International

Faire carrière au Ghana, un «triomphe» pour les Afro-descendants

De notre correspondante à Accra,

Un rooftop en plein cœur d’Accra, dans le quartier résidentiel d’Asylum Down. Le barman sert des cocktails sophistiqués à une cinquantaine de convives. Dans les enceintes poussées à fond, on entend des classiques du hip-hop américain et de la dancehall ghanéenne. Parmi les invités, un homme avec un T-shirt « I Love Black People » discute avec une jeune femme au fort accent américain. L’hôte de la soirée, un trentenaire aux traits doux encadrés par de longues tresses, interrompt la musique pour prendre la parole. « Qui, parmi vous, est un returnee ? » Une dizaine de mains se lèvent, dont celle de l’orateur. « Nous ne sommes pas juste ici pour boire, danser et puis rentrer chez nous, reprend-il sous les applaudissements. Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est pour créer des liens entre nous. »

Morris (G) et Voltaire (D), deux Afro-Américains vivant au Ghana, parlent affaires sur un «rooftop» surplombant Accra, le 11 novembre 2020.

Au Ghana, on appelle « returnee » un Afro-descendant venu s’établir sur le sol africain. « Quand je vivais en Californie, j’étais bourré de clichés sur l’Afrique, explique l’homme avec le T-shirt à slogan, tandis que la musique reprend. Je pensais même que les gens vivaient dans des huttes ! Mais j’avais de la famille ghanéenne, et l’un d’entre eux est mort. Je suis venu ici pour l’enterrement, et j’ai adoré le pays. Alors, j’ai décidé de rester. »

Déconstruire les clichés sur l’Afrique

En 2019, le gouvernement ghanéen a lancé « L’Année du Retour », une initiative nationale destinée à commémorer les victimes de l’esclavage, 400 ans après l’arrivée des premiers Africains sur le sol de Virginie. Les événements organisés pour l’occasion avaient permis au Ghana d’accueillir 200 000 touristes supplémentaires, lesquels avaient largement documenté leur voyage sur les réseaux sociaux. Certains d’entre eux ont fait le choix de ne pas repartir, et d’intégrer la florissante communauté des expatriés américains. Sur la seule année 2019, une centaine d’Afro-Américains et Afro-Caribéens ont ainsi obtenu la nationalité ghanéenne.

Un rooftop en plein cœur d’Accra, dans le quartier résidentiel d’Asylum Down. Le barman sert des cocktails sophistiqués à une cinquantaine de convives. Dans les enceintes poussées à fond, on entend des classiques du hip-hop américain et de la dancehall ghanéenne. Parmi les invités, un homme avec un T-shirt « I Love Black People » discute avec une jeune femme au fort accent américain. L’hôte de la soirée, un trentenaire aux traits doux encadrés par de longues tresses, interrompt la musique pour prendre la parole. « Qui, parmi vous, est un returnee ? » Une dizaine de mains se lèvent, dont celle de l’orateur. « Nous ne sommes pas juste ici pour boire, danser et puis rentrer chez nous, reprend-il sous les applaudissements. Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est pour créer des liens entre nous. »

Au Ghana, on appelle « returnee » un Afro-descendant venu s’établir sur le sol africain. « Quand je vivais en Californie, j’étais bourré de clichés sur l’Afrique, explique l’homme avec le T-shirt à slogan, tandis que la musique reprend. Je pensais même que les gens vivaient dans des huttes ! Mais j’avais de la famille ghanéenne, et l’un d’entre eux est mort. Je suis venu ici pour l’enterrement, et j’ai adoré le pays. Alors, j’ai décidé de rester. »

Déconstruire les clichés sur l’Afrique

En 2019, le gouvernement ghanéen a lancé « L’Année du Retour », une initiative nationale destinée à commémorer les victimes de l’esclavage, 400 ans après l’arrivée des premiers Africains sur le sol de Virginie. Les événements organisés pour l’occasion avaient permis au Ghana d’accueillir 200 000 touristes supplémentaires, lesquels avaient largement documenté leur voyage sur les réseaux sociaux. Certains d’entre eux ont fait le choix de ne pas repartir, et d’intégrer la florissante communauté des expatriés américains. Sur la seule année 2019, une centaine d’Afro-Américains et Afro-Caribéens ont ainsi obtenu la nationalité ghanéenne.

