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ME SEYE ECLAIRE SUR LA FUITE DES AUDIOS ENTRE MAMOUR DIALLO ET ADJI SARR

«Ce n’est pas une preuve tangible devant le tribunal mais c’est des faits qui peuvent influencer l’opinion»

Me Ousmane Sèye a estimé que les audios issus de la conversation présumée entre Mamour Diallo et Adji Sarr ne pourraient pas avoir d’incidence sur le procès entre l’ex-masseuse de Sweet Beauté et Ousmane Sonko. Appréciant leur force probante, il est d’avis que c’est un moyen qui ne rentre pas dans «les modes de preuve déterminés par la loi» en matière pénale.«D’une manière générale, les audios, ce n’est pas une preuve tangible devant le tribunal mais c’est des faits qui peuvent influencer l’opinion», déclare maître Ousmane Sèye, qui souligne :

«Et, vous savez que la justice est rendue au nom du peuple sénégalais. La conséquence est que, des fois, quand les juges rendent leur verdict, l’opinion ne se retrouve pas dans ce verdict parce que l’opinion est déjà influencée.»A la lumière de cette explication, les audios en tant que tels ne peuvent donc pas avoir d’incidence sur le procès. «Vous savez, les modes de preuve sont déterminés par la loi. En matière pénale, les moyens de preuve, ce sont les pièces, les témoignages et après il y a l’intime conviction du juge. Et, il faut que les pièces, les déclarations des témoins soient débattues publiquement en audience, sauf décision du juge qui peut ordonner le huis clos dans certaines conditions», rappelle-t-il tirant la conséquence : «Donc, les audios n’ont pas une force probante mais peuvent, comme ce n’est pas contrôlé – les gens disent n’importe quoi –, influencer surtout les naïfs et, d’une manière générale, l’opinion. Et, l’opinion se fait déjà une idée de la justice avant que le juge ne rende la décision. Et, quand la décision du juge n’est pas conforme à la perception qu’avait l’opinion, il y a problème. On dit que la justice n’est pas bien rendue, il y a deux poids deux mesures. Or, la justice fonctionne sur la base de règles précises. Les audios ne respectent pas ces règles.»«Aujourd’hui, la justice est décriée mais il faut croire qu’on doit d’abord réglementer l’environnement de la justice… et la régulation des audios (en) fait quand même partie»Ce pourrait être, semble-t-il dire, une dérive de plus émanant des réseaux sociaux.

«Et, cela n’est pas bien dans le cadre d’une bonne distribution de la justice», déplore Me Sèye appelant les autorités à tout faire pour réglementer les réseaux sociaux. «Vraiment, il a urgence à réglementer les réseaux sociaux comme il y a urgence aussi à réglementer les programmes des radios et des télévisions. Parce que ce qui se passe, on sait qu’il y a la différence entre les animateurs et les journalistes, par exemple, quand on permet à des personnes qui ne sont pas spécialisées dans certains domaines de prendre le micro pendant des heures et de dire des choses qu’elles ne maîtrisent pas, de dire des contre-vérités, des fois même de procéder à des règlements de comptes ; qui sont écoutées par des milliers et des milliers de personnes dont la moitié sont des jeunes, cela peut influencer l’opinion d’une bonne partie», explique-t-il.«Aujourd’hui, on se rend compte que les gens préfèrent utiliser des audios que de saisir la justice. C’est grave ! Il faut que l’autorité, quand même, régule les réseaux sociaux, les programmes des radios et les programmes des télévisions», insiste-t-il.

