CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM : En attendant les mêmes maux l’année prochaine
Dakar, sa banlieue proche et lointaine sont dans les eaux de pluie. Encore, devrait-on dire car, cette situation était prévisible au point que les populations redoutent particulièrement l’hivernage attendu avec beaucoup d’espoir et de lucidité dans les pays « normaux ». Le Sénégal est un pays spécial avec des populations assez spéciales qui prennent le risque d’aménager dans des zones à risques avérés et qui sont conscientes du danger qui les guette. Habiter tranquillement dans des lieux dénommés « Waqi naan » qui nécessite un seul geste de la main au sol pour atteindre une eau à boire, c’est le comble de l’insouciance. Occuper une zone dite de captage des eaux de pluie en toute tranquillité et espérer vivre tranquillement en parfaite harmonie avec des eaux furieuses jalouses de leur lit, c’est être d’un optimisme béat et d’une capacité de résignation extraordinaire à l’image de ceux de Khar Yallah, ce quartier populeux de Dakar où l’on attend Dieu avec une patience débordante. Un beau peuple ! O beau peuple qui a des dirigeants qu’il mérite si l’on observe bien la marche des choses depuis des décennies. L’irresponsabilité de nos gouvernants successifs est à l’origine de nos maux. Le pilotage-à-vue a conduit à une accumulation de manquements qui ont fini de tuer toutes les espérances. Si ceux qui sont censés mettre de l’ordre, encouragent le charivari, il est clair que c’est la catastrophe qui prend ses aises partout. C’est ce qu’on remarque aujourd’hui avec des difficultés rencontrées par les services qui doivent venir au chevet des populations ahuries. Des canaux d’évacuation des eaux bouchés, du matériel volé, du sabotage à grande échelle rendu possible par la frilosité d’autorités qui elles aussi montrent le mauvais exemple dans leur manière de gérer un pays dans lequel tout est prioritaire. Beaucoup d’argent a été dépensé inutilement pour venir à bout des désagréments. En réalité, cette manne financière a été mal utilisée, peu utilisée ou utilisée ailleurs à des fins ombrageuses à l’image des 750 milliards prévus par les nouveaux gouvernants de 2012. Si l’objectif était de mettre fin aux dysfonctionnements, c’est raté. Les milliards n’auront pas servi à grand-chose, ils n’auront pas permis de stopper la galère. Les mesures drastiques étaient attendues. Rien n’y fit. Ce qu’on vit actuellement était donc connu d’avance. Ici les douleurs sont audibles, elles s’expriment clairement. Ce sont de grandes douleurs qui ne sont pas muettes. Elles sont entonnées en chœur. Mais elles ne sont pas entendues. Elles sont ignorées royalement.
Face à ses propres turpitudes
Il y aura encore beaucoup de bruits. Peu de sérieux. Des mesures, des mesurettes pour gérer l’immédiateté, le factuel en attendant de laisser passer l’orage, la colère loquace qui sera suivie d’un calme relatif, en attendant les mêmes maux l’année prochaine. Ici, ça marche comme ça. Et c’est depuis le siècle dernier.
Pourtant, Macky Sall a dû faire face à certaines résistances au niveau de son parti avant la suppression du Sénat en 2012, pour mieux faire face aux inondations, disait-il. Sall avait pris la plus pertinente des options. Celle qui consiste à s’aliéner une partie de sa famille pour satisfaire la grande majorité qui avait clairement dit non au surplace. Depuis, beaucoup d’eau… de pluie a coulé sous les ponts. Des institutions budgétivores sans aucun impact positif sur le vécu des Sénégalais, ont remplacé un Sénat qui était beaucoup plus respectable. C’est le cas du Haut Conseil des Collectivités territoriales (Hcct) qui renouvelait ses membres hier dimanche jour d’élections anonymes.
Le Chef de l’Etat n’a hélas pas suivi sa bonne logique de 2012. Il n’a pas su se démarquer des petites chapelles, des coteries et défendre avec véhémence le grand ensemble qu’est le Sénégal. Aujourd’hui, il fait face à ses propres turpitudes. A la chèreté de la vie, aux hausses tous azimuts des denrées de première importance, à la conjoncture internationale, à la morosité ambiante, viennent s’ajouter des inondations avec leurs lots de drames et de conséquences néfastes sur des populations déjà frappées par la crise. Et cet état de fait va fatalement avoir des répercussions sur la situation politique actuelle aux sombres perspectives, pleine d’incertitudes. La nomination de Mamadou Badio Camara à la tête du Conseil constitutionnel n’est pas pour apaiser. Ce magistrat est si loin de faire l’unanimité. Il intrigue certains et irrite beaucoup. Même si sa compétence ne souffre d’aucune contestation, il traîne une réputation très peu reluisante de quelqu’un qui agit sous la dictée d’un président qui pose des actes qui font penser qu’il veut briguer un troisième mandat que la Constitution, ses engagements, le sens des responsabilités et de l’histoire lui interdisent.