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CITE GABON DE RUFISQUE: Zoom sur un quartier fondé par d’anciens émigrés au Gabon

Cité Gabon ! Ce quartier dont le nom renvoie au pays de Ali Odimba Bongo est situé à l’entrée de Rufisque. Les premiers habitants du quartier sont d’anciens émigrés au Gabon revenus au bercail. Ils ont acquis les premiers terrains en 1970 dans cette bande de terre, jadis destinée au maraîchage. Aujourd’hui, c’est un grand quartier confronté à des problèmes d’urbanisme et de socio-économiques.

Située tout juste à l’entrée de Rufisque, dans la commune de Rufisque-Ouest, la «Cité Gabon» est ceinturée par la mer, la centrale de Cap des Biches et la route nationale (Rn1). Elle est habitée en majorité par des Lébous. Derrière ce quartier populeux vieux de 50 ans, se cache toute une histoire. En effet, dix ans après les indépendances, cette localité était encore constituée de terres cultivables. D’après des témoignages recueillis sur place, ces terres appartenaient aux défuntes jumelles «Ndiaré Ndiaye et Dawass Ndiaye». Le maraîchage était la principale activité sur cette bande de terre avec une nappe phréatique peu profonde. Les terres ont fait l’objet de morcellement en parcelles de 400 m2.
C’est dans les années 1970 que les premières habitations ont commencé à voir le jour et ont donné naissance au quartier «Cité Gabon» baptisé en référence à ses premiers habitants qui étaient d’anciens émigrés au pays de Ali Bongo.
A l’époque, une parcelle de 400m2 était cédée à 150.000fr CFA. Un prix qui a évolué vers les années 2000 pour atteindre un million Fcfa. «La cité a été baptisée par des anciens émigrés au Gabon. De retour au bercail, ils ont acheté des terrains dans cette localité et ont décidé de l’appeler Cité Gabon. Le premier habitant s’appelait Mame Diarra Diakhaté, il y vivait avec son fils Ibrahima Diakhaté, ancien employé de la Radio diffusion sénégalaise (RTS). Ensuite, c’était au tour de Mamadou Tanor Mbaye. Par la suite, les gens s’installèrent petit à petit», raconte l’un des premiers habitants de la Cité, Mamadou Ndiaye, ancien agent à la Senelec. D’un âge avancé, souffrant et cloué dans son lit, l’actuel chef de quartier de la Cité Gabon, Malick Mbaye, revient également sur la genèse du quartier. «Je ne suis ni de Rufisque, ni de Diokoul, mais je suis un fonctionnaire qui a fait le tour du Sénégal avant d’arriver à Rufisque. La Cité Gabon fait partie en quelque sorte de Diokoul. Arrivé à Rufisque, j’ai pris service à l’Ecole multinationale des PTT. A un moment donné, j’ai eu vent de la vente de terrains. C’est ainsi que j’ai acquis mon terrain à 150.000 Fcfa en 1975», confie le chef de quartier, originaire de la région de Saint-
Louis.
Chef de quartier : «Je ne peux pas aller à la mosquée, car je risque de tomber»
Aujourd’hui, le quartier est entièrement habité et il ne reste plus aucune parcelle à vendre. Les maisons portent le poids de l’âge et des intempéries. Raison pour laquelle, certains occupants n’hésitent à afficher sur le seuil de leur maison : « A vendre». A cause de la nappe phréatique d’eau peu profonde, les inondations sont devenues monnaie courante à la Cité Gabon. La nappe phréatique et la stagnation des eaux de pluie sont à l’origine de l’humidité dans les maisons. Ce qui représente des risques pour certaines bâtisses qui menacent de s’écrouler, mais également pour la santé des occupants. L’une des principales routes qui traverse le quartier en direction de la mer est tout le temps sous les eaux. Cependant, contrairement à d’autres quar- tiers côtiers où la pêche reste la principale activité, à la Cité Gabon, beaucoup de pères de familles quittent les chaumières tôt le matin pour rallier leurs lieux de travail au centre-ville de Dakar. Beaucoup d’élèves et d’étudiants qui poursuivent leurs études à Dakar. Un déplacement en masse qui est en passe de transformer cette localité en «quartier dortoir». En atteste le calme plat qui y règne dans la matinée.
Toutefois, comme à l’image des autres quartiers de la banlieue dakaroise, la Cité Gabon a également son lot de problèmes sociaux qui ont pour nom : Chômage, assainissement, entre autres. Outre ce coup du sort de la nature qui résiste à la volonté politique des autorités politiques, il y a la route principale à l’entrée de la Cité qui est depuis quelques années en réfection. Les lenteurs dans les travaux et l’état chaotique de cette route ont été dénoncés par les habitants. «La route principale qui traverse la Cité est en construction depuis plus de cinq mois et aucune amélioration n’a été constatée. Les automobilistes sont ainsi obligés de contourner cette voie devenue impraticable. Certains, par contre, ont décidé de garer leurs voitures pour ne pas les exposer à un dommage certain», révèle le vieux Mamadou Ndiaye. Le chef de quartier. Malick Mbaye de poursuivre sur la même lancée : «Notre plus grand problème, c’est la route. Les travaux entamés sur cette route bien avant l’hivernage et qui tardent à prendre fin, ont été très mal faits. Avec les eaux de pluie, la route est impraticable même pour les piétons. Je ne peux plus aller à la mosquée, car je risque de tom- ber avec ces gros cailloux sur la route», se désole le chef de quartier.
