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OUMY GUEYE DITE OMG, RAPPEUSE: «Il  n’est pas facile d’être femme dans le milieu de la musique»

OMG de son nom d’artiste, et Oumy gueye à l’état civil, est un ta-lent reconnu dans le milieu du rap galsen. récipiendaire de deuxAwards (galsen hip hop, Awards et rayaa Awards), l’année écou-lée, elle voit l’avenir tout en rose. Titulaire d’un diplôme en journalisme et communication à l’Issic, OMg n’a pu faire carrièredans la presse. Dans cet entretien avec « L’As», la native de bargny évoque ses débuts, sa carrière, non sans oublier ses projets.

Oumy Gueye : Je m’appelle OumyGueye, je suis une léboue pure souche, originaire de Bargny. J’ai vécu à Bargny toute ma vie,jusqu’à l’obtention de mon baccalauréat. Après je suis partie à la Faculté des sciences économiqueset de gestion (FASEG) où j’ai fait rois ans, parce que j’ai repris la deuxième année. Après, j’ai laissé tomber les études. J’ai commencé à faire de la musique au début de l’année 2013. Vu que j’avais arrêté un an à la Faseg, je me suis concentrée sur la musique, mais aussi j’ai eu à travailler durant cette période dans un call center. J’ai obtenu ma licence en communication après trois ans passés àl’ISSIC, une école de communication et de journalisme.

Pourquoi le choix de la musique au détriment du journalisme?

Les choix se font naturellement dans la vie. J’ai toujours priorisé les études. J’ai essayé de combiner les études et ma passion pour la musique. J’allais dans les concerts jusqu’à 5 heures du matin, et me réveillais pour aller à l’école à 8 heures. Quand j’ai voulu entrer dans la musique, mon père m’aconseillé d’obtenir d’abord mes diplômes. Donc pour lui faireplaisir, j’ai continué mes études. Après avoir obtenu ma licence, jeme suis dit que le moment de faireun choix de carrière était venu.C’est ainsi que je me suis lancéedans la musique. C’est mon métier. Même si je ne pratique pas ma formation dans un médium,.elle me sert dans mon travail dans la musique. Et je ne regrette pasvce choix. Je me bats pour que macarrière décolle réellement. J’en’exclus pas non plus l’idée de continuer les études et de décrocher mon master.

Comment vos parents ont-ils accueilli votre choix de vous lancer dans la musique ?

Ma famille m’a toujours soutenue.Certes mon père était réticent au début. Mais il a fini par accepter mon choix. Il voulait que je continue les études pour plus tard travailler dans un bureau. Comme ils sont ouverts d’esprit, ils ont fini par me laisser faire la musique tout en exigeant de moi de continuer mes études. Aussi, dans ma famille personne ne fait de la musique. Qui connaît les lébous, sait qu’ils sont très conservateurs et ily a certaines choses qu’ils n’acceptent pas. Au Sénégal, le rap est la chasse gardée des hommes.

Comment êtes- vous parvenue à vous y mouvoir ?

C’est vrai, que ce soit ici ou ailleurs, les femmes ont du mal à s’imposer dans ce milieu. Au début, on vient avec notre fougue, notre envie de bien faire, mais après on se rend compte que c’est un milieu contrôlé par les hommes de bout en bout, et qui veulent nous chaperonner. Une femme indépendante comme moi ne se laisse pas faire. J’ai quelques difficultés à m’imposer. Il y a des barrières à faire sauter, on le fera, peu importe ce que cela nous coûtera. J’ai fait cinq ans dans le milieu. J’ai produit un bon travail jusqu’à ce que les gens sachent que j’ai acquis une place. Maintenant les femmes commencent à être invitées dans les concerts et les spectacles de hip hop.

Etes-vous à l’aise dans le manteau de «porte flambeau des

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femmes» qu’on vous affuble ?

