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MAMADOU DIALLO, CONCEPTEUR DES «ECO-GITES» TOURISTIQUES : «C’est un nouveau maillon de la chaîne de valeurs touristiques à répliquer dans le pays»

«Eco-Gites» ou «Fermes éco touristiques intégrées» un nouveau modèle de tourisme éthique et de valeurs, pourvoyeur d’emplois pour les jeunes, les femmes, et profitable aux populations et aux collectivités territoriales, en plus de leur offrir un cadre approprié et équipé pour l’Incubation et la formation qualifiante de micro entrepreneurs touristiques. Le concepteur, Mamadou Diallo, Secrétaire Général de l’Agence sénégalaise de promotion touristique (Aspt), nanti d’une l’expérience avérée et non moins expert dans le Tourisme International, revient avec nous, dans cet entretien, sur les péripéties de cette initiative d’Eco-gîte, qui constitue aujourd’hui un nouveau maillon de la chaîne de valeurs touristiques à répliquer dans le pays.

L’info : Comment vous est venue cette initiative «Les éco-gîtes ou fermes éco touristiques intégrées » ?

Mamadou Diallo : Mon inspiration a été essentiellement tirée des enseignements résultants de l’expérience réussie des Camps de jeunesse, incarnés par la vision des plus hautes autorités des années post indépendance, et dont la Direction, pour sa mise en œuvre, fut confiée à notre défunt compatriote, père et pionnier du service civique national, Cheikh Amala Sy, homme d’action et premier inspecteur de l’éducation populaire, de la jeunesse et des sports, qui a su très tôt travailler à l’émergence d’une jeunesse sénégalaise saine, outillée et utile à son pays. Il faut noter que feu père Cheikh Amala Sy fut l’un des premiers cadres du ministère de la Jeunesse et des Sports, chargé du dossier le plus novateur, le plus difficile et le plus emblématique : les Chantiers de la jeunesse». Très imprégné de sa mission, Cheikh Amala, selon le témoignage de son vieil ami Mansour Diakhaté, avait une vision. Il procédait au recensement général de tous les jeunes qui n’étaient pas instruits et qui n’avaient pas de métier, pour les éduquer et leur donner une formation professionnelle qualifiante. Dans les camps de jeunesse, il veillait à ce que ses compatriotes apprennent la menuiserie, la mécanique, la maçonnerie, la plomberie, la tôlerie, l’agriculture…En somme, toutes les activités qui pouvaient rendre à l’homme sa dignité pour éloigner de lui l’oisiveté, l’ennui, le mal et tant d’autres vices. Au sortir de ces camps de jeunesse, l’Etat aidait ceux qui avaient des métiers, à s’installer à leur propre compte. Devenus agriculteurs, les autres avaient le loisir d’exploiter des fermes et de s’adonner à l’élevage. Pour mener à bien sa mission qui n’était pas de tout repos, Amala était constamment sur le terrain pour suivre l’enseignement et la formation dispensés dans ces camps. Il invitait aussi les jeunes à réaliser des projets de développement et à s’occuper de la santé de la population rurale.

Comment peut-on se servir aujourd’hui de cette vision qui vous a inspirée ? 

En réalité, cette vision de Cheikh Amala Sy transcende le temps et les générations. Il est bien heureux de constater la similitude entre le modèle des camps de jeunesse des années post indépendance, et celui des maisons de la jeunesse et de la citoyenneté, s’inscrivant dans un contexte marqué notamment, par une certaine perte des repères, des valeurs républicaines, socles du décollage socio-économique, de l’émergence à laquelle nous aspirons tant. En effet, parmi les mesures prises par les autorités pour répondre aux manifestations de la jeunesse de mars 2021, on peut noter le projet d’érection des maisons de jeunesse et de la citoyenneté prévue dans les 45 départements du Sénégal. Ainsi, on peut valablement les assimiler à une réadaptation des valeurs, des objectifs, voire des fondamentaux du modèle des camps de jeunesse. En ces temps où la problématique de la formation et de l’emploi des jeunes préoccupe plus que jamais l’Etat et les citoyens, tout modèle de réussite en ce sens, mériterait d’être vulgarisé.

