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Chronique de Mame Gor NGOM : Police partout, justice nulle part…

« Ce gouvernement, je le caractérise d’un mot : la police partout, la justice nulle part ». Au Sénégal, en est-on arrivé à ce constat de Victor Hugo qui fustigeait ainsi les bavures policières en cours en France. C’était le 17 juillet 1851 à l’Assemblée nationale française. 170 ans après, ce   slogan (police partout, justice nulle part), même s’il n’est pas déclamé bruyamment dans nos rues, est plus qu’actuel chez nous. Cheikh Niass tué récemment à la suite d’une altercation suivie d’une électrique arrestation, illustre des pratiques désuètes de forces de l’ordre en manque de sérénité.  Une famille endeuillée, des pleurs, des enfants orphelins, une douleur indicible, une vive émotion. Un scandale de plus dans un pays où on oublie si vite, où on enterre de façon si expéditive les négligences, les outrecuidances, les drames. Ici, l’histoire est parsemée de dérives venant de ceux-là censés nous protéger. Des forces de l’ordre qui sèment les troubles. Paradoxe saisissable ! Citons dans le désordre.  Dominique Lopy, mort en garde-à- vue à la police de Kolda en 2007. Il est retrouvé inerte dans sa cellule.  Son corps présentait «des lésions traumatiques multiples faites de contusions», selon les termes de l’autopsie. Bassirou Faye étudiant tué par balle à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar en 2016. Mouhamadou Fallou Sène, mortellement atteint lors d’affrontements entre étudiants et gendarmes à l’Université Gaston Berger (Ugb). Mamadou Diop, étudiant mort lors d’une manifestation en 2012. Malick Bâ tué en 2011 à Sangalkam par un gendarme. La liste est loin d’être exhaustive. Le mal est si profond, les maux massifs. Une illustration :  Amnesty Sénégal dénombre   52 cas de bavures policières entre 2007 et 2018 dont 38 se sont soldées par la mort et 14 cas par des blessures.  En 2021, les choses empirent. Ce qui intrigue dans presque tous les cas c’est l’absence de justice. On se contente souvent, faute de mieux, à des mesurettes pour calmer momentanément les ardeurs. Aucune volonté de faire la lumière. Sur le cas de Fallou Sène, l’officier, chef de l’unité des hommes chargés de mettre de l’ordre au campus, suspecté d’être à l’origine du tir fatal a été muté. Pas plus. Pour Bassirou Faye, un policier a été emprisonné mais la logique voudrait qu’on aille plus loin pour situer les responsabilités.  Des exemples parmi tant d’autres.  Des attaques physiques aux conséquences psychologiques graves sur des citoyens, des journalistes dans le cadre de leur travail.  C’est ignoble et indigne d’une démocratie. 

Terre d’impunité…

Des faits qui  donnent raison à ceux qui sont nombreux à penser que les forces de l’ordre sont protégées par un système qui trouve son compte dans cette situation. Une impunité, porte grandement ouverte à toutes les autres dérives. Elle expose les forces de l’ordre considérées comme des bourreaux face à des citoyens désarmés.  Ils ont peur ces policiers et gendarmes.  Pourquoi ont-ils peur ? De quoi ont-ils peur ? Ne manifestent-ils pas une certaine peur des gouvernants ? Il faut des actes de grande envergure pour stopper ces bavures. Ces pratiques sont à condamner.  Farouchement. Au-delà des mesures circonstancielles. Il faut que la justice soit partout et que la police reste à sa place. Pour que le Sénégal cesse d’être une terre de bavures et d’impunité.

L’info