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CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM : De grands pas en arrière 

Le Sénégal qui recule de 24 places par rapport à la liberté de la presse, selon Reporters Sans Frontières (Rsf). Des pas de géants vers le bas. Une mauvaise nouvelle pour une démocratie qui subit les turpitudes de ses acteurs. 

Le pouvoir actuel est responsable au premier chef. Il y a certes une volonté de « mettre de l’ordre » dans un secteur en plein bouleversement, mais le président de la République se hâte lentement pour promulguer un code de la presse défiguré par des  décrets d’application liberticides. Il y a de véritables soucis si  des journalistes risquent jusqu’à deux ans de prison pour  diffamation ou trois ans pour la publication de « nouvelles fausses » susceptibles de « porter atteinte au moral de population » ou de « jeter le discrédit sur les institutions publiques ».

La  « presse foisonnante » du Sénégal  soulignée par Rsf, est  une suite logique des ces raisons structurelles du drame de la presse de chez nous. Une sorte d’abondance qui nuit plus qu’elle ne serve. Un laisser-aller constaté ici et là qui jette un discrédit dans un secteur déjà mal en point.

Mais les véritables causes de cette dégringolade sont  plutôt conjecturelles. L’année 2021 a été particulièrement noire pour la presse sénégalaise. Elle n’a pas brillé. Elle a été brimée. Lors des événements de février-mars 2021, deux chaînes de télévision Walf Tv et Sen Tv ont été suspendues 72 heures durant sous le  prétexte fallacieux qu’elles ont   diffusé « en boucle » les images des troubles provoqués par l’arrestation du principal opposant au pouvoir, Ousmane Sonko. 

Le Conseil national pour la régulation de l’audiovisuel (Cnra) sanctionnait ainsi une « diffusion de contenus faisant explicitement ou implicitement l’apologie de la violence, incitant à des troubles à l’ordre public ou de nature à constituer une menace sur la stabilité nationale ou la cohésion sociale ». Avant une telle mesure disproportionnée, la presse avait été interdite de couvrir la levée de l’immunité parlementaire du député accusé de viol sur une fille de 21 ans. Dans cette même période sombre, des médias ont été attaqués par des manifestants irresponsables. Et jusqu’ici les responsabilités ne sont pas situées, les sanctions ne sont pas prises. Ce qui expose davantage les journalistes à tous les excès. Les autorités judiciaires n’ont manifestement pas jugé nécessaire de donner une suite logique à ces dérapages graves. Le préfet de Dakar qui avait demandé dans des moments de furie, de « gazer » les reporters venus suivre le cortège de Sonko menant au tribunal, n’avait-il pas attisé les inimitiés ? La réponse ne peut être qu’affirmative.  La presse sénégalaise s’enfonce dans un contexte marqué par des fake news, « des rumeurs, de la propagande et de la désinformation ». Si ces fléaux sont soulignés par Rsf, c’est dans le but de montrer qu’ils contribuent « à affaiblir le journalisme et l’accès à une information de qualité ». 

Limites de combats…

Le président de la République Macky Sall qui a évoqué la pléthore de journaux et de sites au Sénégal, s’engage aussi à « réguler les réseaux sociaux ». Un combat qui le tient au cœur. C’est du moins ce que dévoilent ses sempiternelles sorties médiatiques pour s’insurger contre des « insulteurs » et des « oisifs errants » . La question est de savoir comment procéder sans blesser davantage une liberté d’expression qui nourrit la démocratique. N’est-il pas plus indiqué de veiller au respect de la loi qui gouverne tous les pays organisés au lieu de vouloir gérer les choses de manière expéditive ?

Un président qui veille au respect strict de la loi. Ça ne devrait pas être l’objet d’un débat. C’est une posture qui entre dans le cadre de la marche normale d’un pays organisé. Si les réactions de Macky Sall sur  les nominations des « certains maires » ont autant de bruits, c’est d’abord parce qu’elles sont dirigées contre ses opposants et particulièrement à Barthélémy Diaz qui a réussi à s’imposer à la mairie de Dakar en battant le candidat du pouvoir.  Diaz qui a récemment nommé le Capitaine Seydina Oumar Touré et Guy Marius Sagna deux « têtes brûlées » est manifestement dans le viseur du pouvoir, écrivions-nous. Sall devrait se réajuster avant de  donner des leçons sur  le choix des personnes ? N’a-t-il pas nommé comme ministre de l’Enseignement supérieur un  ancien directeur épinglé par des corps de contrôle ? N’a-t-il pas fait appel à une ancienne ministre de Wade au cœur d’un rapport retentissant de l’Agence de régulation des marchés publics (Armp) ? Cette dame qui traîne encore le sobriquet de « Awa kuddu » tellement elle avait chèrement payé ses ustensiles alors qu’elle était à la tête du département de la Famille et des femmes. D’autres nominations en haut lieu surtout pour des personnalités alors poursuivies par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), prennent le contre-pied de la  nouvelle posture présidentielle.   Enfin, c’est un secret de Polichinelle que d’affirmer que le clientélisme a fini de mettre à genou beaucoup de sociétés nationales. La Poste en est une parfaite illustration.

Cette société nationale est dans le creux de la vague à cause d’une gestion catastrophique et surtout du fait de recrutements largement basés sur des considérations partisanes au détriment de la qualité et des compétences.  La Poste n’est qu’un contre…exemple parmi tant d’autres. 

L’INFO