MATAR BA, TETE DE LISTE BBY A FATICK : ‘’On combattra «And Nawlé» comme on combat Yewwi askan wi’’
C’est un Matar Ba assez taquin qui nous a reçu hier dans ses quartiers sis à la zone B à Dakar. Entouré de ses proches collaborateurs, le maire sortant de Fatick, tout de blanc vêtu, se montre accueillant et hospitalier. Mais entré dans le vif du sujet, l’actuel ministre des Sports montre toute sa fermeté et sa détermination à livrer un combat de gladiateur contre tous ceux qui veulent se dresser sur le chemin du président de la République dans la course aux locales, y compris leurs camarades de ‘’Andu Nawlé’’. ‘’On les combattra comme on combat Yewwi askan wi’’, fulmine-t-il. Outre les locales et ses enjeux, le poulain de Macky Sall se prononce dans cet entretien avec l’Info sur l’escalade de violence qui sévit dans le landerneau politique.
Vous êtes responsables politique et maires, quels sont à votre niveau, les enjeux des élections locales de janvier 2022 ?
La politique restera toujours la politique surtout dans les périodes de compétition électorale. Tous les jours, on mène des combats d’enjeu et de principe. Et les élections locales de 2022 sont extrêmement importantes. C’est pourquoi toutes les coalitions se battent tous les jours pour mettre les atouts de leur coté pour pouvoir remporter ces compétitions électorales. Toute compétition électorale a des enjeux et des incidences sur ce qui va suivre, c’est-à-dire le futur de notre vie politique. C’est pourquoi nous ne négligeons rien du tout. On aborde ces élections avec beaucoup d’ambitions, beaucoup de détermination et beaucoup de réalisme bien sûr. Toutefois, il faut relever que ces joutes de 2022 ne sont pas nos premières élections, en tant que maire. En 2014, nous avions aussi été choisi tête de liste, mandataire de la coalition Benno bokk yaakaar et de notre parti l’Alliance pour la République. Nous sommes sortis victorieux de cette compétition électorale. En ce moment, on se prépare pour les élections de 2022 qu’on va aborder avec beaucoup plus de détermination.
Entre 2014 et maintenant, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Aujourd’hui vous faites face à une liste parallèle née des flancs de votre coalition.
Vous vous trompez. En 2014, il y avait ‘’And défar Fatick’’ conduite à l’époque par des responsables même de l’Apr et d’autres qui pensaient qu’ils ne devaient pas suivre les instructions du chef de l’Etat. Donc ce n’est pas nouveau.
Sauf que cette fois ci, ce sont des responsables et pas des moindres !
Oui, vous savez, le titre ne justifie pas la posture de leader. Être un PCA ou un député ne veut pas dire être un leader. Il y a des gens qui sont beaucoup plus populaires et beaucoup plus responsables mais qui n’ont pas de décret ou d’arrêté. Il ne faut pas que les gens se trompent. Nous les intellectuels on pense que quand on est nommé, on est le patron de tous. Ça ne se passe pas comme ça. Moi je préfère faire de la politique en me basant sur la réalité et non sur le tintamarre que les gens font.
Cette guerre ‘’apéro-apériste’’ ne risque-t-elle pas de vous perdre à Fatick ?
Il n’y a rien de nouveau sous le ciel sénégalais. Avec le Ps il y avait ça, avec le Pds aussi. Avec l’Apr, on est en train de le vivre. Heureusement que dans notre parti, les hommes loyaux et les femmes pétries de loyauté restent soudés et engagés pour accompagner les choix du chef de l’Etat. A Fatick, la particularité c’est que c’est la ville du chef de l’Etat. C’est pourquoi on parle de liste et tout le monde en parle. Mais en réalité, il n’y a pas d’impact extraordinaire sur la base du chef de l’Etat, parce que c’est sa base naturelle. Les Fatickois sont avec le Président Macky Sall et non avec un autre.
Cette liste est composée par des responsables de l’Apr. Et le Président depuis la France, a déclaré avoir parrainé certaines listes parallèles. Celle-ci en fait-elle partie ?
