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INSECURITE, OBLIGATIONS FAMILIALES, DISTANCE… Pourquoi les femmes sont quasi absentes à la prière de Fadjar

A la prière de fadjar (celle de l’aube), lorsqu’il y a une centaine de fidèles du côté des hommes, dans les mosquées, chez les femmes, seule environ une demi-douzaine répond présente à la première prière. en général, elles invoquent des raisons liées à la sécurité, aux obliga- tions familiales, à la distance du lieu de culte par rapport à leur domicile, etc.

Aidés par quelques nécessiteux venus dans l’espoir de collecter une aumône, Ibrahima Tine, muezzin à la mosquée de Diamagueune, étale une grande natte dans la cour. Il reste encore deux heures avant la prière de Tisbar (14 h) et les fidèles vaquent à leurs occupations. Sur un peu moins de 200 fidèles à la prière de l’aube, chez les hommes, il dénombre environ 6 femmes. « Je ne sais pas pourquoi elles ne viennent pas. S’il s’agit de sécurité, il y en a ici. Les lampes sont allumées. C’est vrai qu’il y a des bandits qui ont élu domicile non loin, mais ils ne leur feront rien. Mais pour les prières de Tisbar, Takoussan et Timis, elles viennent en masse. Il s’agit en général de commerçantes», confie le muez- zin.
Des propos confirmés par Khady Thioub, (marque noire sur le front) vendeuse de café devant la mosquée, entourée de ses deux enfants qu’elle a préféré amener au travail, plutôt que de les laisser traîner dans la rue. «Je viens de loin et je quitte
très tôt mon quartier, c’est l’une des raisons pour lesquelles je ne vais pas à la mosquée pour la prière de l’aube. Par ailleurs, il y a des agresseurs dans notre quartier qui profitent de ces heures pour attaquer les femmes ou s’introduire dans les maisons. Si j’habitais à proximité de la mosquée, j’y ferais toutes mes prières. Mais je me rattrape en quelque sorte en faisant toutes les autres prières ici», tente de se consoler Khady Thioub.
Sa voisine, Maguette Seck, domiciliée à Sangalkam, avance quasiment les mêmes motifs. Vendeuse de petits-colas, elle exerce ce petit commerce à l’arrêt Diamagueune depuis environ 20 ans. «Mon fils qui m’accompagnait à mes débuts est aujourd’hui marié et père d’un enfant… Si les gens savaient les bienfaits qu’il y a dans la prière
en groupe, à chaque prière, ils cesseraient toute activité pour rejoindre la mosquée. A Sangalkam, notre mosquée est trop éloignée mais quand je viens ici, vers 9-10 heures, je me débrouille toujours pour faire les prières de Tisbar, Takoussan et Timiş à Diamagueune. Pour le Guéwè, j’attends d’arriver à la maison», témoigne la dame.
Pour pouvoir faire des réfections et permettre aux habitués de la mosquée de Sacré-Cœur 3 de se recueillir, une esplanade a été aménagée en face du lieu de culte. Il y a si peu de femmes qui viennent car la partie qui leur est réservée (climatisée, avec des moquettes) reste fermée tous les jours de la semaine, sauf le vendredi.
Pour plus de commodité et sans doute pour économiser l’électricité, elles se mettent derrière
les hommes dans la grande pièce et font approximativement une quinzaine en général. Pour les autres prières, elles font entre 5 et 10. Le grand rush, c’est le vendredi avec le Khadara diouma. «A mon avis, les dames ne viennent pas à l’aube parce qu’elles sont très occupées à la maison avec leurs obligations familiales. Les enfants, maris et autres. Ici, il y a deux gardiens, un de jour et un autre de nuit. Les rues sont bien éclairées. Donc, les ques- tions de sécurité et d’éclairage ne nous concernent pas», dit Ibrahima Thiam, gardien de jour.
Habillée d’une tunique en noir et blanc, foulard sur la tête, un chapelet dans le creux de la main droite Sokhna Diagne vient de finir de marchander un article au rond-point de Liberté 6. «A la mosquée d’Hlm Fass, le
quartier où j’habite, il y a de braves dames. Nous sommes une dizaine à la prière de l’aube. En toute modestie, je peux dire que je fais partie des fidèles les plus assidues. Récemment, lorsque l’un de mes fils est décédé et que mes voisins étaient venus me présenter mes condoléances à la maison, ils ont rappelé que j’étais surnommé : Mère Diaka. J’ai 64 ans et c’est à l’âge de 50 ans que j’ai commencé à respecter la prière de l’aube à la mosquée. Je remercie Allah pour cela parce que certaines femmes le veulent mais ne parviennent pas à le traduire en acte. C’est le cas d’une amie qui m’est très proche. Même lorsqu’elle est chez elle, elle a du mal à sortir de son lit à l’aube. Je lui dis souvent qu’elle doit lutter contre Satan. Souvent, c’est par paresse qu’on ne se lève pas»

 

( Par Hadj Diaw GAYE et Toutinfo.net)