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Un an de régression des libertés des médias : « Ce n’est pas seulement une crise de la presse, c’est une crise de l’État de droit » (Mamadou Ibra Kane)

Un an après l’accession au pouvoir du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, la liberté de la presse au Sénégal traverse une période critique et agonisante, marquée par des atteintes sans précédent. La convocation de plusieurs journalistes, le 25 avril 2025, pour leur notifier l’interdiction de diffusion de leurs médias, illustre la dégradation rapide de l’environnement médiatique.
 
Depuis l’alternance politique de 2024, les entreprises de presse font face à une offensive multiforme : étouffement économique, blocage des comptes bancaires, résiliation des contrats publics de publicité et gel de la subvention d’État pourtant prévue dans la loi de finances. Cette stratégie de pression semble viser à réduire l’indépendance des médias traditionnels, perçus comme des vestiges de l’ancien régime.
 
« Ce n’est pas seulement une crise de la presse, c’est une crise de l’État de droit », alerte Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS). Pour lui, l’objectif est clair : « Liquider la presse nationale privée » pour favoriser l’émergence de nouveaux médias alignés politiquement et financés sur fonds publics.
 
Déjà affaiblis par les conséquences économiques de la crise du Covid-19, les médias privés, soutenus par un effacement fiscal promis sous l’ancien président, se sont vus refuser toute mesure d’allègement sous le nouveau pouvoir. Pire, les autorités fiscales ont durci leur position, refusant les moratoires et lançant des procédures de recouvrement coercitives. Pendant ce temps, les créances dues par l’État aux organes de presse restent impayées.
 
« Par la voix du ministre de la Communication, l’État a tenté de présenter les patrons de presse comme des bandits fiscaux, alors que les irrégularités de paiement ne datent que de la période post-Covid où le secteur des médias a perdu plus de 90 % de son chiffre d’affaires, secteur économique le plus touché au Sénégal. Surtout, sur les 10,5 milliards de dettes fiscales des entreprises de presse, les 54 % relèvent du secteur public (RTS, APS, Soleil et TDS-SA) et «seulement» 46 % pour toutes les entreprises de presse privées », indique M. Kane.
 
 
La tension est aussi politique : le nouveau pouvoir semble remettre en cause le principe constitutionnel de la liberté de création de médias. Par une série d’arrêtés, le ministère de la Communication tente de contrôler l’existence légale des organes de presse, en contradiction avec l’esprit libéral consacré par la Constitution sénégalaise.
 
À travers cette politique d’asphyxie fiscale, économique et juridique, le Sénégal semble renouer avec une tradition inquiétante : la répression de la presse après chaque alternance démocratique. Face à cette situation, les professionnels des médias, mais aussi les citoyens, partis politiques, syndicats et organisations religieuses, sont appelés à défendre un pilier fondamental de la démocratie : une presse libre, indépendante et républicaine.

Avec PressAfrik