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MACKY SALL ET SON PEUPLE : Rupture de confiance !

Entre promesses non tenues et flou artistique entretenu autour d’une hypothétique troisième candidature, le Président Macky Sall s’est mis à dos une bonne partie du peuple sénégalais, dont les jeunes qui se sont récemment soulevés pour réclamer de meilleures conditions de vie et une justice indépendante et impartiale. 

Le divorce n’est certes pas encore consommé. Mais le couple bat de l’aile. La lune de miel vire progressivement vers une lune de fuel au fur et à mesure qu’on amorce le dernier virage du deuxième et dernier mandat de l’actuel locataire du palais présidentiel. Les relations entre Macky Sall et son peuple se détériorent de plus en plus surtout après sa réélection dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2019 avec plus de 58% des suffrages des Sénégalais. Les récents évènements qui se sont déroulés du 3 au 8 mars dernier en disent long sur le mécontentement presque généralisé des populations sénégalaises. Et les scènes de pillages qui ont émaillé les émeutes renseignement en effet sur le degré de précarité des populations après neuf ans de règne du chef de l’Etat. Que ce soit à Dakar dans la capitale sénégalaise, ou à l’intérieur du pays. 

Président le mieux élu

C’est en effet dans un contexte assez particulier que le président Macky Sall est arrivé à la tête de la magistrature suprême. Alors candidat pas du tout favori devant le tout puissant Abdoulaye Wade, il a surfé sur la vague d’indignation populaire pour se positionner dans le landerneau politique et se hisser en haut du tableau des prétendants à la présidence de la République, devant des dinosaures politiques comme Ousmane Tanor Dieng de la coalition Benno ak Tanor, Moustapha Niasse de Benno siggil Senegaal et Idrissa Seck de Idy 4 president. Qui avaient toutes les chances d’accéder au pouvoir. 

S’il a réussi cette prouesse, c’est en partie grâce au discours politique qu’il a tenu aux citoyens sénégalais alors en croisade contre la troisième candidature jugée illégale du président sortant. Il promet ainsi, une fois élu, de verrouiller le nombre de mandat qui sera désormais limité à deux. Mieux, le leader de l’Alliance pour la République s’engage avec effet immédiat, de ramener le mandat présidentiel de 7 à 5 ans. Macky Sall qui avait même fait une déclaration sur l’honneur devant tous les leaders de la coalition BBY, promettait également de lutter contre la gestion patrimoniale du pouvoir, l’impunité et la corruption, érigées en mode de gouvernance sous le magistère du Pape du Sopi, et qui avaient fini par irriter les populations sénégalaises et les faire descendre dans la rue de 2011 à 2012. Près de 15 morts et plus de 150 blessés ont été dénombrés lors des heurts qui se sont succédés. Dans cette situation de chaos, l’ensemble des leaders de l’opposition ont préféré rester à Dakar, pour mener le combat contre la troisième candidature de Wade. Macky Sall lui, décide d’investir l’intérieur du pays. Sa stratégie a été payante. A l’issue du premier tour du scrutin présidentiel, il obtient 26,19% des suffrages et envoie, au second tour, Wade arrivé premier avec 34,47%. L’issue du second tour a été sans appel. Sorti presque de l’anonymat en un temps record, Macky Sall a surpris son monde en venant à bout du tout puissant Wade avec 65% du suffrage des Sénégalais et devient ainsi le président le mieux élu de l’histoire politique du pays. Macky Sall poursuit son opération de charme en poussant le bouchon plus loin. Après avoir ressuscité la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), il met en place l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) et érige la transparence et la reddition des comptes en mode de gouvernance. Il gagne plus de sympathie avec la déclaration de patrimoine désormais exigée à tout dépositaire de charges étatiques. Dans son programme ‘’Yoonu yokute’’, il promet la création de 500.000 emplois durant son quinquennat. 

Vide autour de Macky Sall au profit des transhumants

Au contact de la réalité, tous les espoirs nourris par ses promesses se sont dissipés tel un ballon de baudruche. Quatre ans après son installation au pouvoir, il tourne casaque. Non satisfait d’avoir jeté à la poubelle les recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRA) dirigée par Amadou Makhtar Mbow, Macky Sall passe par le référendum de 2016 pour légitimer son reniement et allonger ainsi le mandat présidentiel de 5 à 7 ans. Il déroute son monde en 2017 et fausse les calculs de l’opposition qui se préparait déjà à une élection présidentielle. Pire encore, la traque des biens mal acquis initiée dès le début de son mandat et pilotée d’une main de fer par son ancien ministre de la Justice, Aminata Touré, s’est révélée un véritable fiasco. Sur la vingtaine de caciques du Parti démocratique sénégalais sur la ligne de mire de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, seul le fils de l’ancien président de la République a été poursuivi, jugé et jeté en prison avant d’être définitivement écarté de toutes les compétions électorales du pays à la suite de sa condamnation pour enrichissement illicite. Parallèlement, il favorise une vaste opération de transhumance politique pourtant décriée sous le régime d’Abdoulaye Wade. Les départs du Pds vers les prairies beige-marron se succèdent et se ressemblent. L’ancien Premier ministre de Wade, Souleymane Ndéné Ndiaye, Sada Ndiaye, Farba Senghor, Pape Samba Mboup, Samuel Ameth Sarr, Modou Diagne Fada, Oumar Sarr, El Hadji Amadou Sall, Babacar Gaye, Fatou Thiam et récemment Aïda Ndiong (la liste est loin d’être exhaustive) tous ont rejoint le camp présidentiel. Résultats des courses, Macky Sall se sépare en cours de mandat, de la plupart de ses proches collaborateurs dont le plus récent c’est Aminata Touré, sacrifiée sur l’autel de son ‘’deal politique’’ avec le leader de Rewmi Idrissa Seck.

Impunité persistante et gestion patrimoniale du pouvoir

A côté de la transhumance politique, l’impunité également gagne du terrain sous le régime de Macky Sall. Non satisfait d’avoir mis certains dossiers judiciaires sous le coude, le chef de l’Etat est devenu le rempart de plusieurs personnalités politiques en maille à partir la justice sénégalaise. Ousmane Ngom, Abdoulaye Baldé, Oumar Sarr, Aïda Ndiongue, entre autres, ont vu leurs dossiers judiciaires classés à la suite de poursuites judiciaires. Beaucoup de ses lieutenants et proches cités dans des scandales n’ont jamais été inquiétés. Et pour couronner le tout, le chef de l’Etat qui avait juré devant les Sénégalais, de ne jamais mêler la famille dans la gestion étatique, a imprimé à la tête de l’Etat une gestion patrimoniale du pouvoir, amenant certains à parler même de «dynastie Faye-Sall».

Ces différentes péripéties de la vie publique ont en effet retourné beaucoup de citoyens sénégalais contre le Président lui-même et son régime. La pandémie de la Covid 19 aidant, le fossé entre le Président et ses administrés s’est creusé davantage. Les relations heurtées entre les deux parties qui se sont envenimées avec l’éclatement de l’affaire Sonko-Adji Sarr, filent tout droit vers une rupture de confiance. Si on n’en est pas encore à ce niveau !

L’info