Le Président ne s’est pas limité à dire ça. Il a cité même des localités. Mais logique pour logique, pensez-vous que le chef de l’Etat, chez lui où il n’y a presque pas d’opposition, va parrainer une autre liste ? Ça n’a pas de sens. Ceux qui sont à Fatick, c’est des responsables, entre guillemets parce que tout le monde n’est pas responsable. Parce qu’un responsable politique, c’est quelqu’un qui a une base politique. Mais des gens qui disparaissent pendant huit ans et qui reviennent pour se targuer d’être des responsables, c’est possible, parce que c’est leur ambition personnelle. Mais ce n’est pas la réalité du terrain. Nous, nous les considérons comme des gens qui combattent la liste du chef de l’Etat. C’est ça la posture qu’on a. il n’y aura pas de répit, ni de retenue. On les combattra comme on combat Yewwi askan wi.
Cette liste parallèle n’est-elle pas une forme de contestation de votre leadership au niveau de Fatick ?
Il n’y a pas une commune où il n’y a pas de contestation de leadership. Il suffit maintenant de prendre son téléphone, d’aller sur Facebook, d’avoir deux amis pour dire que je ne suis pas d’accord. Vous les journalistes, c’est à vous de nous dire. Parce qu’au-delà de votre métier de journaliste, vous êtes des hommes de terrain. Vous pouvez tâter le pouls de toutes les communes, vous ne verrez pas quelqu’un qui fait l’unanimité. Dieu même ne fait pas l’unanimité même s’il pouvait nous l’imposer. Il y en a toujours certains qui sont toujours contre.
Qu’en est-il de la discipline de parti alors ?
La discipline de parti devait s’imposer à tout le monde. Mais il y en a qui ne pensent même pas à cette discipline de parti. En temps normal même ils ne sont pas dans cette dynamique. Mais il y a pire que ça. Je pense que la loyauté est une vertu que chaque personne devrait cultiver tous les jours. Quand on est avec quelqu’un qui vous met dans des conditions qui vous permettent de mobiliser les populations pour élargir sa base, vous ne pouvez pas utiliser cette posture pour casser le choix qu’il a fait. C’est inadmissible qu’à Fatick, que quelqu’un qui a bénéficié d’un arrêté ou d’un décret, puisse être là à redire des choix du chef de l’Etat. Au nom de quoi ? De l’ambition personnelle. Qu’est-ce qu’on peut reprocher à un maire ? C’est de ne pas prendre en charge correctement les neuf compétences transférées. On ne peut pas reprocher à un maire, je suis au regret de le dire, de ne pas prendre les dossiers des uns et des autres pour les amener au chef de l’Etat. Nous avons écouté, nous avons suivi des émissions, ce qu’on reproche au maire, c’est d’être trop social, de ne pas prendre leurs cv et de les amener au chef de l’Etat. Ça, ce n’est pas digne d’un responsable. Parce que si on pense aux populations, on doit se battre tous les jours pour être aux cotés d’elles. Ce n’est pas de manière sporadique comme ça. Il faut être en permanence aux cotés des populations. A Fatick, vous n’entendrez pas les gens allez en grève parce que la mairie n’a pas fait ceci ou cela. Avant l’ouverture des classes, les fournitures étaient déjà disponibles. On a recruté du personnel pour accompagner les secteurs de l’éducation. Au niveau de la santé, vous n’entendrez pas de contestation de même qu’au niveau de la jeunesse et des sports. Sur tous les domaines de compétences transférées, vous n’entendrez pas de récriminations. Leur posture n’est pas conforme à la réalité du terrain. Quand Fatick, sur 122 communes, est classée première, dans le cadre du Pacasen, un projet de la Banque mondiale, ce n’est pas aujourd’hui qu’un nihiliste peut tenir ce discours pour dire qu’il n’y a pas de bilan à Fatick. Ça, c’est une aberration. C’est pourquoi nous n’accordons pas d’importance à ça. Les populations de Fatick qui ont compris sont avec la coalition BBY, avec le chef de l’Etat, avec Matar Ba et avec l’ensemble des responsables qui ont accepté le choix du chef de l’Etat.
Avec cette dissidence, que cherchent selon vous, vos camarades de parti ?
Ce ne sont pas mes camarades de parti. Dites plutôt que cherchent ceux qui décident d’aller à l’encontre du choix du président de la République. Quand vous dites vos camarades de parti ça englobe tout le monde. C’est un petit groupuscule qui pense qu’aujourd’hui, Fatick doit être utilisé comme escalier pour des promotions personnelles. Vous n’entendrez jamais quelqu’un défendre une position pour demander la prise en charge correcte des besoins des populations. Le rôle du maire, ce n’est pas de prendre des cv et de les amener au chef de l’Etat pour des nominations. Certes on pouvait me le reprocher mais ce n’est pas quelque chose qu’on peut dire. Parce que ce n’est pas dans les compétences du maire. Le chef de l’Etat nomme des Sénégalais et des Sénégalaises sans que ce ne soit un portage. C’est lui qui fait confiance et qui délègue. Ils gagneraient à mériter la confiance du chef de l’Etat, c’est mieux que de torpiller ce que les gens sont en train de faire. Je vous le dis, c’est une question d’ambition personnelle sur fond de nihilisme politique.
