d’autre part à la volonté de réduire l’opposition à sa ‘plus simple expression’ par l’accueil de transhumants ? Qu’une justice sélective triant entre les traqués selon leur volonté ou non de collaborer avec le nouveau pouvoir s’ensuive, ne doit point étonner. De manière générale, en ‘détraquant la traque’, le Président n’a pas fait œuvre originale, il ne prolongeait que sa gouvernance. (…) ».

Vox