«Aujourd’hui, la justice est décriée mais il faut croire qu’on doit d’abord réglementer l’environnement de la justice, le contexte dans lequel la justice est rendue et la régulation des audios fait quand même partie de l’assainissement de l’environnement dans lequel la justice est rendue.»«Aucun Etat ne peut se développer dans le désordre. Or, au Sénégal, il faut oser le dire, c’est le désordre qui est la règle, la discipline l’exception»La fuite des audios peut alors être envisagée comme une stratégie dans la bataille d’opinion. «Je vous ai déjà dit que la justice a ses règles. En matière pénale, il y a l’enquête, l’instruction des faits. Cette enquête ou cette information est secrète. On n’a pas le droit de divulguer le secret de l’enquête. J’en profite pour appeler l’autorité à protéger davantage le secret de l’enquête, à sanctionner d’une manière expresse ceux qui violent le secret de l’enquête», suggère Me Sèye, qui estime :

«Si maintenant dès l’instruction, dès l’enquête le secret est violé, les procès-verbaux se retrouvent dans la rue, sont interprétés comme on veut par l’opinion, il n’y a plus de justice parce que c’est un tout. Quand le secret de l’enquête est violé, on ne dit absolument rien jusqu’au jugement, la conséquence de la violation des règles qui gouvernent la justice a des conséquences sur le verdict rendu par la justice.»Ainsi, Me Ousmane Sèye martèle : «Il faut qu’on se ressaisisse, il faut qu’on fasse appliquer les règles. Que ça soit dans la justice, au niveau de l’administration, au niveau des médias, il faut que les règles soient rétablies parce qu’on ne peut pas se permettre certaines choses dans un Etat organisé.» Et de condamner : «Souvent, j’entends des déclarations faites par des personnes à travers des médias, à travers les réseaux sociaux. On devrait convoquer ces personnes qui font de telles déclarations pour qu’elles s’expliquent. On ne peut pas faire n’importe qu’elle déclaration mais on laisse faire. Et, qui est-ce qui en pâtit ?

C’est la justice. Ses décisions sont décriées parce que l’opinion ne comprend pas les règles qui gouvernent la distribution de la justice.»Selon lui, «tout ça c’est du laisser aller au nom de la démocratie mais la démocratie a ses exigences. La démocratie, ce n’est pas tout dire, tout faire, aller partout, marcher partout, revendiquer partout. Si vous prenez l’exemple des puissances qui se sont développées, ces Etats se sont développés dans la discipline. Aucun Etat ne peut se développer dans le désordre. Or, au Sénégal, il faut oser le dire, c’est le désordre qui est la règle, la discipline l’exception».CONTENU DES AUDIOS MAMOUR DIALLO/ADJI SARRMe Karl Pape évoque une «subornation de témoin»Docteur Papa Djibril Kanté, alias Me Karl Pape, s’est attelé à qualifier juridiquement les faits reprochés à monsieur Mamour Diallo dans la conversation qui lui est attribuée avec l’ex-masseuse Adji Sarr, qui poursuit Ousmane Sonko devant la justice pour viols répétés et menaces de mort. «On m’a demandé ce qu’encourt Mamour Diallo suite au contenu de sa discussion avec Adji Sarr. Pour le bénéfice de tout le monde, c’est ce qu’on appelle subornation de témoin»,

affirme maître Papa Djibril Kanté, qui cite l’article 359 du Code pénal assimilant comme tel «quiconque, soit au cours d’une procédure et en tout état de cause, soit en toute matière en vue d’une demande ou d’une défense en justice, aura usé de promesses, offres ou présents, de pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou artifices pour déterminer autrui à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère».Selon l’avocat inscrit au Barreau du Québec/Canada, «que cette subornation ait ou non produit son effet», la sanction est «un emprisonnement d’un à trois ans et d’une amende de 50.000 à 500.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement, sans préjudice des peines plus fortes prévues aux articles précédents, s’il est complice d’un faux témoignage qualifié crime ou délit», indique-t-il, invitant à lire «utilement les autres articles en lien sur le faux témoignage en matière criminelle et la dénonciation calomnieuse, de 355 à 359 C.P.»Par ailleurs, Me Karl Pape estime «que les avocats d’un accusé ne sont pas obligés de rester dans l’expectative pour attendre des actes d’instruction de la part du juge, ils peuvent demander prendre tout élément que celui-ci omet, la Chambre d’accusation contrôle le cas échéant».

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