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DEPART DE LA TETE DE L’AFP ET RETRAITE POLITIQUE : Niasse, le dernier des Mohicans

Ex-enfant terrible du Parti socialiste passé chef de parti en 1993 à la suite d’une fronde contre Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse, 82 ans, a battu le record de longévité dans le landerneau politique sénégalais. De Senghor à Macky Sall, en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, l’actuel président de l’Assemblée nationale aura traversé tous les régimes qui se sont succédés à la tête du pays.

Il aura résisté au temps, traversé des générations, des régimes et marqué fortement le landerneau politique sénégalais de Senghor à Macky Sall, en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Mais le temps aura eu raison de lui. Moustapha Niasse, tout comme les Ousmane Tanor Dieng, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily, Landing Savané et Robert Sagna qui sont de sa génération politique, a fait son temps. D’ailleurs, l’actuel président de l’Assemblée nationale semble l’avoir si bien compris, qu’il a annoncé son départ en 2022, de la direction de l’Alliance des forces de progrès (Afp). Ceci, dans le but de promouvoir les jeunesses de son parti. ‘’Ce n’est pas tôt’’, soupireront certainement certains de ses caciques et de l’opinion publique sénégalaise, tellement Moustapha Niasse a battu tous les records de longévité dans le landerneau politique sénégalais. C’est à croire même que l’allié de Macky Sall a passé l’essentiel de sa vie dans le milieu politique sénégalais. A 82 ans, le natif de Keur Madiabel, département de Nioro, dans la région de Kaolack, est le doyen du landerneau politique sénégalais. 

Toute une vie politique et professionnelle dans les bonnes grâces du pouvoir

Diplômé de l’Ecole nationale d’administration du Sénégal (major de sa prootion), Moustapha Niasse a eu une carrière bien remplie dans la haute fonction publique où il a été même Directeur de cabinet du Président Leopold Sédar Senghor. Ce n’est que par la suite qu’il a été nommé ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement le 15 mars 1979, puis ministre des Affaires étrangères le 19 septembre de la même année. En 1983, le leader progressiste, alors cacique du Parti socialiste, accède au poste de Premier ministre, mais n’y fera qu’un mois. En juin 1993, il redevient ministre des Affaires étrangères jusqu’en juillet 1998 où il est nommé représentant du Secrétaire général des Nations unies dans les pays des Grands Lacs. En 2000, il est candidat de l’Alliance des forces du progrès (AFP) à l’élection présidentielle. Il arrive en troisième position au premier tour organisé le 27 février 2000 avec 16,8 %. À la suite de la victoire d’Abdoulaye Wade, il est nommé Premier ministre. Le 12 juin 2002, le Secrétaire général des Nations unies le nomme envoyé spécial pour aider les parties congolaises à parvenir à un accord inclusif sur le partage du pouvoir durant la transition en République démocratique du Congo. Il est nommé en 2005, par le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, membre du Haut Conseil pour l’Alliance des Civilisations. Le 19 décembre 2006, la Coalition Alternative 2007, regroupant 10 partis politiques de l’opposition, l’a désigné candidat pour l’élection présidentielle de 2007. Le 25 février 2007, lors du premier tour de l’élection présidentielle qui voit la réélection du président Wade, il obtient 203 129 voix, soit 5,93 % des suffrages exprimés, selon les résultats définitifs annoncés par le Conseil constitutionnel le 11 mars suivant. Le 30 juillet 2012, il est élu président de l’Assemblée nationale avec 126 voix sur 146 votants. Son unique adversaire, Oumar Sarr, du Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition) obtient 17 voix, au terme de ce scrutin sanctionné par trois bulletins nuls. Moustapha Niasse était la tête de liste de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar (BBY, mouvance présidentielle) aux élections législatives du 1er juillet 2012.

2015, les premières fissures de l’Afp

Mais son compagnonnage avec le Président Macky Sall dans le cadre de la coalition de la mouvance présidentielle Benno bokk yaakaar, lui aura couté l’unité et la cohésion de son parti. De 2012 à ce jour, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts de l’Afp qui a perdu beaucoup de cadres, comme El Hadji Malick Gakou et Malick Guéye, en plus de 16 autres cadres que Niasse lui-même aura exclus pour rébellion. Le parti de Moustapha Niasse qui n’est plus que l’ombre de lui-même après neuf ans d’alliance avec BBY, est sorti très affaibli de la fronde dirigée par le Mouvement national des jeunesses progressistes, piloté à l’époque par le député, Malik Guéye.