(Rires). Ce serait trop de dire queje suis leur porte flambeau. Je dirai plutôt que je sers de relai. Je fais partie du changement. Je suis de la nouvelle génération qui a amené le changement dans le milieu du hip hop féminin, et dans celui du hip hop en général. Je me définis comme une femme qui est venue avec un autre style. Il y a de jeunes rappeuses qui sont là et qui font ce qu’elles peuvent. On est toutes dans une association qui s’appelle Guendji (djiguen àl’envers) Hip Hop qui regroupe toutes les femmes qui sont dans le hip hop, en général, les rappeuses les managers, les photographes, les slameuses, les animatrices culturelles,etc.

Beaucoup de femmes qui se dont lancées dans le rap ont fini ar abandonner. qu’est-ce quiest à l’origine de cela ?

C’est un milieu où il est très difficile d’évoluer en tant que femme. Un jour, un journaliste m’a posé la question de savoir pourquoi les femmes qui font le rap quittent le milieu après un certain temps. Je lui ai répondu qu’il faut que les hommes se posent les bonnes questions parce que c’est bien beau d’indexer les femmes. Les bonnes questions sont : Pourquoi elles s’en vont ? Est-ce qu’elles sont respectées dans ce mouvement ? Est-ce qu’elles ont cette reconnaissance, ce respect ? Est-ce qu’elles ont les mêmes cachets? Est-ce que les femmes sont à l’aise dans ce milieu ? Est-cequ’elles ne subissent pas des chantages, des pressions ? Tu peux être une femme avoir la même notoriété qu’un homme et ne pas percevoir les mêmes cachets. Parce qu’on est une minorité très négligée. Pour moi, ce sont là les bonnes questions. Il faut arrêter de culpabiliser les femmes qui sortent du rap. On voit des hommes qui sortent du rap, ou qui font du mbalax, mais pourquoi ils ne sont pas indexés ? Il faut essayer de trouver des réponses sincères et honnêtes à ces questions d’abord et trouver ensuite des solutions.

On constate des clashs, des piques entre rappeurs dans le milieu du rap. Est-ce que cela existe chez vous les femmes ?

C’est moins fréquent chez les femmes rappeuses. Le premier vraiclash qu’il y a eu, c’est entre moi et Tousa, une autre rappeuse. A part ce clash, il n’y a pas eu un autre clash féminin. C’était le premier et je souhaite que cela soit le dernier (rires). C’était en 2017. Je trouveque le clash, c’est plus un truc defemmes. Je trouve mal que deuxhommes se « crêpent le chignon ».Le clash fait partie du rap certes, mais c’est une chose que je n’aime pas trop. Cela crée des problèmes et des tensions énormes entre les fans. Mais j’estime qu’enlever les clashs du hip hop, c’est comme enlever les sabars du mbalax.

Pourquoi retrouve-t-on toujours des instruments traditionnels dans vos morceaux ?

J’ai toujours mis la culture sénégalaise au devant de mes chansons. Depuis mon premier clip, j’ai toujours porté des wax et autres accoutrements africains pour montrer qu’on peut faire du vrai hip hop tout en restant ancré dans ses traditions. Les instruments, pareil aussi ; on est à l’heure de l’ouverture. Je l’ai compris, raison pour laquelle j’ai inclus des sabars, des tamas et autres. On peut bien inclure les instruments traditionnels dans la culture urbaine. Cela a toujours été ma logique, j’ai toujours aimé tout ce qui est africain ; mais je suis très ouverte aussi.

Comment avez-vous vécu vos nominations aux différents Awards en 2018 ?

