LA CHRONIQUE HEBDOMADAIRE DE MLD : Economie de la crise…
Cette pénurie de kérosène tuée dans l’œuf participe visiblement de ce que nous appelons trivialement l’économie de la crise. En réalité la crise profite à quelques privilégiés qui en profitent surtout que ce milieu complexe des hydrocarbures est infesté de traders et autres intermédiaires douteux qui font très souvent monter les enchères. In fine, ce qui compte le plus pour les 17 millions de consommateurs sénégalais, c’est que les pouvoirs publics assurent leur rôle de veille et d’organisation du sous-secteur de l’énergie afin que le gasoil, le super, l’essence-pirogue soient disponibles. Idem pour le kérosène (autrement appelé jet fuel) pour les compagnies aériennes. Dans cette affaire qui a récemment défrayé la chronique, l’Etat du Sénégal a visiblement repris la main malgré la tension internationbale pour un approvisionnement correct en jet des 26 compagnies aériennes concernées. Comme par magie, la société nationale Petrosen a pu dégotter une cargaison de kérosène pour satisfaire la forte demande des compagnies et extirper par la même occasion une grosse épine des pieds des responsables nationaux en charge de l’énergie. Malgré la guerre en Ukraine et la tension sur la disponibilité de ces produits stratégiques à l’international, il semble qu’il ya eu aussi de sérieux problèmes d’anticipation surtout que « gouverner, c’est prévoir.
» Pis, le Sénégal est jusque-là le seul pays de la sous-région où les professionnels des hydrocarbures ont lancé une telle alerte. Donc il y’a anguille sous roche ! Heureusement que pour le carburant destiné aux véhicules, des navires de la Société africaine de raffinage (Sar) de Total Energies et d’autres acteurs débarquent depuis mercredi 20 avril 2022 au Port de Dakar avec des chargements importants de gasoil. Les populations ont eu quelques frayeurs d’autant que plusieurs Stations –service situées aux abords des Almadies et même de l’intérieur du pays ont été assiégées ce jeudi…Le ministre de l’énergie et du pétrole avait pris les devants en estimant qu’il ne s’agit pas d’une pénurie de carburant, mettant en cause …les embouteillages qui ne faciliteraient pas la tâche aux chauffeurs de camions –citernes préposés au ravitaillement des essenceries. Ce qui reste constant, c’est qu’il ya depuis quelques semaines des dysfonctionnements notoires dans la distribution du super, du gas- oil et même de l’essence- pirogue.
Une Sar new-look à restructurer malgré tout… En tout état de cause, l’alerte sonnée le week-end dernier par la société privée SMCADY est loin d’être fortuite en ce qu’elle traduit un malaise profond vécu par les professionnels des hydrocarbures depuis le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. L’arrêt technique de la Sar depuis plus de quatre mois a sensiblement aggravé la situation pour corser l’addition. Ce qui est intéressant dans l’affaire, c’est que ce semblant de crise a été un mal pour un bien. Les plus hautes autorités de la République ont été secouées. Une bonne nouvelle est tombée sur ces entrefaites : Sur injonction pressante de l’Etat, la Sar va recommencer à produire du jet (kérosène) ce qu’elle avait cessé de faire depuis trois ans. Avec cette nouvelle donne, il y’aura sûrement moins de pression et de tensions dans le sous-secteur.
Mieux, le Sénégal disposera d’une Sar new-look et les problèmes logistiques seront résolus. La Sar devrait désormais assurer entre 60 et 70 % des besoins nationaux (gas-oil, super, kérosène…) à son redémarrage à la fin du mois d’avril 2022 car elle a fortement accru ses capacités de production d’au moins 30%. Autrement dit elle a mis à profit cet arrêt technique de routine pour améliorer ses capacités techniques. Cette crise nous enseigne par ailleurs que cette société doit faire l’objet d’une profonde restructuration afin qu’elle puisse faire sa mue pour devenir enfin un outil stratégique de souveraineté énergétique. C’était d’ailleurs toute l’ambition du regretté Président du conseil Mamadou Dia à sa création en 1961. Le Premier Maodo était convaincu que le Sénégal devrait aspirer à l’indépendance économique, ce qui l’a du reste conduit à créer la Société africaine de raffinage et d’orienter la grande industrie vers la transformation de nos ressources locales Soixante et un ans après, il semble que nous n’avons pas atteint ce noble objectif…Ce qui est quand même désespérant ! Tout compte fait cette sérieuse alerte relative à l’indisponibilité passagère du kérosène remet en lumière la nécessité absolue d’une vision claire nette et précise sur le caractère indispensable des souverainetés énergétique, alimentaire et pharmaceutique. Ce triptyque adossé à une meilleure prise en charge des questions éducatives reste indubitablement la voie du salut pour le Sénégal. Sinon, cette quête irrésolue d’émergence restera ad vitam aeternam un slogan creux, un vœu pieux qui ne trompera personne.
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