Le jeudi 23 janvier 2015, marque en effet une date symbolique dans la marche de l’Alliance des forces de progrès de Moustapha Niasse. Elle marque le début de la fronde conduite par Malick Gakou, Malick Guéye, Bérouba Guissé et d’autres cadres progressistes qui réclamaient ni plus ni moins, une candidature du parti contre le Président Macky Sall en 2017. Cette date marque même le début du clash entre Moustapha Niasse et sa jeunesse, avec l’exclusion de 16 cadres progressistes par le Bureau politique et la suspension de quelques leaders dont Soham El Wardini, Babacar Mbengue et Pape Seck. Le leader progressiste qui avait auparavant limogé le Secrétaire général du Mouvement national des jeunesses progressiste, El Hadji Malick Guéye de son poste de Conseiller technique à l’Assemblée nationale, en avait d’ailleurs pris pour son grade lors d’une manifestation organisée par les cadres de son parti à l’hôtel Terrou bi. Accueilli par des huées, sa garde rapprochée, constituée d’éléments du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et de la Brigade d’intervention polyvalente de la police (Bip), du fait de son privilège de 2e personnalité de l’Etat, a jugé bon, pour des raisons de sécurité, de le conduire au restaurant gastronomique situé près de la salle où se tenait la rencontre. Il y est resté jusqu’à ce que le calme revienne. Mais à peine est-il revenu dans la salle que les jeunes de l’Afp se sont mis à scander : ‘’Je suis Malick Guéye’’. Piqué dans son orgueil, la réplique du patron de l’AFP ne s’est pas faite attendre. Et les mots ont volé bas. “Nul ne peut détruire l’AFP. Personne ne peut entraîner sa désintégration. Moi Moustapha Niasse, je ne cherche ni maison, ni carrière, ni véhicule. Dieu m’a aidé. J’ai signé un accord avec Macky Sall. Et je dis ici, aucun ambitieux, aucun imbécile, aucun salopard ne peut détruire ce qui me lie à Macky Sall”, avait tonné le Secrétaire général de l’Afp. Très en colère, Niasse renchérissait : ‘’l’Alliance des forces de progrès ne peut, en aucun cas, être un fonds de commerce sur lequel n’importe qui, quand il le désire, peut faire une OPA (NDLR : offre publique d’achat), comme dans une foire où des maquignons et des marchands de rêve se disputent, avec acharnement, les restes d’un mobilier usé considéré comme définitivement disloqué et propre à être livré à l’encan. L’AFP est un jeune parti. Et ce parti n’implosera pas”. Avant d’ajouter : ‘’la décision que moi, Moustapha Niasse, citoyen sénégalais, j’ai prise, personnellement, le 10 mars 2014, en tirant les conclusions de la réunion du Bureau politique, relève entièrement de ma responsabilité. Nul ne peut la changer : je ne cautionnerai personne, je ne soutiendrai personne, je n’apporterai un appui financier à personne et je ne bénirai personne, car je sais ce qu’est le respect de la parole donnée, le sens de la loyauté et le courage de défendre, vaille que vaille, la vérité’’. Réitérant dans la même veine que son parti, l’Afp était comptable de la décision qu’il avait prise en 2014 et qu’il lui appartenait de protéger et d’appliquer cette décision, face à quiconque a pu participer au vote du 10 mars, le Secrétaire général de l’Afp avertissait : ‘’moi, Moustapha Niasse, citoyen sénégalais, je tiens à affirmer, après l’adoption de cette déclaration du Bureau politique et prenant entièrement mes responsabilités, que si, à partir de ce jour, un membre du parti, homme ou femme, décidait, quelles qu’en soient les raisons, d’être candidat, si Dieu fait que je sois là, je n’apporterai à ce candidat, homme ou femme, jeune ou moins jeune, ni ma caution, ni mon soutien politique, ni mon appui financier, ni ma bénédiction”.

Aujourd’hui dans une dynamique de quitter la direction de l’Afp, Moustapha Niasse peut compter sur des profils connus certes, mais qui n’ont véritablement pas d’envergure nationale, pour prendre le relais et occuper pleinement la place qu’il va laisser.

L’info