2018 a été une année extraordinaire, ce fut l’année de la consécration. J’ai grandi en maturité et en expérience au cours de l’année passée. Pour moi, un prix signifie toujours deux choses : la première est que tu as fait un bon travail, la seconde chose est qu’on doit toujours redoubler d’efforts. Au Galsen Hip Hop Awards, j’ai remporté deux fois successives le prix du meilleur artiste féminin. L’année passée, quand je remportais ce prix, je me suis dit qu’il faut toujours maintenir le cap et essayer de faire plus. C’est ce que j’ai fait et j’ai redoublé d’efforts ; et le résultat est là : je suis encore le meilleur artiste féminin de l’année 2018. L’année prochaine, il faut que je continue. Le prix de «Raaya Awards » m’a beaucoup marquée. J’étais en compétition avec de grands noms de la musique sénégalaise, tels que Viviane Chidid, Aïda Samb. Elles sont de grandes divas avec un talent confirmé. Cette récompense réunit toutes les musiques confondues. Et je suis la lauréate del’année 2018 devant ces ténors de la musique. Alors, cela signifie queje dois travailler et faire beaucoup plus qu’elles si je veux être à leur niveau. Il n’est pas facile d’être femme dans le milieu de la musique et ces divas ont réussi à se frayer un chemin dans ce monde. Je veux avoir le même parcours glorieux qu’elles. J’ai retenu la leçon, je sais quoi faire si je veux conserver cet acquis.

Comment voyez-vous le hip hopsénégalais qui peine à s’internationaliser ?

Ce retard est dû à trois difficultés, selon moi. Il y a des problèmes liés à la distribution, aux producteurs et dernièrement aux artistes, mais aussi à l’Etat. Si l’Etat acceptait d’injecter beaucoup d’argent dans les cultures urbaines, de soutenir les artistes comme le font les autres pays, je pense que le problème ne serait pas arrivé là. Si on avait des distributeurs qui sont hors du pays, qui acceptent d’écouler nos produits, ça serait bien. Il nous manque de grands producteurs internationaux, capables de nous chercher des contrats internationaux. Les seuls producteurs qu’on a ici sont des locaux et un bon producteur a besoin d’avoir un bon carnet d’adresses pour démarcher certains grands évènements partout dans le monde. Cette absence de producteurs ne nous donne pas accès à l’international et retarde notre internationalisation. S’agissant des artistes, on a du mal à s’exprimer librement. Au Sénégal, il y a trop de barrières, trop de censure. On est tout le temps obligé de supporter le poids de la société, le poids de la culture, le poids de la famille.

Est-ce que OMG vit du hip hop ?

C’est mon mari qui me fait vivre.(Rires). Oui, je ne me plains pas. On a des rentrées économiques découlant du rap. On est ni millionnaire ni milliardaire, mais on réussit à subvenir à nos besoins par la grâce de DIEU.

Est-ce facile de concilier la vie de femme au foyer et la musique ?

Ce n’est pas facile du tout. Mais heureusement pour moi, j’ai un mari qui est du milieu. Il comprend très bien, c’est lui qui fait mes musiques. Il est producteur et beatmaker également. Il fut un rappeur et comprend parfaitement les réalités du métier. Il ne me met pas la pression ; au contraire, il m’aide beaucoup dans mon travail, et parfois même dans la cuisine. J’ai une belle famille très compréhensive. Elle connaît comment vit un artiste, parce que mon mari l’était aussi. Ma belle mère m’appelle toujours pour savoir où j’en suis avec les vidéos, les singles et autres. Ma belle famille est toujours à mes côtés et m’épaule dans tout ce dont j’ai besoin.

Quels sont vos projets ?

On a prévu de sortir dans les prochains jours une nouvelle vidéo qui parlera du Sénégal. Par ce titre, on compte rappeler aux jeunes que le Sénégal est un pays de paix, d’hospitalité d’entraide. Le Sénégal authentique, c’est le respect des ainés, le respect de la oarole donnée, la solidarité. Nos grands parents ne se disaient pas du mal et personne ne vilipendait son prochain. C’est ce Sénégal qu’on veut faire « renaitre » et connaître aux jeunes. On est dans le positif, il ne manque pas des valeurs auxquelles ont peut se référer. On s’achemine vers des élections, il est nécessaire de rappeler aux candidats et aux sénégalais que le pays reste un et indivisible. Le 14 février, on compte sortir une chanson d’amour que je dédie par la même occasion à mon époux.

( Entretien réalisé par Maïmouna SANÉ )