Guerre en Ukraine: que cache la surenchère nucléaire de Moscou?
Le président Vladimir Poutine a déclaré que la Russie avait frappé lundi en Ukraine des infrastructures critiques, ajoutant que si les attaques ukrainiennes se poursuivaient, la réponse de Moscou serait sévère. Ces derniers jours, le Kremlin fait allusion de façon appuyée à un possible recours à des armes de destruction, laissant planer l’hypothèse d’une utilisation d’armes nucléaires dites « tactiques».
Sur l’échelle des armes nucléaires, une bombe tactique, c’est une arme de premier échelon, d’une puissance de quelques kilotonnes. Rien à voir avec les armes nucléaires stratégiques, tirées par des missiles balistiques et dont la puissance s’élève à plusieurs dizaines de mégatonnes.
Dès la guerre froide, l’usage sur le champ de bataille du nucléaire de faible puissance a été théorisé comme une super artillerie, et pour tirer ces ogives nucléaires tactiques, Moscou a plusieurs possibilités, ce qui rend la situation d’autant plus trouble, indique Vincent Tourret, spécialiste de la culture stratégique russe à l’université de Montréal : « Du côté russe, ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’ils jouent justement sur l’ambiguïté de certaines catégories d’armes, sur leur dualité. C’est-à-dire que c’est d’abord des missiles conventionnels, mais qui peuvent être utilisés ultimement en changeant les charges en mode nucléaire. Donc, on pense à des vecteurs du type Iskander, des missiles tactico-opératifs d’une portée de 500 kilomètres, on pense aux missiles de croisière de type KH101 qui sont tirés par les bombardiers et ensuite, vous avez les missiles de croisière navale de type Kalibr. La doctrine militaire et nucléaire russe, c’est comme une grille, elle établit un chemin d’escalade avec plusieurs seuils. Il y a des critères normalement à respecter. Ce qui est inquiétant là encore, c’est que plusieurs de ces critères ont été franchis : la mobilisation générale, les annonces de tests stratégiques et un Grom, le nom de l’exercice nucléaire qu’ils font cette année. Ils annoncent des tests en mer Noire d’un nouveau vecteur nucléaire, ce qui serait du coup une rupture. Car il faut bien comprendre que faire appel au nucléaire et menacer de faire des exercices, cela montre une perte de contrôle sur la situation ». Tout péril existentiel contre la Russie entrainerait une riposte nucléaire, martèle Vladimir Poutine.
Coup de bluff ou réalité ?
Mais lâcher une bombe nucléaire, même de faible puissance, c’est techniquement très compliqué, assure Philippe Gros de la Fondation pour la recherche stratégique. « Le premier problème, c’est en termes de ciblage, sur quoi on tire ? Cela nécessite des cibles de haute valeur identifiables chez l’adversaire, des concentrations de blindés, des postes de commandement critiques. Et ces cibles de haute valeur, encore faut-il pouvoir les identifier. Or les Russes ont montré qu’ils avaient de grosses difficultés en matière de capacité de ciblage dans la grande profondeur ukrainienne. Deuxièmement, sur le plan de la maitrise des paramètres environnementaux, on sait que l’humidité, la pluie, le vent sont des facteurs de dispersion énorme des retombées radioactives potentielles. Le troisième facteur, évidemment c’est dans un champ de bataille qui aurait été frappé d’un ou plusieurs missiles nucléaires, comment vous faites manœuvrer votre armée dans une zone complétement irradiée ? ».
Toutinfo.net avec RFI