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CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM : Les mots du Mali qui se rebiffe…


La 77 ème session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies a une vedette. Il s’agit du
Colonel Abdoulaye Maïga Premier ministre par intérim du Mali. Si son discours du 24 septembre
2022 à l’occasion du Débat général est aussi suivi, aussi commenté, c’est que dans la forme comme
dans le fond, il sort de l’ordinaire. Tout est dans le style avec des figures qui rendent plus digeste un
texte de haute facture. Il y a surtout l’atténuation. Beaucoup d’euphémisme pour mieux «tuer».
«Permettez-moi de réitérer à notre Secrétaire général, M. António Guterres notre haute appréciation
des efforts louables qu’il continue de déployer pour la réalisation des nobles objectifs de notre
Organisation commune.

Nous sommes convaincus que vous êtes un ami du Mali et du Sahel»,
énonce Maïga avant d’enchaîner avec une charge. « L’amitié reposant sur la sincérité, souffrez que je
vous exprime mon profond désaccord suite à votre récente sortie médiatique, au cours de laquelle
vous prenez position et vous vous exprimez sur l’affaire des 46 mercenaires ivoiriens, qui est une
affaire bilatérale et judiciaire, entre deux pays frères. C’est évident, que la qualification judiciaire des
infractions liées à cette affaire ne relève pas des attributions du Secrétaire Général des Nations
Unies», rectifie-t-il avec une voix qui ne laisse transparaître aucune note discordante. « Au Mali,
notre administration ne travaille pas sur la base de l’oralité, ni des déclarations par voie de presse,
par conséquent, nous nous en tenons scrupuleusement à la Note Verbale de la MINUSMA, référence
: MINUSMA/PROT/NV/226/2022 du 22 Juillet 2022, dans laquelle, il ressort clairement qu’il n’existe
pas de liens entre les 46 mercenaires et les Nations Unies », martèle le chef du gouvernement
malien. S’il parle des « récentes synchronisations des actions et l’harmonisation des éléments de
langage consistant à faire passer le Mali de statut de victime à celui de coupable dans cette affaire
des mercenaires », c’est juste pour montrer qu’ils «sont sans effets». C’est surtout pour des
messages à l’endroit du président en exercice de la Cedeao, Umaro Sissoco Embalo qui affirme : «
on vient de voir avant-hier, la déclaration du Secrétaire Général des Nations Unies qui dit que ce ne
sont pas des mercenaires. Moi à la place des Maliens, j’aurais relâché ces 49 soldats ».
« Je voudrais très respectueusement signifier à ce dernier qu’il existe un principe de subsidiarité,
d’ailleurs aux contours flous, entre la Cedeao et les Nations Unies et non un principe de
mimétisme. ». Quelle claque suivie d’une autre : « M. Umaro Sissoco Embalo doit être conscient du
fait qu’il est le dépositaire d’un lourd héritage et de plusieurs sacrifices qui ont fait la renommée de
cette Organisation. » Le coup de grâce est cette phrase pleine de sous-entendus : « je voudrais
signaler au Président en exercice de la Cedeao, qu’à la fin de son mandat, les peuples ouest-africains
le jugeront sur les efforts qu’il a fournis pour améliorer les conditions de vie des populations et non
des show médiatiques servant des agendas étrangers ». Des figures d’atténuation mais aussi de
l’exagération voulue.
Le mot de trop, la provocation assumée
A l’endroit de M. Bazoum président du Niger qui ne cesse de critiquer ouvertement la Transition
malienne, le Colonel Maïga laisse entendre crûment un mot de trop : « M. Bazoum n’est pas un
Nigérien, son comportement nous réconforte totalement dans notre constat». En insistant sur
«l’identité de M. Bazoum, l’étranger qui se réclame du Niger » en opposition au « peuple nigérien
frère du Mali » qui « se distingue par des valeurs sociétales, culturelles et religieuses très riches», le

Pm malien a résolument pris l’option de faire mal au président Bazoum. Un mélange explosif d’ironie
et de provocation pour clouer au pilori des « autorités françaises profondément anti-françaises pour
avoir renié les valeurs morales universelles et trahi le lourd héritage humaniste des philosophes des
lumières ». Comme pour faire un parallélisme des formes jusque dans les mots employés, Maïga
qualifie Macron et ses collaborateurs de « junte au service de l’obscurantisme, nostalgique de
pratique néocoloniale, condescendante, paternaliste et revancharde, qui a commandité et prémédité
des sanctions inédites, illégales, illégitimes et inhumaines de la Cedeao et de l’Uemoa contre le
Mali». Le mot « obscurantisme » répété quatre fois, parlant de la France, illustre une volonté de
montrer un certain courroux contre l’Hexagone « qui s’est rendue coupable d’instrumentalisation
des différends ethniques, en oubliant si vite sa responsabilité dans le génocide contre les Tutsis au
Rwanda, coupable également de tenter désespérément de diviser les maliens enfants d’une même
famille.

» Des accusations graves, précises, sans ambages qui en disent long sur l’état d’esprit
guerrier de Bamako. Une douce transition qui lie subtilement la « junte française » au président
ivoirien « respecté aîné, SE le Président Alassane Dramane Ouattara pour les sages et éclairés
conseils, qu’il nous a prodigués dans son allocution mémorable à cette 77ème session de l’Assemblée
Générale des Nations Unies ». On note ici l’ironie difficilement cachée. Une critique ferme
« diplomatiquement correcte ». Sans l’air d’y toucher, les explications imagées par rapport à la
troisième candidature est une attaque en règle contre Ouattara qui en est à son troisième mandat.
« .. nous prêterons une attention particulière au 3ème mandat qui ne sera pas possible», tient à dire
Maïga avant d’y aller avec des explications qui font sourire mais dont l’objectif est de toucher ceux
qui s’adonnent à cette pratique et d’atteindre une large cible. «Une manœuvre en 4 temps, en vue
de conserver le pouvoir pour lui seul et son clan », la référence à « une métaphore footballistique, le
3ème mandat est une magie, c’est l’art de se dribbler soi-même tout en gardant le ballon ». L’allusion
à « la triste histoire du chameau qui se moque de la bosse du dromadaire » sont autant de mots
utilisés pour mieux s’insurger contre Ouattara qui n’est pas en odeur de sainteté avec les dirigeants
de la transition. Nul ne peut aimer le Mali, plus que les Maliens, soutient le Premier ministre par
intérim qui cite Amadou Hampaté Ba donnant un conseil à son personnage Wangrin : « Si observer
est une qualité, savoir se taire préserve de la calamité ». Un message à la ministre française des
Affaires étrangères appelée « Mme le Ministre de la junte française ». Le Mali a pris la ferme
résolution de se rebiffer refusant ainsi de se faire humilier en plein jour.