LA CHRONIQUE DE MLD: L’urgence d’un repositionnement diplomatique dans l’humilité. Par Mamadou Lamine DIATTA
Bonne chance et bon vent au Dr Sidy Ould Tah tout- nouveau Président de la Banque africaine de développement -BAD-.
Il faut dire à brûle-pourpoint que pour le Sénégal qui avait un candidat en lice, nous devons reconnaître que nous n’avons pas mis notre valeureux concitoyen dans les meilleures conditions de performance. Il faut savoir que pour cette élection délicate à la Présidence de la BAD, il ya d’une part les 54 pays africains appelés les régionaux et les 27 pays dits non régionaux. C’est le fameux groupe des supposés pays développés ( États-Unis, France, Allemagne, Italie Grande-Bretagne,Canada, Argentine, Brésil, Inde, etc).
Il faut constater pour le déplorer que malheureusement le nouveau pouvoir en place depuis le 24 mars 2024 a jusque-là développé un narratif un tantinet agressif qui a eu le don de doucher les ardeurs des puissants pays non- régionaux de la BAD. C’est cela l’une des tristes réalités du scrutin et l’un dans l’autre le régime Pastef devrait avoir l’intelligence stratégique d’en tirer les meilleures leçons. Il ya un célèbre proverbe qui enseigne trivialement « qu’on ne perd jamais dans une quelconque compétition, on gagne ou on apprend ».
Le Sénégal n’avait aucun intérêt à se mettre à dos les pays qui votent…De ce point de vue, nous avons failli à notre mission et l’apprentissage de la culture de l’Etat devrait continuer pour de nouveaux maîtres du pays qui ont fait à peine une année aux affaires. Dans ce dossier Hott, le pouvoir n’a pas été agressif, perspicace et stratégique dans la quête aux suffrages. Clairement !
La victoire éclatante du Mauritanien Dr Ould Sidy Tah sonne t-elle pour autant le glas de la diplomatie sénégalaise ? Même pas ! Il faut rester lucide et analyser froidement et positivement cette consécration du ressortissant d’un pays avec qui le Sénégal partage l’exploitation du gaz naturel liquéfié ( GNL) au large de ses côtes jusque-là plus connues pour être assez poissonneuses. Autrement dit, la victoire du voisin Mauritanien est quelque part un point positif pour notre pays toutes proportions gardées.
Le régime Diomaye-Sonko n’a t-il pas soutenu Hott comme il devait ? A t-il soutenu notre concitoyen du bout des lèvres comme le sussurent certains ?
Certains observateurs le pensent mais cette analyse simpliste est carrément à reconsidérer. Macky Sall serait là et Hott aurait perdu dans les mêmes conditions. Surtout que nous avons déjà perdu la présidence de l’UA en 2017 à Addis-Abeba lorsque le Professeur Abdoulaye Bathily adoubé par le précédent régime était battu par le Tchadien Moussa Faky Mohamed cornaqué à l’époque par le regretté Idriss Déby alors au faîte de sa gloire. Idem pour Madame Eva Marie Coll Seck battue au 1er tour à l’élection de la Direction Générale OMS en 2003 à Genève.
La vérité c’est que nous avons dormi sur nos lauriers et les autres pays avancent avec organisation et méthode sans faire de bruits.
Faudrait-il le rappeler, pour positionner l’image d’Ould Tah, la Mauritanie avait mis en branle une Task- force du tonnerre qui a sillonné l’Afrique et le monde de bout en bout depuis plus d’une année.
Ce pays, à la lisière du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, fait preuve d’un soft-power remarquable depuis plusieurs années. Ahmed Yahya le Président de la fédération de football élu au Comité executif de la Fifa et au Comex de la CAF et puis Ould Sidy Tah à la
Présidence BAD. Il ya visiblement un travail de terrain bien planifié qui est déroulé surtout en coulisses car il est de notoriété que la diplomatie ne se fait pas sur la place publique.
Les Mauritaniens ont planifié et adopté des stratégies afin de les mettre en application.
Sidy Ould Tah est l’ancien patron la Banque arabe de développement économique pour l’Afrique -BADEA-. Forcément la puissante machine diplomatique arabe était exclusivement à son service. Sans oublier le soutien précieux du Président Alassane Ouattara. Détail important : Il faut rappeler que le Président Ouattara avait affirmé urbi et orbi son soutien assumé et actif au candidat Mauritanien. Sans doute doit-on ajouter l’influence du Maroc, un royaume qui sait drainer et convaincre une noria de pays indécis..Autant dire que Tah était un candidat XXL surtout qu’il manie aussi bien l’Anglais, l’Arabe que le Français.
Il est évident que la diplomatie sénégalaise est dans une phase graduelle de déconfiture et de dégringolade depuis plusieurs années.
Il est loin le temps des hautes personnalités comme Babacar Ndiaye ancien Président BAD, Cheikh Fall ancien DG Air Afrique, Amadou Makhtar Mbow (Unesco), Jacques Diouf à la tête de la Fao, Eva Marie Coll Seck à Onusida…
Qu’est ce qui s’est passé entre- temps ? Question existentielle s’il en est.
La victoire du candidat Mauritanien est finalement un mal pour un bien. Elle doit servir de déclic et d’électrochoc.
Et puis, il ne faut pas se voiler la face ; nous ne sommes pas meilleurs que les autres au point d’avoir la prétention de tout rafler sur notre passage. Nous devons travailler avec humilité et efficacité afin de moins parader, moins parler pour rester focus sur l’essentiel.
Tout de même, nos ambitions restent intactes. Aujourd’hui l’urgence d’un repositionnement diplomatique est actée.
L’actuelle ministre des affaires étrangères Madame Yassine Fall a certes montré certaines limites. Loin de nous l’idée de la tenir pour responsable de la déconvenue subie à Abidjan. Ce serait malhonnête de notre part.
À notre humble avis et en vérité, le Sénégal est un pays désarticulé depuis l’avènement de Me Wade en 2000. La gouvernance Macky Sall n’étant qu’une suite logique de cette dynamique tant le 4eme Président était quelque part le clone de son ancien patron.
Il faut remettre les choses à plat et rendre urgemment la diplomatie aux diplomates de carrière.
De 1960 à nos jours, le Doyen Seydina Oumar Sy a été en 1990 le premier conseiller aux affaires étrangères, donc le premier professionnel à diriger ce département stratégique des affaires étrangères. Donc vingt ans après l’indépendance, notre pays venait de consacrer un homme de l’art à ce poste délicat. Mankeur Ndiaye avait également eu ce privilège en 2013. Et puis plus rien !
La diplomatie est un job délicat et les diplomates de carrière sont jaloux de leur métier. Ils savent être discrets et perspicaces pour marquer leur territoire.
L’actuel pouvoir devrait saisir l’occasion de cette Berezina abidjanaise pour repenser notre politique diplomatique afin de mieux l’adapter aux exigences de l’heure. Il s’agit de polir davantage notre prestige et de mieux préparer notre avenir immédiat dans le concert des nations.