DECES DE DEUX DETENUS A LA MAC DE REBEUSS: Deux prisonniers de la chambre 11 piétinés à mort ou électrocutés
Deux détenus de la Maison d’arrêt et de correction (Mac) de Rebeuss sont décédés mardi nuit vers 23 h, après qu’un ventilateur de la chambre 11 a produit des étincelles, provoquant le sauve-qui-peut et une bousculade monstre. Les deux victimes Cheikh Ndiaye et Babacar Mané sont âgés respectivement de 18 et 19 ans. Ils seraient morts par électrocution ou bousculade, selon un communiqué de la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap). L’Association pour le soutien et la réinsertion sociale des détenus (Asred) a demandé la fermeture et la délocalisation de la Mac de Rebeuss. Me Moussa Sarr, avocat, relève qu’il peut y avoir une responsabilité de l’Etat pour «fonctionnement défectueux du service public de l’administration judiciaire». Défenseur des droits de l’homme, Me Assane Dioma Ndiaye parle de «mise en danger des personnes détenues». Une enquête a été ouverte par le Commissariat de Rebeuss.
Un drame s’est produit mardi 27 Août 2019 vers 23 h à la Maison d’arrêt et de Correction (Mac) de Rebeuss. Les corps de deux détenus ont été retrouvés inertes, à même le sol. Il s’agit de Cheikh Ndiaye et Babacar Mané, âgés respectivement de 18 et 19 ans. Dans un communiqué, l’administration pénitentiaire a fait savoir qu’un ventilateur de la chambre 11 a produit des étincelles provoquant un mouvement de panique chez les détenus. «L’intervention prompte des surveillants de prison pour évacuer la chambre, n’a pas pu sauver tous les occupants, puisque deux corps inertes ont été retrouvés à même le sol. Ils ont été pris immédiatement en
charge par le personnel de l’infirmerie, mais leur décès a été constaté quelques minutes plus tard par le médecin de l’administration pénitentiaire». La Police a été saisie pour les constatations d’usage et les corps ont été acheminés par les sapeurs-pompiers à la morgue de l’hôpital Aristide Le Dantec, poursuit le communiqué. Selon l’administration pénitentiaire qui se désole de cetincident malheureux, les décès pourraient être causés par une électrocution ou une bousculade. Les blessés ont été évacués au pavillon spécial de l’hôpital Aristide Le Dantec. Une enquête a été ouverte par le
Commissariat de Rebeuss, compétent pour ce secteur.
L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE LAISSEE EN RADE PAR L’ETAT SELON L’ASRED
Réagissant également par le biais d’un communiqué, l’Association pour le Soutien et la Réinsertion Sociale desDétenus (Asred) précise que la chambre 11 dans laquelle séjournent les «mineurs» a une dimension de 6 sur 5, avec plus de 60 détenus, voire 70. Saisissant l’occasion, l’Asred dénonce «le surpeuplement carcéral, les longues détentions provisoires, l’insécurité qui règne dans cette prison ainsi que la mauvaise installation de l’électricité à Rebeuss».
La prison de Rebeuss, rappelle l’Asred, a été construite en 1929 avec une capacité d’accueil de 600 détenus, mais elle se retrouve avec 2600 pensionnaires «vivant dans des conditions très précaires, cruelles et inhumaines, dans un pays qui est cité comme une exception démocratique en Afrique de l’Ouest ». L’Asred estime que ces dures conditions de vie carcérale des détenus étaient à l’origine de la mutinerie du 20 septembre 2016 à Rebeuss. Malgré cela, les autorités en charge de la question restent muettes et font la sourde oreille. Le ministère de la Justice demeure le parent pauvre du gouvernement, avec un budget
insuffisant et une administration pénitentiaire qui n’a pas de moyens de sa politique pour mener à bien sa double mission de sécurité des détenus et de ré-
insertion sociale, se désole l’Asred que dirige Ibrahima Sall. Pointant du doigt l’Etat du Sénégal, l’association exige la limitation immédiate des mandats de dépôts excessifs pour Rebeuss et le transfèrement de certains détenus vers d’autres prisons pour désengorger. L’Asred remet sur la table la libération des déficients mentaux incarcérés à Rebeuss et dans les autres établissements pénitentiaires du Sénégal. Ibrahima Sall et ses camarades veulent aussi «le retour immédiat des magistrats qui sont en vacances judiciaires, pour diligenter les dossiers en instance, la fermeture et la délocalisation de Rebeuss, vu que la sécurité des détenus est menacée.
