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CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM :  Évitons de tenter…Satan 2 en Ukraine 

POINT DE VUE : La guerre enclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine est une « folie » brutale causée en grande partie pour des visées expansionnistes contre une volonté de l’Alliance Atlantique Nord (Otan) d’étendre ses tentacules pour des raisons évidentes de survie économique et stratégique. 

Deux camps qui se regardent en chiens de faïence depuis longtemps. En franchissant le Rubicon, la Russie s’expose devant un monde qui s’indigne naturellement des agressions, des tueries, des tirs qui font fuir des innocents, des cruautés qui sèment la désolation, l’humain est humilié, l’humanité est souffrante. 

Comment arrêter ce massacre ? Comment arrêter Vladimir Poutine ? Des questions redoutables dans un lourd contexte. S’il est établi que seul le pouvoir arrête le pouvoir, il est tout aussi clair qu’agir avec intelligence demeure la voie royale pour s’en sortir. D’où la clairvoyance de cette intervention de Dominique de Villepin sur la chaîne publique France 2. 

« N’oublions les souffrances qu’a connues le peuple irakien ; , la souffrance qu’a connue le peuple libyen ; n’oublions pas les souffrances que nous avons infligées par des interventions militaires sans issue ! », a prévenu l’ex-ministre des Affaires étrangères de la France pour qui  la voie diplomatique est  à privilégier. Et d’ajouter : « Face à un adversaire très déterminé, on ne fait pas de la boxe, on fait du judo », citant ainsi l’ex-président Jacques Chirac. Une réplique à son co-débatteur le philosophe Bernard Henri Levy, conseiller sulfureux de Nicolas Sarkozy qui est à l’origine de l’envahissement de la Lybie et de la mort de Mouhamar Khadafi. Constance dans le discours d’un grand diplomate, courageux et d’une telle sérénité.

Nous sommes à New York le 14 février 2003.  Villepin prononce un discours historique devant le Conseil de sécurité de l’ONU contre la guerre en Irak décidée par Georges Bush Junior notamment.

« Personne ne peut donc affirmer aujourd’hui que le chemin de la guerre sera plus court que celui des inspections. Personne ne peut affirmer non plus qu’il pourrait déboucher sur un monde plus sûr, plus juste et plus stable. », martelait-il. « La guerre est toujours la sanction d’un échec », poursuivait le chef de la diplomatie française d’alors. 

« Serait-ce notre seul recours face aux nombreux défis actuels ? Donnons par conséquent aux inspecteurs des Nations Unies le temps nécessaire à la réussite de leur mission », avait-il soutenu avant de déclarer avec énergie que l’usage de la force ne se justifie pas aujourd’hui. « Il y a une alternative à la guerre : désarmer l’Irak par les inspections. De plus, un recours prématuré à l’option militaire serait lourd de conséquences.

L’autorité de notre action repose aujourd’hui sur l’unité de la communauté internationale. Une intervention militaire prématurée remettrait en cause cette unité, ce qui lui enlèverait sa légitimité et, dans la durée, son efficacité. » Il voyait venir le danger. La décrépitude notée dans cette région prise d’assaut par des terroristes et des bandits de toutes sortes. 

Un monde averti en vaut plusieurs

« Une telle intervention pourrait avoir des conséquences incalculables pour la stabilité de cette région meurtrie et fragile. Elle renforcerait le sentiment d’injustice, aggraverait les tensions et risquerait d’ouvrir la voie à d’autres conflits », prédisait-il. Revisitons ses questionnements : En quoi la nature et l’ampleur de la menace justifient-elles le recours immédiat à la force ? Comment faire en sorte que les risques considérables d’une telle intervention puissent être réellement maîtrisés ? Des interrogations qui collent parfaitement au contexte actuel. Dans une telle éventualité, c’est bien l’unité de la communauté internationale qui serait la garantie de son efficacité. De même, ce sont bien les Nations Unies qui resteront demain, quoi qu’il arrive, au cœur de la paix à construire, arguait-il. Les faits lui ont donné raison. Les Occidentaux n’ont tiré aucune leçon des mésaventures en Irak. La Lybie a été un désastre. Son effondrement est à l’origine de tous les maux qui hantent ce pays et qui ont désagrégé le Sahel avec des bandes armées organisées et cruellement engagées à semer le désordre, la désolation.  

Face à la Russie et à Poutine, il faudrait donc agir avec diplomatie tout en étant ferme afin d’empêcher d’aggraver les drames. Certes, les sanctions au plan financier ne sont pas si efficaces face à un homme qui a su opérer une « autonomisation » de son pays pour résister -la dette publique de Russie étant auto-détenue à 80 %- mais à moyen terme, il lui sera difficile de tenir le coup.

Mieux vaut donc utiliser la méthode douce avec des armes de dissuasion efficaces que de s’aventurer dans une opération hasardeuse aux conséquences incalculables. Surtout contre un maître du Kremlin fougueux et prêt « pour ceux qui seraient tentés d’intervenir. », à répondre « immédiatement et vous aurez des conséquences que vous n’avez encore jamais connues. »

Une éventualité pour utiliser l’arme nucléaire ? Il faut éviter de tenter le diable, Satan 2, du nom de ce missile nucléaire qui serait le plus puissant jamais conçu, et « aucune technologie de défense antimissile ne serait en mesure de l’arrêter ». Un monde plusieurs fois averti…

MAME GOR NGOM