Attirés par le dynamisme de la communauté locale et un marché en pleine expansion, les Afro-Américains sont de plus en plus nombreux à choisir de s’installer au Ghana, la deuxième économie de l’Afrique de l’Ouest.

« Nous ne sommes pas comme les Américains qui venaient s’installer ici dans les années 1970, et qui étaient pour la plupart des retraités fortunés, détaille Morris, un entrepreneur de 46 ans vivant à Accra, où il a monté son agence de tourisme, Agence Roots Travel. Nous sommes plus jeunes. Nous ne vivons pas dans des villas luxueuses, mais à l’intérieur de la communauté. Nous allons dans les bars et les restaurants locaux, nous nous mélangeons aux Ghanéens. Nous voulons nous engager. » Originaire de Detroit, dans le Michigan, Morris est à moitié ghanéen. Lui aussi est arrivé au Ghana pour des funérailles, en 2015, et a décidé de rester. « Le Ghana, c’est l’Afrique pour les débutants ! », plaisante-t-il. « Les returnees se sentent en sécurité ici. Les gens parlent anglais, le pays est stable, le gouvernement démocratique. »

Un avis que partage Voltaire, l’organisateur de la soirée. Le trentenaire originaire de Los Angeles, en Californie, est arrivé ici en 2018, juste avant l’Année du Retour. Il dit avoir vécu dans une vingtaine de pays, et s’y être rarement senti autant en sécurité qu’au Ghana. « Accra est l’un des seuls endroits où les femmes peuvent se promener seules au milieu de la nuit, sans craindre pour leur sécurité. Même aux États-Unis ou en Angleterre, on se sent plus en danger. » Mais si Voltaire a choisi de s’installer en Afrique, c’est avant tout par ambition professionnelle, « pour rejoindre un marché en pleine expansion ». « L’Afrique, pour moi, aujourd’hui, c’est comme la Chine des années 1980. En Europe, aux États-Unis ou en Asie, la plupart des marchés sont saturés. Mais ici, tout est possible. »

« Nos ancêtres ont été poussés par la « Porte du non-retour », et leurs descendants sont revenus »

Or, ce choix du Ghana n’a rien d’anodin. Le pays était un haut lieu du commerce triangulaire au XVIIe siècle, et de nombreux forts esclavagistes émaillent la côte. Le plus célèbre, dans la ville de Cape Coast, est devenu l’une des destinations phares du tourisme mémoriel. Des centaines de visiteurs s’y pressent chaque jour : la First Lady Melania Trump l’a visité en 2018, comme l’avait fait Barack Obama avant elle. Tous deux ont franchi la tristement célèbre « Porte du non-retour », par laquelle les esclaves étaient envoyés vers les bateaux négriers.

Cette ville, Voltaire et Morris l’ont visitée. Elle n’est qu’à trois heures de route d’Accra, où ils vivent aujourd’hui. « Non, ce n’est pas douloureux, explique Morris. Je vois plutôt cela comme une célébration. Quand vous allez dans les anciens forts esclavagistes, c’est comme lancer un sourire à vos ancêtres, maintenant que vous êtes de retour à la maison. Vous êtes libres, vous construisez votre propre existence. Et vous faites ça ici, d’où vos ancêtres ont été emmenés de force pour être esclaves. » Voltaire confirme : pour lui, « c’est un triomphe, d’être ici. » « Nos ancêtres ont été poussés par la « Porte du non-retour », et leurs descendants sont revenus. Ils ont refusé de mourir pour que nous puissions vivre. Et aujourd’hui, nous sommes de retour, libres et prospères. »

Pour enterrer définitivement le sombre passé de Cape Coast, la métropole vient de lancer le projet « Wakanda City of Return », nommé d’après le royaume mythique du film Black Panther. La Wakanda ghanéenne offrira aux touristes des séjours de grand standing dans des hôtels 5 étoiles, mais aussi des visites et conférences sur l’histoire des civilisations africaines et sur le rôle émergent du continent dans la nouvelle économie mondiale.

rfi