Ndiassé Mbaye, président de l’Asc de la Cité dénonce également les lenteurs notées dans les travaux de cette route et invite les autorités à accélérer la cadence.
Un promoteur privé met les pieds dans le plat
Dans ce populeux quartier de Rufisque, le sport y est aussi une passion pour la jeunesse. La longue fermeture du stade Ngalandou Diouf de Rufisque et ouvert récemment avait causé un énorme préjudice à cette jeunesse. «Le sport, c’est notre passion et nous sommes en train de transmettre notre savoir-faire dans ce domaine à nos frères. Dans ce quartier, il y a de grands footballeurs. C’est pour- quoi, certains dénomment la Cité «quartier de footballeurs». Nous avons beaucoup de joueurs dans les clubs de l’élite, comme l’AS Pikine, l’AS Douane, dans d’autres clubs et à l’étranger», indique le président de l’ASC Cité Gabon.
Cependant, ce problème lié au stade n’est que la partie visible de l’iceberg. En effet, l’unique aire de jeu de la localité fait l’objet de travaux de construction de la part d’un promoteur privé. Ce qui a courroucé Ndiassé Mbaye. «Le terrain que nous avions est en train de nous filer entre les doigts. Un promoteur venu de nulle part réclame la propriété du terrain et a même commencé à y ériger des constructions».
Un manque d’eau structurelle
En ce qui nous concerne, nous remettons en question cette paternité et nous avons décidé d’ester en justice. C’est inconcevable que notre quartier n’ait pas de terrain de football. Nous appelons les habitants à la mobilisation pour reprendre ce qui nous revient de droit», martèle le pré- sident de l’ASC Cité Gabon. Le manque d’eau est aussi une réa- lité à la Cité Gabon. Selon l’ancien agent de la Senelec, ils sont obli- gés de veiller pour voir le liquide précieux couler des robinets. La seule occasion, pour ces derniers, de remplir leurs réservoirs. La centrale électrique de la Cap des Biches qui jouxte la Cité Gabon perturbe également la quiétude des habitants dudit quartier. Ces derniers se plaignent de la pollu- tion sonore du fait du ronronnement des machines, mais aussi des échappées de fumée noirâtre qui polluent l’atmosphère. Le désœuvrement d’une partie de la jeunesse a parfois des conséquences, comme l’insécurité. En effet, certains jeunes s’adonnent à l’alcool ou à la drogue et sont toujours cités dans des cas de vols ou d’agressions.
Sénégal-Gabon
Par ailleurs, dans cette dynamique de renforcer cette coopération entre le Sénégal et le Gabon, une manifestation culturelle dénommée «les 72 heures de la Cité Gabon» a été organisée dans la localité. Une manifestation présidée par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Ismaila Madior Fall en présence de l’ambassadeur du Gabon au Sénégal Michel Regis Onanga Ndiaye. «Une occasion pour rendre hommage à l’ambassadeur et lui faire comprendre qu’au Sénégal, il y a une cité qui s’appelle Gabon», indique Mbaye Ndoye, président du conseil de quartier.
Ismaila Madior Fall : «Je me sens Gabonais»
«C’est une cérémonie qui est communautaire, mais qui se fait en coopération avec un pays lointain, mais très proche, en réalité, le Gabon. L’existence de cette cité en est une illustration, il y en a beaucoup d’autres. Le Sénégal et le Gabon sont des pays frères liés par une amitié de plus de 50 ans. Les Sénégalais ont choisi d’aller massivement au Gabon depuis des années et quand ils arrivaient, ils étaient accueillis et bien intégrés», souligne le minis- tre qui révèle qu’en dehors des ouvriers, il y avait aussi des professeurs. «Au lycée, on avait des professeurs qui, à un moment, avaient choisi d’aller travailler au Gabon, parce que les conditions de travail étaient excellentes et le sont toujours d’ailleurs. Personnellement, quand, je parle du Gabon, je suis toujours content. Quand je faisais mon agrégation en 2007, je suis allé au Gabon. C’est pourquoi à chaque fois qu’on parle du Gabon, je me sens gabonais», révèle le Garde des Sceaux qui, dans la foulée, a tressé des lauriers à l’ambassadeur du Gabon au Sénégal. «Vous avez choisi de vous intégrer dans le pays qui vous accueille, peut être que votre nom de famille y est pour quelque chose. Je sais aussi que c’est une option professionnelle. C’est pour cela que je voudrais vous remercier car, ce n’est pas courant de voir un ambassadeur dans les quartiers, pour communier, fêter avec les habitants du quartier», ajoute M Fall.

( Marie Fall GUEYE et Toutinfo.net )