LA CHRONIQUE DE MLD : Sénégal, une vitrine démocratique craquelée
Temps maussade pour les démocrates et autres diffuseurs de joie communicative, de concorde et de paix. Le pays semble assis sur une poudrière à deux mois d’un scrutin local lourd d’enjeux politiques évidents. Tous les acteurs ont le couteau entre les dents ! Le dossier Barthélemy Diaz n’est en vérité que l’accélérateur d’un mal chronique qui a fini de prendre les contours d’un cancer métastatique. Les divers protagonistes du landerneau politique bandent les muscles et le renvoi du procès au 1er décembre 2021 n’est qu’une manière habile et subtile de différer un clash, un Mortal Kombat programmé. Même après le renvoi du procès, les échauffourées entre forces de défense, de sécurité(Fds) et manifestants renvoient à des images insoutenables d’un pays en proie à une insurrection voire une guerre. Policiers armés jusqu’aux dents, prêts à casser du manifestant, invectives, mots crus, insultes…Ce pays ne mérite pas ce spectacle désolant car ces images prises et diffusées en temps réel, ont fait le tour de ce monde devenu un vaste village planétaire, un village global pour reprendre la belle expression du célèbre philosophe et sociologue canadien Marshall Mc Luhan. La violence physique est banalisée ; en attestent les récents déboires de l’ancien ministre Moustapha Guirassy dans son fief de Kédougou… La violence verbale répond en écho avec les discours guerriers et incendiaires déclamés des deux côtés (pouvoir et opposition confondus). Les évènements de Mars 2021 ont pourtant été une sérieuse alerte mais tout porte à croire que nous n’en avons pas tiré les bonnes leçons. Le risque aujourd’hui pour le Sénégal, c’est ne plus passer pour un havre de paix à la face du monde .Et comme cette paix est le premier intrant au développement, nous sommes en droit de nous demander si cette nouvelle donne ne va pas refréner les ardeurs de potentiels investisseurs car il est de notoriété publique que les financements étrangers échappent pratiquement aux pays instables.
Un leadership politique défaillant
Il est vrai que notre pays n’a pas encore atteint le seuil d’intolérance que connaît présentement l’Ethiopie mais nous avons intérêt à reprendre nos esprits. Surtout que les arrestations de leaders de l’opposition (Ousmane Sonko, Barthélemy Diaz et Malick Gakou) symbolisent assurément l’image d’une vitrine démocratique craquelée. A l’analyse, il est clair que les principaux animateurs de l’opposition ne sont pas des enfants de chœur. Pis, ils savent aussi user de cette fibre provocatrice pour susciter l’émotion de l’opinion publique. Autrement dit, ils ne sont pas exempts de reproches. Sinon comment comprendre le fait de mobiliser des centaines de jeunes à usage d’escorte dès l’instant qu’on est obligé de déférer à une audience judiciaire ? Idrissa Seck (affaire des chantiers de Thiès), Ousmane Sonko (évènements de mars 2021) et il y’a quelques jours Barthélemy Diaz ont tous expérimenté (avec bonheur ?) cette stratégie consistant à faire de leurs militants et sympathisants de potentiels chairs à canon. Ce qui est intéressant dans ce développement, c’est de constater qu’aujourd’hui, Idrissa Seck est plutôt du côté des «anges» du Prince et de la République au moment où les deux autres Leaders sont encore classés parmi les démons d’une démocratie sénégalaise rudement mise à l’épreuve par ces temps de reprise économique post-Covid. La morale de l’histoire, c’est que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets et les acteurs politiques font montre d’une indignation à géométrie variable selon qu’ils sont en un temps T sous les lambris dorés du pouvoir ou dans les méandres délicats, incandescents et sinueux de l’opposition. Finalement cette classe politique est un véritable problème pour un pays qu’elle a fini de prendre en otage. Hyperactive, au four et au moulin, tout le monde est à son écoute. A son service aussi. Or, son leadership défaillant explique en grande partie les difficultés structurelles et existentielles auxquelles le Sénégal est confronté. En vérité l’attitude de défiance des hommes politiques n’est que la résultante du mode de fonctionnement de nos espaces de vie. La crise sociale et sociétale aigüe a pour corollaire l’effondrement des valeurs comme le respect de la parole donnée, le respect du prochain, la gestion vertueuse du bien public, la redevabilité…Victor Hugo disait à juste raison : « La chute des grands hommes rend les médiocres et les petits importants .Quand le soleil décline à l’horizon, le moindre caillou fait une grande ombre et se croit quelque chose. ». Il faut stopper net cette folie meurtrière qui s’est emparée de notre société. Ce sera alors une manière de réinventer un vivre-ensemble à visage humain car tout est lié. L’action politique est consubstantielle aux questions sociétales et vice –versa. Et quand une icône de la société civile de la trempe d’Alioune Tine annonce que les Khalifes généraux des diverses confréries ont été appelés à la rescousse pour faire baisser la tension, c’est qu’il y a le feu dans la maison Sénégal. Dieu préserve ce pays !