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PARUTION DU LIVRE «DIPLOMATIE, VINGT ANS A LA PLACE» Mankeur Ndiaye parle de Wade, Diouf, Macky…

S’il y a un livre à lire rapidement et à archiver précieusement, c’est bien celui de plus de 300 pages produit par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye actuel président de l’itie. intitulé «Diplomatie, vingt ans à la Place», il fourmille d’informations sur la vie de l’auteur et sur la diplomatie sénégalaise de 1991 à nos jours. En fin diplomate et dans le style lisse qu’on lui connaît, Mankeur Ndiaye ne heurte personne et ne fait pas de révélations fracassantes. Avec «Paul» ou «Ndiol», les secrets restent bien «au secret». il parle avec aisance de Diouf, Wade, Niasse, Macky Sall et idrissa Seck. Quelques points bien placés de la vie d’un citoyen du monde, fortement et particulièrement marquée par Dagana, SaintLouis, Dakar et New York.

Né à Dagana le 15 mars 1960, Mankeur Ndiaye y obtient l’entrée en 6e et le Dfem au collège de la ville, avant de réussir au concours d’entrée à l’Ecole Normale Régionale de SaintLouis en 1978. Normalien instituteur, il sera, «craie en main», pendant six ans, à Goudoudé Diobé dans le département de Matam, village d’origine du journaliste de la RTS, Yoro Oumar Diallo, puis au collège Neuville de Saint-Louis.

VIEILLE AMITIE AVEC EL HADji kASSÉ

«La quasi-totalité des personnalités politiques séjournaient à Saint-Louis pour donner des conférences ou présider des réunions publiques d’information ou des meetings politiques. Je me rappelle avoir connu mon ami El Hadji Hamidou Kassé dans ces circonstances. Il était au lycée Charles de Gaulle et militait activement à And Jëf. Nous nous sommes rencontrés le matin du 1er mai 1979, devant l’entrée du cinéma le Rex, chacun ayant devant soi, entassées, les déclarations de son parti à l’occasion de la Fête Internationale du Travail. C’était une tradition pour les militants que nous étions que d’investir les différents lieux où se tenaient les meetings syndicaux de la Confédération Nationale des Travailleurs du Sénégal (Cnts). El Hadji s’est alors permis de jeter mes lots de déclarations et de me traiter de révisionniste, immédiatement, les coups fusèrent de part et d’autre. C’était l’expression concentrée d’un intégrisme politique et idéologique remarquable chez les jeunes militants de gauche. Depuis cet incident dont nous avons encore souvenance, nous sommes restés des amis, une amitié faite de complicité et de respect réciproque, avec l’idéologie en moins.» Mankeur Ndiaye était à l’époque pensionnaire de l’Ecole normale régionale de Saint-Louis et militant du Parti Africain de l’Indépendance-Sénégal (PAISénégal) dirigé dans la «semiclandestinité» par Seydou Cissokho, secondé par Thierno Amath Dansokho. «Le militant de gauche lisait beaucoup. Personnellement, j’ai lu les quarante-cinq tomes de Lénine publiés par les Editions Sociales et commercialisés par les Editions Sankhoré de Dakar, la quasi-totalité des productions de Karl Marx, y compris Le Capital qui est revenu à l’actualité, ces dernières années, à la faveur de la crise financière mondiale, les ouvrages de Frederich Engels comme AntiDühring, Dialectique de la nature, Matérialisme et Empiriocriticisme de Lénine. Certains d’entre nous avaient lu Anti-Dühring considéré comme une bible scientifique de haute facture, sans même savoir ou chercher à savoir ce que Dühring a écrit, qui il était ou s’il existait vraiment. L’on me révé- lera, plus tard, que Dühring n’a jamais existé.»