Ce qui se passe à Fatick a été noté dans d’autres localités du pays où il y a aussi des listes parallèles comme à Saint-Louis par exemple. Cela ne dénote-t-il pas d’une absence de structuration de votre parti ?
On n’a pas le même mode de fonctionnement que le Parti socialiste ou le Parti démocratique sénégalais par exemple. C’est ce qu’il faut dire. Parce qu’un parti politique qui n’a aucun moyen de fonctionner ne gagne pas une présidentielle, ne reste pas dans une coalition pendant toutes ces années. C’est vrai que quelque part, tout le monde est responsable chez nous, c’est pourquoi il y a ces difficultés. Mais c’est des difficultés qu’on surmonte tout le temps. Vous avez cité Saint-Louis et d’autres localités du pays où on a des listes parallèles. Mais ce qui est possible à Saint-Louis ne devrait pas l’être à Fatick. Parce que Fatick est le fief du chef de l’Etat. Nous tous nous ne faisons que garder la base du chef de l’Etat. C’est pourquoi je vous ai dis que les populations de Fatick, même si je suis le maire adulé par ci par là, ce sont des militants du chef de l’Etat. Ce ne sont pas des militants de Matar Ba. Donc ça si un responsable le comprend, il s’abstiendra de faire de la rébellion. Maintenant, vous l’avez dit, il y a eu des problèmes partout au moment des investitures. Le Sénégal est devenu comme ça. Parce que la politique maintenant, les gens s’y lancent sans formation, sans idéologie et chacun fait ce qu’il veut. Et c’est dommage.
Est-ce que cela ne traduit pas une faillite des partis politiques ?
C’est l’ensemble de la classe politique qui a failli. Mais c’est aussi une question de société. Tout le monde est dans la contestation. Même vous vous êtes contesté. Je suis sûr que là où vous êtes, tout le monde n’est pas en phase avec vous.
Mais la société vit sous l’impulsion des hommes qui la gouvernent.
Oui, mais la société aussi nous façonne. Ça aussi il faut le comprendre. Les gouvernants ont bon dos. Tout ce qui se passe on dit que c’est eux. Mais en réalité, sous l’arbre à palabre, dans les maisons, il y a une façon de formater les Sénégalais. Parce que quand on a la confiance de quelqu’un, le premier combat qui mérite d’être mené, c’est de faire en sorte de mériter cette confiance. Même si on n’est pas formé, il y a des positions qu’on ne peut pas avoir.
Globalement les investitures ont suscité beaucoup de tollés. Qu’est ce qui, selon vous, explique cela ?
Parce que tout le monde veut être conseiller. Je me rappelle le temps du Parti socialiste et du Parti démocratique sénégalais, tout le monde ne se levait pas pour dire je veux être conseiller. Mais maintenant, tout le monde veut être conseiller, parce que chacun est responsable. Il ne peut pas y manquer ce bruit-là. Et dès fois on réclame cette posture de conseiller sans être véritablement un responsable politique. C’est parce qu’on a un décret ou un arrêté que chacun pense pouvoir porter la voix des populations. Et la voix des populations, c’est au niveau des quartiers. Vous savez la spécificité de cette année, c’est qu’à Fatick par exemple, on n’a jamais eu ces difficultés. C’est parce qu’on laissait les gens dans leurs quartiers choisir les conseillers pour former la liste. Cette année, il fallait prendre en compte le paramètre parité, représentativité, sensibilité, mouvement de soutien, partis alliés, entre autres. Donc ça implique forcément un choix difficile. Dès fois c’est même un choix dans la douleur. Je pense que si l’intérêt des populations nous guide, si on veut travailler pour elles, on peut le faire même sans être conseiller.
Cet engouement n’est-il pas lié aux enjeux de ces joutes électorales que votre camarade Mahmouth Saleh assimile à des primaires pour 2024 ?
