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CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM :Pour Ndatté Diop ! 

Tous les mois, tous les jours, toutes les minutes, tous les instants, sont faits de joie et de malheur. De tristesse et de mélancolie. De vie et de mort. De réveil et de sommeil. De lumière et d’ombre. De revers et d’envers. Mars est un mois triste pour le Sénégal. Parmi son lot de tristesse, le décès de notre confrère du Groupe Futurs médias (Gfm) Ndatté Diop. Un journaliste émérite au sens réel du terme qui a su pratiquer longtemps durant, un métier si compliqué dans les règles de l’art sans enfreindre les codes de  conduite qui  gouvernent une profession passionnante et exposée à tous les excès, à toutes les critiques fondées et peu fondées. Le journaliste de la Rfm a marqué de son empreinte la presse. Correspondant à Thiés, il s’est singularisé par ses reportages sur le terrain au-delà du factuel et des événements organisés. Du pur journalisme donc aux antipodes des « trains qui arrivent à l’heure ». A Dakar, il a été à la hauteur de la tâche. Des présentations d’éditions dans la simplicité, sans grandiloquence, sans être familier ni vulgaire. Ses émissions, ses interviews, ont été de grands moments de journalisme, de professionnalisme.  De la mesure et une application rigoureuse des techniques apprises. La recherche de l’information, de la bonne information sans chercher à nuire ou à réduire  l’interviewé à sa plus simple expression ou à l’humilier,  comme le témoigne si magistralement la grande journaliste  Diatou Cissé. 

 El Hadji Ndatté Diop était bon. Une  grande courtoisie. Il était d’une pondération, d’une bienveillance sans commune mesure.  Un homme qui a lutté dignement contre la maladie. Une détermination qui était son cheval de bataille. Sa marque de fabrique qui lui a permis de gravir les échelons, de se parfaire dans l’humilité. Qu’il repose en paix.  

Maguette Wade, Thione Seck…

Le décès de Maguette Wade est une lourde perte. L’énigmatique animateur de « Télé variétés » sur l’Office national de la Radiodiffusion du Sénégal (Orts) devenu Radio télévision sénégalaise (Rts),  a ajouté sa pierre précieuse dans l’édification des médias. Il a marqué tant de générations de Sénégalais, aidé à faire connaître tant d’artistes au-delà même du Sénégal, beaucoup participé à l’intégration africaine par la musique. Il avait une haute idée de son travail. Rigueur et sérieux en bandoulière, il innovait pour satisfaire son public. Il aimait le spectacle organisé. Il était tout simplement lui-même spectacle. Paix à son âme.

Mars, le 14. Il y a un an disparaissait Thione Ballago Seck. Thione  chantait bien. Il chantait juste. Il chantait utile. Il chantait agréable. Il chantait l’amour, la vie, car, pour lui, tout ce qui n’est pas utile, tout ce qui n’est pas agréable est futile. Il s’était fixé cette ligne de conduite dès les premiers pas de sa riche carrière qui a débuté dans les années 1970 avec l’Orchestra Baobab, avant la création vers 1980 de son groupe, le « Raam Daan », avons-nous écrit dans « Billets de salon »

 Son  répertoire constitue une bibliothèque de messages instructifs allant des appels au courage, à la dignité, au dévouement, au respect dû à autrui, à l’autre qui est « plus important que moi-même ». Cette réputation de parolier à cheval sur les principes moraux, il l’irrigue d’une voix qui savait épouser toutes les émotions. Du rythme et des rimes. De la métaphore à l’emphase. Jamais de mots mal placés. Jamais de mots déplacés. Jamais de gros mots. Toujours le verbe bien choisi. De la mesure, dans la franchise. De l’humour. Une bonne tenue. Thione Ballago Seck était sans doute un « seigneur » du Mbàllax. Papa Thione, comme on l’appelait non sans amabilité, a su maintenir haut le flambeau de l’orthodoxie musicale et n’a jamais voulu entrer dans le simplisme ambiant avec son lot de bling bling et de buzz. 

Ses dernières années ont toutefois été marquées par une longue procédure judiciaire avec la fameuse histoire de faux billets, une détention provisoire de neuf mois en 2015 et l’annulation de toute la procédure par la Cour suprême, quelques jours avant sa disparition. Un signe du destin ? Certainement, pour quelqu’un qui évoquait Dieu tel un leitmotiv dans sa vie musicale et sa vie tout court.  Paix à son âme.

Mars 2021 a été un mois éprouvant pour notre pays. 13 morts inhérents à des manifestations qui ont suivi les accusations de viol  contre l’opposant Ousmane Sonko. Des jeunes qui sont passés de vie à trépas, des vies perdues. A la fleur de l’âge. Une commission d’enquête a été mise en place. Des exigences sur la table. Aujourd’hui, rien ne bouge. Le dossier est au point mort. Peu d’espoir pour que des actes soient posés afin de mettre la lumière sur cette affaire. Encore des morts par pertes et profits ? Tout l’indique. Ici, nous sommes habitués à enterrer définitivement les dossiers macabres,  sans aucune forme de procès. Pourtant, on aimerait bien que justice soit rendue à ces jeunes concitoyens. Qu’ils reposent en paix. 

MAME GOR NGOM