ME ASSANE DIOMA NDIAYE : «IL Y A EU MISE EN DANGER DES DETENUS»
Pour Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue Sénégalaise pour la défense des droits de l’Homme (Lsdh), la responsabilité de l’Etat dans cette affaire ne faitl’objet d’aucun doute. Et d’argumenter pour dire que si les conditions de détention étaient réunies, on n’aurait pas parlé de cette responsabilité. «Il se trouve que depuis des années et récemment avec Guy Marius Sagna, il y eu des alertes. C’est vrai qu’on peut parler d’une circonstance extérieure par rapport à la volonté de l’Etat, mais s’il y a des causes pathogènes, il y a une amplification de cette cause extérieure. Ce qui amplifie le danger, c’est l’anormalité de la situation. Par exemple, il y a le fait de mettre 400 personnes dans une chambre qui ne devait contenir que 50 détenus. De ce point de vue, il y a mise en danger des personnes détenues si bien que même un incident qui n’aurait pas dû avoir des conséquences graves finit par produire ce genre de drame». L’autre responsabilité subsidiaire de l’administration pénitentiaire, poursuit Me Ndiaye,
réside dans le fait qu’elle accepte de travailler dans certaines conditions. Elle n’attire pas assez l’attention des autorités étatiques sur la gravité de la situation, clame l’avocat. Elle a tendance à apaiser. C’est vrai, concède le président de la Lsdh, qu’il y a l’ingéniosité pour gérer, mais à l’impossible nul n’esttenu. «C’est une alerte pour relancer la construction de la prison de Sébikhotane. Il faut nécessairement activer cette piste, mais aussi faire en sorte que le surpeuplement carcéral soit réduit, régulé par une gestion des mandats de dépôt, des dossiers d’instruction et des audiences criminelles. Ça pourrait être pire. Qu’on se retrouve avec une bousculade avec deux morts, c’est un miracle».
L’ETAT PEUT ETRE POURSUIVI POUR FONCTIONNEMENT DEFECTUEUX DU SERVICE PUBLIC DE L’ADMINISTRATION JUDICIAIRE
Persistant dans son argumentaire, il ajoute que l’Etat devait assurer aux détenus une sécurité totale. «Nous nous réunissons pour voir comment organiser une visite rapide du comité des nations unies contre la torture, qui était déjà passée à Dakar et qui avait fait des recommandations, manifestement pas prises en compte par l’Etat du Sénégal», dénonce Me Assane Dioma Ndiaye. Joint au téléphone, Me Moussa Sarr, avocat, rappelle que la sécurité des détenus est assurée par l’Etat par le biais de l’administration pénitentiaire. Dans de pareils cas, il y a lieu d’ouvrir une enquête judiciaire et une en-
quête administrative. La première, pour savoir s’il y a eu des manquements dans le cadre des responsabilités de l’administration pénitentiaire. Des sanctions administratives peuvent être prises. La seconde est destinée à déterminer les circonstances des décès. Sur la base des résultats de l’enquête et de l’autopsie, on peut engager des poursuites pour le paiement de dommages et intérêts pour le préjudice qui est subi par la famille. Il peut y avoir, selon l’avocat, une responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service public de l’administration judiciaire.
( Hadja Diaw GAYE avec Toutinfo.net )