GRÈVE DE LA FAIM

«J’étais aussi dirigeant de grève, et la direction de l’Ecole n’avait rien à me reprocher dans les études. Je fis partie des initiateurs de la première grève de la faim à l’ENR, en 1979/1980. Nous nous étions tous rassemblés dans le foyer de l’Ecole, sans manger pendant 48 heures, et nous dormions à même les carreaux ou sur nos matelas ensemble, pour éviter que certains d’entre nous ne s’alimentent clandestinement dans leurs chambres. Avec nos propres piquets de grève, chacun avait tout le monde à l’œil. Il aura fallu de très longues négociations pour que la grève prît fin. J’étais déjà militant politique du PAI clandestin, j’allais aux réunions du parti, chez le camarade feu Iba Ndiaye Diadji, responsable de la section de Saint-Louis et dirigeant local du Syndicat Unique et Démocratique des Enseignants du Sénégal (SUDES) dont il deviendra le secrétaire général national, quelques années plus tard. Et chaque fois qu’il y avait des problèmes avec la direction de l’établissement, notre cellule politique de l’Ecole se rendait en ville pour écrire des tracts et les distribuer aux élèves ainsi qu’aux autorités de l’Ecole. Il m’est arrivé à maintes occasions, de prendre un tract écrit par notre cellule ou par la section PAI de Saint-Louis pour le remettre en mains propres au directeur des études. Je frappais à sa porte et je lui tendais le document bien que le tract ne lui fît point de cadeau. A la fin de la formation, l’on me révélera, plus tard, que les recommandations faites à mon égard, ou plutôt à mon encontre, n’étaient évidemment pas bonnes et je fus négativement sanctionné par une affectation dans le département de Matam, précisément au village appelé Goudoudé Diobé.» A l’ENR de Saint-Louis, il décroche outre le Brevet Supérieur d’Etudes normales (BSEN), le baccalauréat, «semi clandestinement», en candidat libre. Une chance qui lui permettra de s’inscrire à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Dakar tout en étant en formation à l’Ecole Normale Supérieure de Dakar comme normalien-instituteur. En octobre 1988, «par le hasard de l’année blanche et de la nécessité de changer de cap», comme il l’écrit, il se présente au concours professionnel d’entrée à l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) tout en craignant d’échouer du fait de son militantisme politique au Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT) et du tout-puissant d’alors Jean Collin. Il réussit avec brio à entrer à «l’école des préfets », comme disait sa mère Maïmouna Sall. Après une année en Tronc commun, il opte l’année d’après pour la section diplomatie avec comme camarades de promotion : Chérif Diagne, Khaly Adama Ndour et Oumar Demba Bâ (ODB) ou «Pibe Del Oro, sobriquet du talentueux footballeur argentin, Diego Maradona.» Surnommé «Paul» au collège par un professeur d’anglais, Mankeur devient «Ndiol» à l’ENAM du fait de ODB. A leur sortie en 1991, Mankeur sera naturellement affecté au ministère des Affaires Etrangères dirigé par Djibo Leïty Kâ. Deux ans après, il est nommé directeur de cabinet de Magatte Thiam, ministre délégué chargé de l’Intégration africaine puis ministre délégué chargé du Plan. Cette expérience prend fin en 1995 après l’éjection des ministres du PIT par le Président Abdou Diouf du gouvernement du Premier ministre Habib Thiam. Retour à la Place avant de quitter pour la représentation sénégalaise aux Nations Unies à New York en 1997. Il y revient en 2003 comme directeur de cabinet de Cheikh Tidiane Gadio et ne quittera la diplomatie qu’en 2017.

ADMIRATIF

Mankeur Ndiaye apprécie trop bien son ancien camarade de parti et ministre Magatte Thiam. «Magatte avait préféré rester dans sa maison personnelle. Ses fonctions ministérielles n’avaient nullement changé son mode de vie frugal et ses habitudes sobres, toujours disponible et ouvert à toutes les visites et sollicitations de gens du peuple. » (…) «Jamais, durant mes années de collaboration avec Magatte Thiam, il ne m’a demandé de reprendre mes activités militantes.»

MOUSTAPHA NIASSE, IDRISSA SECk ET MACkY SALL

«Je connaissais déjà le premier Premier ministre de l’Alternance pour avoir été, pendant deux années, membres de son cabinet à la Place. Plus tard, mes fonctions de directeur de cabinet de la Place me permirent de mieux connaître les 3e et 4e premiers ministres de l’Alternance, Idrissa Seck et Macky Sall. Je connaissais déjà Idrissa Seck pour avoir participé à des missions officielles avec lui, à Ottawa et à Taipei. Lors de notre rencontre à New York en 2001, il me le rappela, de même que lors de mon retour définitif à Dakar, en 2003, pour occuper la station de directeur de cabinet. Je savais et sentais qu’il aimait les bons esprits. Avec Macky, les contacts ont été plus directs et plus suivis, au plan purement professionnel, voire humain. Notre contact remonte à l’an 2000, à New York, quand il est venu parmi la délégation présidentielle au sommet du millénaire. A l’époque, il était chef de division à la société de pétrole du Sénégal, Pétrosen, une société dont il deviendra quelques années après, le directeur général, avant d’être nommé ministre de l’Energie puis de l’Intérieur, et de devenir le 4e Premier ministre sous le régime du Président Wade. J’eus, après eux, le bonheur de travailler avec leurs successeurs, Cheikh Aguibou Soumaré que je connaissais déjà depuis les années 90 pour avoir travaillé avec lui au ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, lui comme directeur de cabinet du Budget et moi comme directeur de cabinet du ministre délégué à la Planification, et Souleymane Ndéné Ndiaye avec qui j’ai beaucoup collaboré quand il occupait les fonctions de directeur de cabinet du président de la République.» Mankeur, Paul ou Ndiol, aborde dans son livre, deux questions de fond : la nécessaire réforme de la formation des hauts cadres de l’Etat à l’ENA et la place de l’Afrique dans le Conseil de sécurité des Nations Unies. Questions ouvertes.

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