LOCALES DU 23 JANVIER 2022 : Khalifa refuse sa mort politique
Bien qu’inéligible à une quelconque élection à la suite de sa condamnation dans l’affaire politico-judiciaire dite de la caisse d’avance de la ville de Dakar, l’ex-édile de la capitale, Khalifa Sall refuse, pour autant, son enterrement politique, en perspective des Locales. Hier, il a annoncé une large coalition de l’opposition dans toutes les circonscriptions administratives du pays.
On lui a prêté des intentions presque d’abandon de l’espace politique. Que nenni ! Khalifa Sall est toujours là, et plus que présent dans l’espace politique sénégalais. L’intéressé lui-même l’a fait savoir hier, dans une note lapidaire. ‘’Concernant les élections locales, je réaffirme notre volonté d’y participer à travers une grande coalition de l’opposition et dans toutes les circonscriptions électorales’’, annonce-t-il d’emblée. Avant de renchérir : ‘’Comme par le passé, Taxawu Sénégal en rapport et en accord avec ses alliés, trouvera aux termes de concertations franches et sincères, les meilleures formules pour créer, partout, des équipes crédibles pour porter notre projet de développement local’’. Ainsi, Khalifa Sall, contrairement à la fuite en avant qu’on lui a prêté, compte jouer sa participation et peser de tout son poids politique, pour le triomphe des listes de l’opposition, à l’issue des élections locales du 23 janvier 2022.
La revanche de 2022
Ces joutes électorales sonnent d’ailleurs comme une revanche pour l’ex-maire de Dakar, dépossédé de son poste de maire et de député, par le régime de Macky Sall au cours de la longue et périlleuse bataille politico-judiciaire qui les a opposés et qui a tenue l’opinion publique en haleine, pendant près de cinq ans. Véritable bête politique, Khalifa Ababacar Sall qui a opéré, en 2014, une razzia à Dakar où il s’est adjugé 16 sur les 19 communes que compte la capitale, est capable de sortir de sa botte secrète une formule qui brouille toutes les pistes et fausse les calculs du régime. Les élections locales de 2022 sonnent en effet comme un défi politique qui s’impose à Khalifa Sall et où dépend sa survie politique. Il n’aurait pas participé à ces joutes cruciales, il serait enterré politiquement en perspective de 2024. Et de l’issue de ces élections d’ailleurs, dépend en effet, son avenir politique qui s’assombrit depuis sa condamnation. Ce sera pour lui, une occasion de prendre sa revanche politique sur le régime avec le revers des élections législatives de 2017. Au-delà des apparences, Khalifa Sall est l’homme politique sénégalais qui a le plus perdu dans les dernières élections législatives de 2017. Non seulement il n’a réussi qu’à avoir un seul député sur les 7 glanés par sa coalition, mais l’issue de ce scrutin a fait tomber le mythe qu’il a toujours incarné. Le tout puissant Khalifa Sall, maître incontesté de Dakar de 2009 à 2017, est tombé. Cette défaite n’est pas sans conséquence sur son avenir politique. Elle a participé à ouvrir grandement un boulevard au Président Macky Sall et à son régime qui ont pris de la place depuis lors et qui attendent le moment venu, pour porter l’estocade finale.
Chronique d’une liquidation politique programmée
Les relations entre Khalifa Ababacar Sall et Macky Sall ont commencé à se détériorer dès l’accession du dernier nommé à la tête de la magistrature suprême en mars 2012. Elu tout nouveau président de la République, le patron de l’Alliance pour la République et non moins chef de la coalition Benno bokk yaakaar n’a pas voulu d’une cohabitation. Et s’est aussitôt évertué à mettre la main sur la ville de Dakar. Très tôt, Macky Sall a annoncé les couleurs, avec la réforme de l’Acte3 de la décentralisation. A travers cette réforme initiée en 2013 et qui avait comme principale visée, la rationalisation des collectivités territoriales, Macky Sall a tenté d’isoler le maire de Dakar, en dépouillant la ville de toutes ses prérogatives. Mais aussi en érigeant les communes d’arrondissement en commune de plein exercice. Parallèlement, les ‘’apéristes’’ écartent Khalifa Sall dans les investitures pour les élections locales de 2014. Mais le maire de Dakar déjoue le piège en mettant en place la coalition Taxawu Dakar qui sort largement victorieuse de ces joutes électorales avec dans son escarcelle, 16 sur les 19 communes que compte la capitale. Ce fut dès lors, le début d’une bataille politique déclarée entre les deux camps et où tous les coups sont permis. C’est d’ailleurs dans ce sillage que le président de la République a lâché la redoutable Inspection générale à ses trousses pour fouiller sa gestion. Une stratégie payante, puisque celle-ci dans son rapport remis au chef de l’Etat, a éventé un détournement de denier public d’un montant cumulé de 1,8 milliard de nos francs, à travers la caisse d’avance de la ville de Dakar. Depuis, le Président Macky Sall semble tenir le bon bout pour neutraliser l’adversaire politique que représente le maire Khalifa Sall.
Placé sous mandat de dépôt le 7 mars 2017 dernier pour détournement de deniers publics portant sur la somme de 1,8 milliard de F CFA, blanchiment de capitaux, d’escroquerie portant sur des deniers publics, faux et usage de faux en écriture administrative et de commerce, et d’association de malfaiteurs avec six autres de ses proches collaborateurs, Khalifa Sall a en effet écopé d’une peine de prise de cinq ans ferme avant de bénéficier d’une grâce présidentielle en septembre 2019. Avec cette libération, son avenir politique en a pour autant pris un sacré coup. Puisque qu’il a été dessaisi de tous ses droits civils et politiques. Et ne peut aujourd’hui prétendre à un quelconque poste électif.
Tout comme le fils de l’ancien président de la République, Karim Wade, Khalifa Sall est en effet frappé d’inéligibilité suite à sa condamnation. Dans le code électoral sénégalais, il est indiqué que pour être candidat à des élections, il faut disposer de ses droits civils et politiques. Selon l’article L.57 de ce code, ‘’Tout sénégalais peut faire acte de candidature et être élu sous réserve des conditions d’âge et des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi’’. Or, relève l’article 34 du Code pénal sénégalais, ‘’(…), Lorsque la peine d’emprisonnement prononcée sera supérieure à cinq ans, l’interdiction définitive de tous les droits devra obligatoirement être prononcée. Et, l’interdiction prendra effet à compter du jour où la condamnation sera devenue définitive’’. C’est dire que l’ancien maire de Dakar ne peut aujourd’hui prétendre à aucune fonction élective dans le pays si jamais son procès n’est pas révisé et sa peine revue.
L’info