Moi je ne suis pas dans cette dynamique de classification des élections. Je dis simplement que toutes les élections sont importantes. Qu’elles soient locales, législatives ou présidentielle elles sont toutes des rendez-vous extrêmement importants. Maintenant, toute élection a des conséquences sur l’avenir. Ça tout le monde le sait. Aujourd’hui, nous, notre combat, c’est de gagner plus de collectivités territoriales, parce qu’on a toujours été devant. Il faut avoir toujours un surplus par rapport à ce qu’on avait. C’est ça le combat. Maintenant, ça se passera sur le terrain et on verra au soir du 23 janvier 2022.
Comment voyez-vous le déploiement de l’opposition ?
On ne sous-estime pas l’opposition. Mais on n’est pas là à concentrer nos forces à surveiller ce que l’opposition est en train de faire. C’est l’opposition qui doit apprendre de ce qu’on est en train de faire nous, parce que c’est eux qui veulent être majoritaires. Donc ils ont accepté que la majorité, c’est BBY. On les écoute on les surveille, mais on ne compte que sur nos forces. Je vous ai entendu parler d’une percée de Sonko à Fatick, ce qui n’est pas une réalité.
Mais en 2019, il a eu beaucoup de voix à Fatick !
À l’élection présidentielle de 2019, les voix qu’il (Sonko) a récoltées à Fatick ont fait surpris, parce qu’il n’y a jamais eu de voix discordantes là-bas. Maintenant s’il y a quelques voix, on doit comprendre que le Sénégal n’est plus composé des 11 millions de Sénégalais. Il y a plus de Sénégalais maintenant et la mentalité évolue. C’est normal qu’il soit représenté partout. Cela ne veut pas dire maintenant qu’il a fait à Fatick une percée. Une percée signifie autre chose. J’ai été à Fatick, j’ai mené le combat. Mais il faut voir le ratio. Je n’ai pas dit qu’il n’y a pas de natifs qui l’ont choisi et ils sont libres. On ne les minimise pas. Mais quand vous dites percée, cela pose problème. Il y a eu quelques voix pour la coalition de Sonko, c’est tout à fait normal. D’ailleurs, c’est un baromètre et on veut réduire la progression.
Comment analysez-vous cette escalade de violence notée dans l’espace politique depuis un certains temps avec les évènements survenus récemment à Ziguinchor et à Dakar ?
Encore la politique a bon dos. C’est une question de société. Chaque jour vous voyez dans les faits divers des agressions. C’est un combat que nous devons mener, tous. Dans nos familles et partout où nous sommes, nous devons combattre la violence sous toutes ses formes. Parce que la violence n’est pas que physique. Elle est verbale. La violence est même dans le traitement de l’information.
Ah bon ?
C’est ça la vérité.
Ces temps-ci elle est plus politique !
C’est parce qu’on est dans une phase où la politique mène les débats. Mais je veux dire que si on veut réussir le combat contre la violence, il ne faut pas se limiter à indexer les politiciens. On doit se donner la main même dans la compétition. Il faut faire comme les sportifs. Je prends l’exemple de la lutte où se donne des coups mais après ça on se fait des accolades. C’est comme ça qu’on doit prendre la politique. On ne doit pas prendre la politique en otage en faisant de la violence. Ce qui s’est passé au mois de mars, c’est regrettable, on doit l’oublier et ne plus retomber dans ces travers. Il faut que les Sénégalais se respectent. Moi si je suis en face d’un journaliste, la première chose que je fais, c’est de respecter sa profession, savoir ce qu’il a comme liberté, même si ça peut m’offenser, je dois l’accepter. Parce que c’est ça la liberté aussi. Si on est opposant, il faut respecter ceux qui ont en charge la marche de l’Etat, le président de la République, les institutions, les différents pouvoirs. Quand on est un véritable politicien, et qu’on pense un jour hériter de tout cela, on doit respecter ces institutions, parce que si on nous renvoie la balle du non-respect, on ne pourra rien construire dans ce pays.
Mais est ce que les forces de défense et de sécurité n’en font pas parfois un peu trop dans la répression des manifestations ?
Vous-même journaliste et nous tous, avons intérêt à respecter les forces de défense et de sécurité sans lesquelles on ne vivrait jamais en paix dans ce pays. C’est une grave erreur de vouloir les torpiller et leur manquer de respect. Ça, je ne suis pas de ceux qui peuvent donner des explications à un comportement comme ça qui n’est pas respectable et ce n’est même pas acceptable.
L’info