DISPARITION: Georges Hollande, père de l’ancien président, est décédé
POLITIQUE : homme aux idées diamétralement opposées à celles de son fils…
Quand François Hollande l’évoque en public, il dit « Georges », et rarement « mon père ». Georges, comme s’il lui fallait marquer une distance et taire son affection. Il est vrai que Georges Hollande fut un père difficile, singulier, un père auquel le président de la République doit pourtant bien plus qu’on ne le croit.
Georges Hollande naît en 1923. Son père, Gustave, fils de volaillers installés dans le Pas-de-Calais, s’était affranchi de cet héritage austère en devenant instituteur. Avec son épouse Antoinette, enseignante comme lui, l’ambitieux fils de paysans sans le sou devient directeur d’établissement scolaire.
Leur unique enfant Georges est prié de poursuivre leur ascension sociale, ce dont il s’acquitte en faisant médecine et en obtenant une spécialité en oto-rhino-laryngologie. Bientôt, le carabin d’humeur toujours triste épouse une pétulante infirmière, Nicole Tribert, la fille de tailleurs parisiens. Tout oppose le couple. Nicole est une fervente gaulliste, une militante socialiste rieuse et attachée à améliorer le sort des ouvriers de l’usine dans laquelle elle est employée. Georges, lui, conspue le Général et s’entiche de l’Algérie française.
Candidat d’extrême droite aux municipales de Rouen en 1959, il l’est dans la commune de Bois-Guillaume en 1965, dirigeant la liste « Rénovation et expansion », assemblage d’anciens OAS, d’ex-collabos et de notables. Deux tentatives de se faire élire, deux échecs. Seulement, assis sur les marches de l’escalier de la ferme rénovée de Bois-Guillaume, le second fils de Georges, le jeune François, l’enfant d’un partisan de Tixier-Vignancour et d’une admiratrice de Mitterrand, écoute ces réunions politiques tenues dans le salon familial.
Il observe les compagnons de son père discourir, se quereller, puis se rassembler, il les épie, les voit rédiger des tracts, les imprimer, les distribuer. Et la chose le passionne. En janvier 2012, lors de son discours de campagne présidentielle tenu au Bourget, le futur chef de l’État évoque l’origine de son engagement politique : « Je remercie mes parents. Mon père parce qu’il avait des idées contraires aux miennes et qu’il m’a aidé à affirmer mes convictions. » De ce père « contestataire de tout » François retient, comme il confia à l’auteur de ces lignes, « l’opiniâtreté ». Et, peut-être aussi, cette extraordinaire faculté à persévérer vaille que vaille. En effet, Georges Hollande ne mena pas la vie facile à sa famille.
Alors que son cabinet médical tourne bien, le médecin se lance dans des placements immobiliers hasardeux. Puis, soudain, cesse la médecine libérale, vend la maison normande, bazarde sans pitié les jouets, les voitures, les petits soldats et les livres de ses garçons et embarque les siens vers Paris.
« Mon père est noir, très noir »
Officiant désormais comme médecin à la Sécurité sociale, il se lance dans le commerce des voyages et perd, en pestant contre le sort, beaucoup d’argent. François, scolarisé au lycée Pasteur à Neuilly, découvre, quant à lui, au-delà des tempêtes familiales, « un autre monde », la bourgeoisie parisienne.
Il annonce à son père qu’il veut étudier à Sciences Po. « C’est incompréhensible pour lui, revenu de tout, il me dit qu’il est déçu », nous confia un jour l’ancien président de la République. Georges Hollande n’encourage pas son cadet brillant, il ne loue pas ses bonnes études, il ne complimente pas son ascension dans le Parti socialiste, ne l’appelle jamais pour le féliciter d’une élection gagnée ou le consoler d’un scrutin sévère. Ruminant ses chimères, il peste, vitupère et prédit le pire. « Mon père est noir, très noir », dit François Hollande. Un fils qui s’est donné pour mission de réparer son père.
De faire oublier qu’il est l’enfant d’un homme taciturne et sombre, le fils d’un père qui n’aima que les causes perdues et les combats vains. Le fils d’un homme qui, apprenant que son garçon était élu président de la République, pesta, dans le micro d’un journaliste l’apostrophant sur un trottoir de Cannes, que l’affaire n’allait pas être commode tant le pays va mal. Très mal.
Mardi 7 mars, François Hollande a sobrement rendu public la mort de son père : « Il est plus douloureux, pour beaucoup de Français, de perdre un être cher dans cette période ». Georges Hollande est mort samedi 4 avril dans un Ehpad parisien où il résidait depuis un an. Son décès est « sans lien apparent avec le Covid-19 », a ajouté l’ancien président de la République. Et de conclure dans un entretien à l’AFP, « je veux rendre hommage à tous les personnels des Ehpad qui luttent contre le virus, mais aussi accompagnent les personnes les plus âgées dans cette période si difficile et angoissante, et en accompagnent d’autres vers la fin de leur vie ».
Toutinfo.net (avec LePoint)