Justement, parlez-nous de votre initiative des Eco-gîtes ou Fermes éco-touristiques intégrées. En quoi consiste-t-elle ? Quelles innovations et solutions apporte-t-elle ?

C’est un nouveau modèle de développement d’un tourisme solidaire et durable, à la fois innovant et créateur d’emplois pour les jeunes et les femmes. Le modèle éco-gîte est très intégrateur, car concernant les ministères de l’Environnement, de la Formation professionnelle, du Tourisme, de l’Aquaculture etc…Il est transversal et intègre quasiment toutes les activités relevant de plusieurs départements ministériels de l’Etat. La ferme pilote se trouve à Nguérigne (Mbour) et elle connait un franc succès sous le Label «Sénégal Eco-gites-Degg-Jamm». Et sa success-story est en voie d’être répliquée un peu partout. C’est une contribution, voire une réponse parmi d’autres, à la question de l’emploi, la formation et l’incubation des jeunes et des femmes comme micro-entrepreneurs dans les filières hôtelières et touristiques, sujet qui polarise l’actualité depuis quelques temps au Sénégal. La problématique de l’emploi des jeunes qui se pose avec urgence aujourd’hui, doit interpeller tout responsable et le pousser à partager toutes les initiatives pertinentes susceptibles d’apporter une solution à cette question lancinante qui préoccupe tous les citoyens au-delà de l’Etat. Dans le premier modèle, l’Eco-gîte pilote «Dëgg-Jámm» du village de N’Guérigne Bambara, situé dans la commune de Sindia, à l’intérieur des terres, entre Nguékhokh et N’Gaparou dans le département de Mbour, on s’active véritablement dans l’incubation de jeunes micro-entrepreneurs touristiques qui sont formés sur le modèle précité, qui nécessite moins d’investissement que dans le système d’hôtellerie classique et qui est aujourd’hui un franc succès. Nous avons osé entreprendre sur fonds propres, avec plus tard, un accompagnement du crédit hôtelier pour sa réalisation depuis bientôt 15 ans, en nous appuyant principalement sur l’utilisation de matières et de matériaux locaux comme la latérite, avec la technique du géo béton qui permet de faire des économies d’environ 40% sur les constructions de bungalows bioclimatiques, des énergies solaires durables et propres comme le solaire, le compost organique avec le recyclage et le tri sélectif des déchets animaux et  domestiques, pour la fertilisation du sol permettant la culture de légumes et fruits bio etc…

Quel bilan pouvez-vous tirer aujourd’hui de cette phase pilote du projet et quelles sont vos perspectives ?

Cela nous donne aujourd’hui une certaine satisfaction ainsi qu’à l’ensemble des jeunes «éco acteurs» et des clients «éco-visiteurs» qui nous ont fait l’honneur d’avoir choisi ce modèle Eco-touristique solidaire et durable. Peut-être qu’il n’est pas complètement achevé, mais aujourd’hui, nous avons une base opérationnelle, avec une expérience. Nous avons la certitude qu’avec les difficultés d’emplois que rencontrent justement les jeunes, qu’il peut être dupliqué partout au Sénégal, au niveau des sites touristiques en relation avec les collectivités territoriales et les Conseils de jeunesse. Nous avons la ferme volonté et l’engagement de développer ce modèle-là, qui peut, dans de courts délais (au bout de 3 mois de formation alternant théorie et pratique sur site, par des spécialistes et experts filières, car l’éco gîte dispose de salles de formation et de réunion), rendre opérationnel des jeunes en quête d’emplois, voire des employés du secteur hôtelier ou touristique qui, malheureusement, ont commencé à payer un peu le prix de la covid- 19, par le chômage technique ou la perte d’emploi. J’invite les jeunes primo-demandeurs d’emplois et notamment ceux qui ont perdu leurs emplois dans le secteur touristique, à se regrouper ou constituer en structure au niveau de leur région, au niveau de leur village, de leur pôle touristique, afin qu’on puisse les accompagner techniquement via les mécanismes de financement créés par l’Etat dans son nouveau programme «Xeuyou ndaw yi» pour la création d’emploi, donc de revenus, de richesse pour les jeunes, pour le développement de leur terroir et in fine du Sénégal…

L’info